Morondava (Madagascar) : Adaptation de la ville côtière au changement climatique

, par  HUSSENOT DESENONGES, Gérald

L’auteur suit le devenir de cette ville de Madagascar, particulièrement menacée par la submersion marine.
Les photos sont de l’auteur.

I-Introduction 

Située sur la côte Ouest de Madagascar , à 10 heures de route de Tananarive, Morondava, capitale économique de la Région du Ménabé , est une petite ville côtière de 90 000 habitants, située sur le canal du Mozambique ; royaume de l’ethnie Sakalave, territoire historique des pêcheurs Vezo.

L’arrière pays de savane arbustive conduit à la côte,caractérisée par un littoral de dunes et de plages sableuses, de mangroves de palétuviers et de lagunes, le tout s’inscrivant dans le vaste système d’environnement estuarien de la rivière Morondava.

L’estuaire occupe en effet une large superficie au Nord et au Sud ouest de la ville, un canal (Le canal Hellot) en a été dérivé en 1930, au bord du quel un port a été construit, accessible à marée haute.

Envasement du port

L’ensemble de ce système estuarien génère des alluvions massifs et des inondations en période cyclonique, jusqu’au cœur de la ville sur les zones inondables

La ville sous l’eau après passage cyclone

« Morondava a été en effet édifiée sur une zone deltaïque correspondant à un ancien exutoire du fleuve à qui la ville doit son nom. Il étreint de ses deux bras, Nord et Sud, la cité avant que leurs embouchures ne se jettent dans le Canal du Mozambique. Ces deux « membres », distantes l’une de l’autre d’une dizaine de km, jouent un rôle essentiel dans la mise en valeur de la plaine agricole de Morondava, tout en assurant les fonctions vitales de producteur et transporteur de matériaux sédimentaires vers et sur la zone côtière. » (Source plaquette FICOL )
Plus au sud, la rivière Kabatomena débouche sur le canal du Mozambique par un vaste estuaire charriant alluvions et sables occasionnant un large panache turbide et des barres dangereuses pour la navigation.
Morondava est mondialement connue par sa fameuse grande allée de baobabs , à quelques kilomètres en arrière de la ville.
La pêche y demeure l’activité principale : crevettes (White, Pik, Brown, Tiger) , crabe de mangroves , poissons démersaux, langoustes et poulpes ; les flottilles sont essentiellement piroguières.

Pirogues sur la plage de Morondava

Par ailleurs, la Société de pêcherie de Morondave ( SOPEMO ) crée en 1985 exploite (ait) 2 chalutiers crevettiers glaciers, 2 navires d’appui et de 3 navires collecteurs.(mise en sommeil).
Suite à la propagation du virus du White Spot l’activité de la ferme d’aquaculture de crevettes Penaeus Monodon -comme beaucoup d’autres sur le canal du Mozambique- a été fortement perturbée.(voire arrêtée).
Inondations récurrentes, érosion côtière historique, submersions passées et futures, jointes aux conséquences des phénomènes naturels sur la vie économique locale et la santé des habitants, demeurent depuis toujours des sujets de discussion pour les différents édiles qui se sont succédés à la tête de la ville. Avec plus ou moins de résultats. Aussi, compte tenu de la forte incidence de la mer sur l’activité économique de la ville y compris en ce qui concerne le tourisme, le nouveau conseil municipal, élu en en octobre 2015, s’est mobilisé , sous la forte impulsion de sa présidente, pour s’attaquer aux problèmes posés par l’érosion du littoral et à l’aménagement de celui ci, dans le contexte de l’adaptation de la ville côtière au changement climatique.

II-Les projets

Deux projets majeurs ont fait l’objet d’une réflexion collective puis de demandes de subventions :
1°) Projet dans le cadre de la coopération décentralisée avec le Conseil Régional de la Réunion
 En juin 2016 a été déposé un projet d’aménagement intégré et durable du littoral côtier de Morondava face au défi du changement climatique.
Quels sont les éléments argumentant ce projet ? :
On l’a vu , le constat n’est pas nouveau , dès 1914 l’érosion côtière est déjà documentée, consécutive à la fois aux actions anthropiques et aux phénomènes naturels . Les travaux réalisés par la suite : élargissement de l’anse de la presqu’île de Bétania, dérivation du canal, urbanisation progressive du littoral etc...ont aggravé la situation puisqu’il est relevé que depuis 1951, sur certains secteurs, la ville a reculé de 200 à 400 mètres.
Au fil du temps,des travaux ont été entrepris pour tenter de limiter ces dégâts : établissements d’épis sur le front de mer, pose récentes de gabions et de palplanches de protection. Avec des résultats tangibles certes, mais néanmoins fortement perturbés par les cyclones successifs, les pluies abondantes et les fortes marées, qui ont repris inéluctablement du linéaire côtier.
Ces aménagements artificiels ont par ailleurs aussi favorisé la colonisation du littoral et, en conséquence, l’accentuation de la pression urbaine sur un milieu déjà sensible.
Le contenu du projet :
Partant du Sud au Nord, soit de la plage de Morondava, puis celles des Bougainvilliers, le quartier d’Avarodrova jusqu’à la plage de Kimouny, le projet porte idéalement sur un linéaire côtier d’une dizaine de kilomètres, mais demeure phasé dans un premier temps sur 2.800 m de littoral, avec une priorité d’action sur 1.500 m. Il comporte deux objectifs :
 Diminuer et encadrer la pression de la concentration d’usagers sur la bande côtière
 Aménager de façon intégrée le linéaire côtier.
Sur la base des 3 volets du développement durable :
 Environnemental, en préservant les zones vulnérables du littoral par des compléments d’aménagements contre l’érosion, par la revégétalisation de certains secteurs de la côte pour opposer une résistance au vent et fixer le sable des dunes, par la création d’un sentier littoral. Le tout en conservant la biodiversité et les potentiels biologiques marins côtiers.

