COFI 2018, interventions du WFF

, par  WFF

Du 9 au 13 juillet 2018, s’est tenue à la FAO, à Rome, la 33ème session du COFI (Comité des pêches). Voir http://www.fao.org/about/meetings/cofi/fr/
Occasion de faire le point sur l’application du "Code de conduite pour une pêche responsable".
Le WFF nous fait parvenir ses interventions lors de cette réunion.

Point 8.2 : Gouvernance de la pêche à petite échelle et de la pêche artisanale

En tant que représentants des communautés de pêcheurs à petite échelle du monde entier, pêcheurs, femmes et communautés autochtones, nous remercions les États membres du COFI, la FAO et d’autres acteurs pour les efforts déployés en vue de la mise en œuvre des Directives PPE (Pêche à petite échelle). Nous saluons la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies proclamant 2022 Année internationale de la pêche artisanale et de l’aquaculture. Nous travaillons aux niveaux mondial, régional et national pour assurer la mise en œuvre réussie des directives de la PPE selon l’APPROCHE BASÉE SUR LES DROITS DE L’HOMME.(ABDH)

En tant que pêcheurs, nous représentons 90% des personnes impliquées dans la pêche. Pour nous, la pêche n’est pas seulement une activité économique, c’est notre mode de vie et notre culture. Les pêcheurs à petite échelle détiennent les connaissances sur les réalités de leurs communautés et l’état de la mise en œuvre des directives de la PPE.

En tant que petits pêcheurs, femmes et peuples autochtones, nous sommes confrontés à de nombreuses menaces : les changements climatiques, les pratiques de pêche industrielles et destructrices, la pollution, la contamination de l’eau causée par l’exploitation minière, le développement d’infrastructures à grande échelle, la violence et la persécution, l’accaparement de l’eau, la privatisation et l’exclusion des ressources naturelles dont nous dépendons. Cela mine notre capacité à mettre de la nourriture sur la table ; les femmes pêcheurs, les jeunes et les peuples autochtones continuent d’être marginalisés et luttent pour participer de manière significative aux processus politiques et de gouvernance qui affectent nos moyens de subsistance. Nous considérons que la mise en œuvre des directives sur la pêche artisanale sur la base de l’ABDH est le moyen le plus sûr de protéger nos droits humains, nos moyens de subsistance, notre culture et nos traditions.

En 2016, à sa trente-deuxième session, le Comité des pêches a invité la FAO à continuer d’élaborer le Cadre stratégique mondial pour les lignes directrices sur la pêche artisanale. Par la suite, l’IPC (Comité international stratégique pour la sécurité alimentaire ) a contribué au projet que la FAO a soumis au Bureau du COFI en avril 2017. En outre, le GSF SSF (cadre stratégique mondial sur la PPE) joue un rôle central dans le processus de mise en œuvre des Directives, garantissant ainsi l’esprit des négociations et l’approche participative ascendante, un principe de base. L’IPC travaille sans relâche à la mise en œuvre des Directives PPE au niveau local : nous avons conclu 8 ateliers nationaux et 3 sous-régionaux pour sensibiliser nos communautés de pêche avec le soutien du FIDA, nous réalisons 9 ateliers nationaux sur la tenure dans la PPE avec l’aide de la FAO. Nous discutons avec nos circonscriptions et d’autres organisations de pêche à petite échelle des priorités pour la mise en œuvre des lignes directrices. De plus, nous intégrons les Directives sur la pêche artisanale dans les conférences régionales de la FAO et dans le Forum régional des agriculteurs, et discutons avec le FIDA d’un changement de politique de programme orienté vers le suivi.

Nous invitons les pays membres à soutenir davantage le Programme-cadre de la FAO, en plaçant les organisations de pêcheurs au cœur du processus de mise en œuvre des Principes directeurs à travers le cadre stratégique mondial de la PPE.

Point 8.3 : Processus de portée mondiale et régionale relatifs aux océans

Nous pêcheurs et pêcheuses, nous sommes confrontés à une multiplicité de crises : la populations de certaines espèces marines, en particulier en raison de la surexploitation des ressources marines, de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) de la mauvaise gouvernance des ressources, du changement climatique et de la pollution en plastique qui sont en train de modifier les écosystèmes de nos océans et cours d’eau et représentent donc une menace sérieuse pour les moyens de production des communautés de pêcheurs. Ces problèmes traversent les frontières et ne peuvent être résolus unilatéralement par les États, encore moins par les communautés de pêcheurs. C’est pourquoi nous nous félicitons de la participation de la FAO au renforcement de la collaboration régionale, de la gouvernance des écosystèmes transfrontaliers et des ressources marines.

