Transmission et Installation : Anticiper avec l’AGLIA

, par  CHEVER, René Pierre

« Transmission et Installation » dans les secteurs de la pêche et la conchyliculture étaient les sujets de la 29ème rencontre interrégionale de l’AGLIA tenue le 13 novembre 2018 à Rochefort. Plus de cent personnes s’étaient pressées à ce rendez-vous annuel. Après « Maîtrisons la sécurité, préservons la santé » en 2016, « Parlons innovation » en 2017, le cru 2018 était prometteur. C’est pourquoi Pêche & Développement y avait délégué son vice-président.

AGLIA : Association Grand Littoral Atlantique, actuellement présidée par Claire Hugues (conseillère régionale des Pays de Loire), cette association interrégionale (Bretagne, Pays de Loire et Nouvelle Aquitaine) assure la mise en réseau, l’ingénierie des projets retenus pour développer la pêche et les cultures marines dans le Golfe de Gascogne et la diffusion des résultats. www.aglia.fr/presentation-aglia/

Après le mot d’accueil de Benoît Biteau, de la grande région Nouvelle Aquitaine, mettant en valeur les sentinelles de la mer que sont les pêcheurs et les conchyliculteurs et la nécessité de leur renouvellement par la transmission et l’installation d’entreprises, les intervenants ont planché sur les besoins et les réponses apportés par le secteur public et/ou privé.

Les besoins sont forts comme en a témoigné Fanny Brivoal, la coordinatrice pêche du COREPEM [1] : 163 navires sont considérés comme devant être cédés dans les prochaines années, 50% des patrons de sa région ont plus de 45 ans, or de nombreux problèmes existent : manque de matelots, manque d’antériorité (25 navires sur 180 concentrent 90% des quotas), manque de projection sur de nouveaux modèles de production, manque d’anticipation des cédants et manque de préparation des arrivants. L’étude que le COREPEM vient d’achever dessine quelques pistes d’accompagnement comme l’anticipation tous azimuts, le coaching, le tutorat, la mise en place d’un guichet unique, l’appui d’un observatoire socio-économique.

L’idée, selon Fanny, est de faire un « pool d’actions » facilitant autant que faire ce peut la transmission et l’installation. Alain Dreano pour le CRC Sud [2] est intervenu pour rappeler que les formes juridiques existent depuis longtemps, mais qu’elles restent des emballages pour un projet, qui prime tout. Il a prôné à chaque fois que c’est possible, la reprise progressive, permettant au cédant de ne pas perdre toute activité du jour au lendemain et à l’installant d’apprendre tout en connaissant de mieux en mieux son outil de travail.

Après des groupes de travail sur les enjeux de demain, force a été de constater la relative inertie des outils publics ou collectifs sur ce sujet, alors que les structures privées se développent sans arrêt et manifestent leur intention d’agir dans le secteur maritime.
Depuis plus de 10 ans, au moins (2008, date du dernier choc sur le prix des carburants), les régions et les structures professionnelles s’interrogent sur la façon d’accompagner la transmission et l’installation des jeunes. C’est un sujet de réflexion tournant autour de modules de formation pour les jeunes aux lycées maritimes, des études, la mise en place d’un hypothétique guichet unique, la nécessité d’un animateur sur le territoire (quel territoire ?)… Malheureusement un outil opérationnel ne semble pas pour demain.
Par contre, l’arrivée dans le paysage maritime de fonds d’investissement est frappante : GO Capital [3], BPGO [4], ARKEA [5], Initiatives France [6], etc. Ils étaient physiquement présents lors de la rencontre, intervenant tous pour affirmer que toutes les activités maritimes, y compris la pêche et la conchyliculture les concernaient.
Après tout, la transmission et l’installation est un combat, pourquoi ne pas s’adresser aux privés autant qu’à des outils collectifs, de toute façon les prêts, d’où qu’ils viennent, doivent être remboursés et c’est toujours difficile.
Cependant, on ne m’enlèvera pas de l’esprit deux choses :
• Que le manque de réalisation concrète d’outils collectifs résulte du fait que l’on n’a pas réglé clairement la question de la propriété de la ressource. Si c’est le marché des antériorités qui compte (ce qui ressemble de plus en plus à des QIT), pourquoi ne pas laisser le marché tout régler, y compris les transmissions ? Si c’est le territoire et son aménagement qui comptent, le marché ne peut agir seul et un outil collectif est utile.
• Dans cette dernière hypothèse, sur un territoire donné, le Finistère par exemple, un outil d’intermédiation entre le jeune investisseur putatif et un vendeur potentiel, reste très utile. Par exemple, qui pourra émanciper suffisamment le jeune investisseur pour qu’il ose obliger le vendeur à mettre son bateau sur le slipway et qu’un vieux charpentier l’ausculte sous toutes coutures à coup de marteau ? « Mille autres petites choses de ce genre », comme disait Fanny Brivoal, sont à faire avant d’aller discuter gros sous dans une banque ou une autre.

Cette 29ème rencontre de l’AGLIA conclue de façon volontariste et optimiste malgré les problèmes, par la présidente a eu le mérite de faire une photo des enjeux actuels de la transmission d’entreprise maritime sur la façade Atlantique, nul doute que les problèmes sont identiques ailleurs.

René-Pierre CHEVER
Vice-président de Pêche & Développement

[1COREPEM : Comité Régional des Pêches et des Elevages Marins des Pays de Loire.

[2Comité Régional de la Conchyliculture de Bretagne Sud.

[3Go Capital : Le premier fonds GO Capital Amorçage doté de 60 M€ a été cré en 2012, à l’initiative des Conseils Régionaux de Normandie, Bretagne et Pays de la Loire avec le soutien du FNA (Fonds National d’Amorçage, géré par Bpifrance dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir, PIA), du FEI (Fonds Européen d’Investissement) et de Banques régionales partenaires, sur le territoire du Grand Ouest.

[4BPGO : Banque Populaire du Grand Ouest.

[5ARKEA : filiale du Crédit Mutuel, acteur de développement économique des territoires.

[6Initiative France : accord d’un prêt d’honneur, sans intérêt ni garantie personnelle que vous vous engagez à rembourser sur l’honneur. L’attribution du prêt d’honneur repose sur une relation de confiance entre le créateur d’entreprise et la plateforme France Initiative. C’est à vous-même que le prêt est octroyé, non à l’entreprise en création. Ce prêt d’honneur permet de renforcer vos fonds propres.

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