Replantation de palétuviers

 Économique, en sécurisant les investissements déjà réalisés, en établissant des conditions pérennes de développement d’hébergements hôteliers, des petits commerces de restauration, de la pêche (et notamment pour le village des pêcheurs ), du tourisme, du résidentiel etc...
 Social , en aménageant des zones d’accueil du public, toilettes sèches, parkings etc. « Des mesures d’accompagnement sont également envisagés (programme d’éducation environnemental, SIG littoral, travaux collectifs, renforcement des capacités,...) afin d’inscrire la démarche dans un cadre responsable, participatif et durable. » (source plaquette FICOL)

2°) En septembre 2016 a été bâti un projet complémentaire sur la protection du littoral contre l’érosion côtière dans le cadre de l’appel à projets Climat II lancé par le Ministère des Affaires étrangères et la COP 21.
Ce projet a été retenu par une labellisation lors de la COP 22 tenue à Marrakech en novembre 2016. Soutenu par le Ministère des Affaires Etrangères et du Développement International et le Ministère de l’Energie, de l’Environnement et de la Mer, dans le carde de la coopération décentralisée. Il répond à la catégorie "Risques côtiers et gestion des alertes’’.
Contenu du projet : On l’a vu plus haut, en période cyclonique toutes les zones urbaines voisines du niveau zéro sont sujettes à inondations et le seront plus encore à l’avenir, porteuses d’épidémies et de désagréments majeurs pour la population.
Une des raisons de ces envahissements relève des actions anthropiques entreprises depuis des années et dont les corrections ne sont plus apportées - notamment par les travaux d’entretien courant des lits des rivières encombrés d’alluvions, de sables et de débris naturels charriés par le courant.
Il a donc été envisagé de procéder méthodiquement, par villages, au nettoyage des cours d’eau par curage et faucardage, au désengagement des piles de ponts, remise en état des radiers etc. par les habitants eux mêmes, moyennant mise à disposition de matériel et de nourriture et sous la direction d’un maître d’œuvre ; soit, en fait, « à remettre en état le réseau hydrographique du bassin versant amont, lequel joue un rôle de stabilisateur côtier. En effet, celui-ci fournit en sédiments le cordon dunaire tout en limitant les impacts des inondations liées aux débordements des rivières sur la ville. » (source plaquette FICOL)
En parallèle, le dragage des boues portuaires de façon à rendre accessible les quais du port, est en cours d’évaluation.

III-Le financement des projets :

Bien que n’ ayant pas pu bénéficier des fonds fléchés à ce titre, les projets s’inscrivent à la fois dans le cadre général du Programme de Développement Régional national 2014-2018 d’aménagement et de protection du littoral ainsi que dans le Programme National d’adaptation de Madagascar au changement climatique.
Les deux projets finalement réunis sur un seul titre, se trouvent cofinancés par le Fond d’intervention des collectivités locales de l’Agence Française de Développement (l’AFD ), l’Union Européenne, la Région Réunion, et la Communauté Urbaine de Morondava.
La Région Réunion en étant la collectivité cheffe de file, la commune urbaine de Morondava, l’autorité locale, le projet est intitulé : ’’Aménagement intégré et durable du littoral côtier de la commune urbaine de Morondava face au défi du changement climatique".
Montant : 930K€ sur 3 ans
Situation des fonds :
A l’heure qu’il est les fonds ont été débloqués, mais la liquidation reste soumise au problème juridique en cours de solution pour leur créditement entre la Région Réunion et la Communauté Urbaine de Morondava.

IV- Autres projets :

Outre ces 2 projets majeurs, des opérations de restauration et de régénérations de mangroves ont déjà eu lieu et mériteraient d’être confortées.
D’autre part plusieurs réflexions supportées par l’association ’’Morondava ro te ako’’sont en cours en ce qui concerne le domaine de la pêche côtière :
 L’appui à la pêche côtière en liaison avec la Direction Régionales des Ressources Halieutiques et de la Pêche du Menabe.

Tri du poisson sur la plage

 La création d’un établissement conchylicole pour la culture d’huîtres de palétuviers et de c.gigas
 L’encadrement de la pêche et le renforcement des ressources naturelles d’holothuries (h.scabra) voire de crabes de mangroves (scylla serrata)
 La construction d’un marché couvert pour les produits de la mer, décliné en 3 points stratégiques de la ville pour le confort des pêcheurs (et de leurs femmes) et des consommateurs ainsi que l’instauration d’un poste de production de froid en indépendance énergétique, dédié au secteur de la pêche.

Trottoir aux poissons

Navigation