Cependant, nous sommes préoccupés par le processus de consultation dans le cadre des activités de la FAO. Ces tables rondes sont souvent dominées par les intérêts des secteurs privés correspondant aux grandes industries de la pêche, ancrés dans une approche de la gestion du territoire marin et de ses ressources basées sur les droits. Cela découle de l’idée que la détermination des droits de propriété d’une ressource résout les problèmes de bonne gestion et d’administration, la même notion qui soutient souvent l’augmentation récente des aires marines protégées à travers le monde.

Cela contraste fortement avec l’approche fondée sur les droits de l’homme consacrée dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ainsi que dans les directives pour la pêche artisanale. Enracinés dans les droits de l’homme, ces documents mettent l’accent sur la parité entre les sexes, le respect des cultures et une approche holistique de l’écosystème pour la gestion de la biodiversité et la protection de la nature.

Selon l’exigence des droits de l’homme de tous les Etats, nous exigeons la participation libre, significative, efficace et informée des communautés de pêcheurs et des peuples autochtones, dans tout processus politique pertinent tel que reflété dans la stratégie de la FAO, pour les partenariats avec le CSO (Organisations de la société civile), et dans les directives PPE, qui elles sont mises en œuvre par le biais du Cadre Stratégique Mondial qui garantit la centralité des pêcheurs artisanaux.

Nous appelons les membres du COFI à soutenir le MEM et le Programme Eau de la FAO pour la mise en œuvre des Directives pour les Pêches de Petite Echelle.

Point 9 : Programme 2030 pour le développement durable (ODD)

C’est un plaisir de participer à ce forum et de voir un tel intérêt pour la réduction de la pauvreté, la défense des droits de la personne et la durabilité de l’environnement. Ces idéaux sont au cœur des directives sur la PPE auxquelles nos petits pêcheurs et les mouvements populaires indigènes tiennent si chèrement. En effet, comme vous le savez tous très bien, les ODD + les directives PPE sont conceptuellement très alignés. Défendre les principes des droits humains qui inspirent le programme de développement durable est crucial pour nos communautés qui luttent chaque jour pour préserver leurs moyens de subsistance face à la dégradation de l’environnement, aux conditions de travail précaires, à la faim et à l’accès aux ressources marines et intérieures pour survivre. En d’autres termes, nous sommes d’accord avec beaucoup d’entre vous sur le fait que l’approche fondée sur les droits de l’homme est essentielle pour garantir la dignité des petits pêcheurs et des pêcheurs autochtones, hommes et femmes.

Cependant, nous devons également partager que nous avons quelques préoccupations. Il y a des éléments de l’Agenda pour le développement durable qui nous inquiètent et qui, nous le craignons, peuvent à long terme nous empêcher de nous attaquer aux racines de la pauvreté et de la faim. Nous ne nous croyons pas que nous-mêmes et nos idées soient pris en considération dans la croissance bleue quand nous regardons les programmes au niveau national adoptant cette vision. Dans de nombreux programmes de croissance bleue, notre contribution à l’économie de l’océan et à la régénération, la protection de l’environnement, de la part des pêcheurs à petite échelle et autochtones, est négligée. Nous sommes souvent exclus des aires marines protégées proposées dans le programme de croissance bleue - des endroits où nous suivons les cycles naturels du poisson et de l’écosystème marin. Plus important encore, nous voyons une priorité donnée aux pêcheries basées sur les droits qui sont encore très présentes dans le programme de développement durable. Mais selon notre expérience, les initiatives de pêche basées sur les droits ont amené la privatisation dans nos communautés, menant à la criminalisation des pêcheurs et à la concentration de la richesse et au contrôle des ressources dont nous avons besoin pour vivre dans la dignité.

