Compte-rendu de l’AG 2017 de CAP 2000 Agriculteurs, pêcheurs, ostréiculteurs : Cap sur 2050

, par  CHEVER, René Pierre

CAP 2000 regroupe des agriculteurs, pêcheurs et ostréiculteurs en Bretagne Sud et notamment en rivière d’Etel. Leur objectif préserver la qualité de l’eau et leurs activités.

L’association Cap 2000 a tenu son assemblée générale le 15 septembre 2017 dans les locaux du Comité régional conchylicole de Bretagne Sud et du Comité
départemental des pêches du Morbihan à Auray. Ce lieu de rassemblement était symbolique à lui tout seul de la volonté qui anime les responsables de Cap 2000 : rassembler les professionnels du secteur primaire, pêcheurs, conchyliculteurs et agriculteurs de Bretagne Sud. Les buts de l’association n’ont pas changé depuis 2000 : préserver la qualité des eaux littorales, pérenniser les activités primaires littorales, instaurer et accompagner le dialogue entre les professionnels, développer la concertation avec les autres acteurs du territoire.

Outre la présentation des activités de l’association : appui aux exploitations agricoles
littorales, l’identification des contaminations bactériologiques en zone littorale, l’appui
technique aux conchyliculteurs et pêcheurs à pied professionnels, la valorisation des
activités primaires littorales et actions de communication, l’assemblée générale a permis la présentation de trois sujets lourds :
• Etats des lieux des sols littoraux donnant les résultats d’analyses chimiques et
biologiques sur un réseau de parcelle entre 0 et 500 mètres, étude menée par la
Chambre régionale d’agriculture de Bretagne.
• Résultats de l’étude DIETE (diagnostic de l’Eutrophisation [1] dans le Mor Braz, 30
ans de données)
• Emplois partagés et remplacement en agriculture et conchyliculture, l’exemple
Solutis emploi et Serenor.

L’ordre du jour très fourni a eu du mal à tenir dans les deux heures imparties et les
présentations pouvaient vite devenir incompréhensibles pour un néophyte. J’en ai tiré
quant à moi trois points que je voudrais commenter.

Au détour de la présentation du programme DIETE, Nathalie Cochennec-Laureau
(Ifremer) a pu, grâce aux relevés précis effectués depuis 30 ans au coeur du Mor Braz,
affirmer, suite à une de mes questions, que la température de la mer avait augmenté d’un degré et cinq dixièmes dans cette zone. Cette information, bouleversante de simplicité, indique que nous sommes véritablement dans un processus de changement climatique très important. Une projection sur un siècle, ce qu’elle n’a pas fait, suggère une augmentation comprise entre 4 et 5 degrés. A ce niveau de progression, le littoral tel que nous le connaissons aujourd’hui, est déjà et va être soumis, à de profondes transformations. On pourra dire que le Mor Braz est une zone particulière, certes, mais c’est aussi un laboratoire dont les données sont incontestables. Concernant l’eutrophisation de cette zone, l’Ifremer a constaté une augmentation du silicate, une stabilité des indicateurs de la Vilaine et la Loire, mais une augmentation de la biomasse de phytoplancton et des diatomées dans des phénomènes d’eaux colorées. Il y a donc une augmentation de l’eutrophisation en particulier l’été et un retard de restauration de la qualité des eaux en Baie de Vilaine.

La présentation des activités de l’association a donné lieu a un foisonnement d’initiatives :

  • Accompagnement d’une enquête de la gendarmerie maritime sur des sources de
  • pollutions.
  • Passage de zone conchylicole en « A »,
  • Prise en compte de l’autocontrôle mené par les professionnels,
  • Rôle des cycles naturels de zostère,
  • Détermination de zones à enjeux,
  • Dragages d’huîtres,
  • Suivi phytoplanctonique, etc.
    L’étude menée à Séné avec une vingtaine de pêcheurs à pied dans les zones de zostères pour connaître l’impact de la pêche à pied, est un modèle du genre. Comment continuer à pêcher, tout en protégeant les herbiers, dans un milieu où rien n’est figé et suit des cycles naturels, souvent difficiles à percevoir. L’étude « empirique » menée avec une caméra sous-marine a pu démontrer dans un premier temps que les zostères sont toujours bien visibles.
    Le Comité Départemental des Pêches Maritimes et des Elevages Marins du Morbihan va déposer un dossier pour mieux définir les relations entre les pêcheurs à pied et les zostères. Les différentes aires marines présentes sur la zone demanderont de protéger les « coeurs » d’herbiers. Encore faut-il savoir précisément où ils se trouvent et surtout connaître leur évolution au cours de cycles complexes et pluriannuels, avec ou sans pêcheurs à pied.