Nous avons aussi des solutions. Pour nous, nos ODD sont les lignes directrices de la PPE. Nous avons activement développé un mécanisme pour guider la mise en œuvre des directives PPE, appelé le cadre stratégique mondial (GSF). Les lignes directrices de la PPE et du cadre stratégique mondial étaient plus participatives que tout autre instrument mondial de gouvernance des pêches dans leur développement - en bref ces lignes directrices sont le meilleur moyen de s’assurer que personne n’est laissé pour compte. Et le contenu des lignes directrices va au-delà des ODD, en particulier les ODD14, dans leur portée et leurs implications pour la lutte contre la pauvreté parmi nos communautés de pêcheurs autochtones et à petite échelle. Des droits fonciers à l’équité entre les sexes, de la récolte à l’accès au marché et l’amélioration de la capacité à participer à toutes les décisions politiques qui affectent la vie des pêcheurs, hommes et femmes. Les lignes directrices de la PPE sont notre norme d’excellence et le Cadre stratégique Mondial est notre plan directeur pour aller de l’avant avec la mise en œuvre. Bien que les principes des droits de l’homme soient alignés, les ODD sont nouveaux et encore peu connus dans notre vie en tant que communautés de pêcheurs, mais la mise en œuvre des directives de la PPE, qui nous ont été transmises via XX consultations, bénéficient de l’adhésion et de la qualité du processus. Compte tenu de l’engagement de la FAO à l’égard des lignes directrices sur la pêche artisanale, nous sommes heureux de voir que le dépositaire de l’ODD 14 est également la FAO. Ceci donne une grande opportunité pour la mise en œuvre des deux pour se renforcer mutuellement. Nous demandons que le COFI approuve le Cadre stratégique mondial pour la mise en œuvre des directives sur la pêche artisanale en tant que voie la plus directe vers la réalisation de l’ODD 14 et au-delà.

Point 10 : Changement climatique et autres questions relatives à l’environnement

Comme le souligne le document du COFI sur les « Changements climatiques et autres questions liées à l’environnement », les bouleversements climatiques et les catastrophes environnementales sont parmi les plus grands défis de notre temps et ils s’ajoutent aux autres menaces à l’encontre de la pêche artisanale. Les communautés côtières, continentales et autochtones sont les premières à être touchées par les impacts des changements climatiques et des catastrophes environnementales, tels que les tempêtes, tsunamis, élévation du niveau de la mer, assèchement des rivières et lacs, perte de biodiversité aquatique, prolifération des espèces invasives. Ces communautés vulnérables devront lutter contre la montée du niveau de la mer afin d’adapter leurs moyens de subsistance et de préserver leurs cultures et savoir-faire traditionnels, avec tous les impacts socioéconomiques liés à ces grands bouleversements.

Le document du COFI se concentre principalement sur la protection des ressources aquatiques et côtières, sans accorder suffisamment d’attention à la protection des droits humains et des moyens de subsistance des pêcheurs artisanaux, des travailleurs de la pêche et des peuples autochtones. En fait, il ne mentionne qu’une seule fois les pêcheurs artisanaux. Le document du COFI se concentre également sur le contrôle des méthodes de pêche destructrices. Cependant, il n’a pas mis en évidence la différence cruciale entre les méthodes de pêche industrielle et artisanale. il ne souligne pas le rôle des pêcheurs artisans dans la préservation des milieux aquatiques et leur rôle dans l’atténuation aux changements climatiques, par l’utilisation des méthodes de pêche passives à faible coût énergétique, depuis des générations. Les pêcheurs artisanaux aident à refroidir la planète.

Les directives sur la pêche artisanale ont été élaborées dans le cadre d’un processus participatif et consultatif, qui a impliqué directement plus de 4 000 représentants des communautés de pêche artisanale ; ils comportent un ensemble de principes pour lutter contre les changements climatiques et atténuer leurs impacts. Leur mise en œuvre nécessite encore une approche participative et consultative de toutes les parties prenantes. Ces Directives définissent également ce que les Etats membres du COFI doivent faire pour protéger la vie des pêcheurs, leurs moyens de subsistance et assurer la sécurité alimentaire des communautés les plus pauvres. Des principes de base inscrits dans les directives accordent une attention toute particulière aux droits humains, à l’équité entre les sexes et surtout aux spécificités des communautés côtières, continentales, autochtones et des insulaires.

Nous soutenons le Cadre stratégique mondial des directives de la pêche artisanale et nous invitons tous les membres du COFI à adhérer au groupe des amis des directives. Ainsi, les pays membres collaboreront d’une manière fructueuse avec nos organisations de pêcheurs pour assurer la mise en œuvre des principes de base des directives dans le respect des droits humains.

Navigation