Afin de préserver la qualité sanitaire des productions de coquillages et la qualité générale des masses d’eau côtières et de transition, il est interdit d’épandre des effluents d’élevages sur les terres agricoles situées à moins 500 mètres d’une zone conchylicole. Mais il y a des dérogations possibles prévues par la loi. C’est dans ce cadre que Cap 2000 agit en favorisant une concertation approfondie entre les agriculteurs et les conchyliculteurs depuis de longues années. D’un point de vue écologiste pur, moins il y aura de dérogations, mieux ce sera. Du point de vue des jeunes paysans qui s’installent en zone littorale il est nécessaire de valoriser le plus de terre possible. D’un point de vue politique et sociétal si les nouvelles générations de paysans ne s’installaient pas, ces terrains changeraient progressivement de destination dans une zone ultra touristique. On voit bien qu’une réponse simple n’est pas de mise. La chambre régionale d’agriculture a entrepris une étude approfondie sur un réseau de parcelles situées dans la bande des 500 mètres. Daniel Hanocq en a donné les résultats dans lesquels je ne rentrerai pas. Les conclusions sont assez parlantes en termes de fertilisation potentielle : ce sont des sols souvent
sableux, sèchants, avec un niveau de phosphore et de potassium critique, des indicateurs biologiques à suivre de près, des structures de sol relativement bonnes, des sols résilients qui pourraient être aidés avec un apport organique adapté. L’orateur a conclu en suggérant qu’il faudrait un dispositif expérimental détaillé et au long cours pour avancer. La « machine » agricole ne reste pas les deux pieds dans le même sabot. Cependant, les arguments de politique générale d’aménagement du territoire sont très écoutables, à condition d’un suivi très précis et d’une négociation au mètre près. Les pêcheurs maritimes ne sont pas en première ligne sur ce sujet, mais ils peuvent faire confiance aux conchyliculteurs et aux pêcheurs à pied dans ce domaine. Très clairement, si une association comme Cap 2000, n’était pas présente et active sur le terrain toutes ces négociations seraient l’oeuvre de lobbies fort éloignés du littoral.

Je suis resté sur ma faim dans plusieurs domaines :
1. Comment considérer que la Vilaine et même la Loire auraient un impact supérieur
à celui du Gulf Stream, au débit bien supérieur à l’amazone, dans lequel nous
baignons en permanence ?
2. L’augmentation du niveau de la mer a été à peine évoquée. Pourtant le
changement climatique est la donnée majeure qui impacte notre environnement.
L’eau de mer ne remonte-t-elle pas de plus en plus dans les étiers ?
3. La haute mer fréquentée par des pêcheurs ne pourrait-elle pas amener des
informations sur le changement climatique en suivant la prolifération des
méduses ?

En conclusion, l’association Cap 2000, qu’il faudrait bientôt appeler 2050, avec ses très modestes moyens qui mériteraient d’être renforcés, doit continuer son action exemplaire en cette période de changements profonds.
René Pierre Chever.

[1Détérioration d’un écosystème aquatique par la prolifération de certains végétaux, en particulier des algues planctoniques (on parle de bloom planctonique). La cause peut être le rejet d’origine anthropique de nitrates (engrais azotés par exemple), de phosphates (lessives par exemples) et de matières organiques. Les conséquences sont variables et nombreuses : prolifération d’algues planctoniques et de certains types de zooplancton, modification des caractéristiques physiques et chimiques de l’eau,
disparition ou forte réduction du nombre d’animaux et de certains végétaux, réduction de la teneur en oxygène, etc.

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