Rapport sur le trafic d’êtres humains, le travail forcé et les crimes dans la pêche en Indonésie D’après IOM (International Organization for Migrations)

, par  IOM (d’après)

L’Indonésie est le deuxième pays après la Chine pour la pêche maritime avec des débarquements de 6,2 millions T en 2014. La pêche maritime assure 3,8 millions d’emplois, dont 2,6 millions de pêcheurs. Mais la pêche traditionnelle perd des emplois passant de 1,6 millions à 800000 de 2003 à 2013. L’Indonésie a entrepris de s’attaquer durement à la pêche illégale étrangère dans ses eaux, interdisant également l’usage de chaluts et de sennes. 148 bateaux ont été brûlés et coulés, dont 43 bateaux philippins, 46 vietnamiens, 21 thaïlandais et 16 de Malaisie.

En 2015, le sauvetage massif de pêcheurs étrangers (1342) victimes d’exploitation d’êtres humains sur des navires de pêche illégaux, non déclarés et non réglementés (INN) à Benjina et à Ambon a révélé au grand jour le manque de politique adéquate dans la pêche et un manque d’examen approfondi des conditions de travail sur les navires de pêche aussi bien que dans les fermes aquacoles.
Cette affaire a révélé toute l’étendue de ces activités criminelles transnationales. Les victimes étaient recrutées dans de nombreux pays et forcées à travailler illégalement en Indonésie. Les lois nationales et les règlements étaient constamment bafoués et les conventions internationales totalement ignorées. Des sociétés écrans étaient créées et elles pêchaient illégalement du poisson qui était ensuite transbordé dans la Zone Economique Exclusive de l’Indonésie et dans les zones limitrophes, ce qui empêchait son interception par les autorités indonésiennes. Finalement, ces prises entraient dans la chaîne mondiale de ravitaillement et elles étaient traitées par des fournisseurs de poisson légaux qui n’avaient pas conscience de leur provenance, ni du coût humain de ces prises.
La situation à Benjina et à Ambon est symptomatique d’un trafic d’êtres humains bien plus large et insidieux, non seulement dans les industries halieutiques indonésiennes et thaïlandaises, mais bien au-delà.
Ces recherches fournissent un aperçu d’une industrie criminelle très vaste et bien camouflée qui opère aux côtés de la pêche légale, et empiète souvent sur elle. Cette situation révèle l’étendue de l’activité criminelle transnationale sur mer et la nuisance qu’elle représente en tant que menace pour la sécurité maritime des nations, tout comme la menace qu’elle représente sur la sécurité humaine pour les pêcheurs, les marins et les communautés de pêcheurs.

Le trafic d’êtres humains et le travail forcé dans la pêche en Indonésie est caractérisé par :

  • Le recrutement organisé et systématique et l’exploitation de pêcheurs et de marins venus de multiples pays d’Asie du Sud Est ;
  • Des témoignages avérés de meurtres et de disparition illégale des cadavres ;
  • Un temps de travail journalier bien trop élevé au-delà de 20h par jour jusqu’à sept jours par semaine ; et une activité criminelle qui s’y rattache directement.
  • Un manque d’attention au niveau local pour le trafic d’êtres humains, le travail forcé et les activités criminelles associées.

La pêche illégale en Indonésie présente les caractéristiques suivantes :

  • Une législation et des règlements contradictoires du gouvernement indonésien a créé de la confusion sur les responsabilités de rouages clés du gouvernement responsables de la surveillance du recrutement des travailleurs, des conditions et de la surveillance des entreprises de pêche, des agences qui fournissent la main d’oeuvre et des navires de pêche.
  • La collaboration de plus de deux personnes : les bateaux sous deux pavillons sont enregistrés dans deux pays. Cet acte de falsification du certificat de radiation est commis au moins par le propriétaire du bateau, les commanditaires et ceux qui agissent sur le terrain ;
  • La suspicion d’actes criminels graves, Les pêcheurs illégaux violent de nombreuses lois par des actes tels que la désactivation de l’émetteur radio, l’usage d’engins de pêche interdits et destructeurs, le transbordement illégal par bateau, la falsification des documents de bord et de leur journal de bord ;
  • Des chefs d’équipages travaillant illégalement pour des périodes indéterminées : bien qu’une loi nationale interdise l’utilisation d’équipages étrangers, on trouve encore de nombreux patrons de navires de pêche étrangers travaillant sur des bateaux qui entreprennent des voyages longs. Ceci montre que ces crimes sont rendus possibles par une planification considérable ;
  • La recherche du profit et/ou du pouvoir : la véritable raison de ces crimes dans la pêche est la volonté de maximiser le profit et les bénéfices financiers avec un effort minimal en ce qui concerne le respect de la réglementation en exploitant les tendances à se laisser corrompre de quelques hauts fonctionnaires et politiciens influents ;
  • L’intervention au niveau international : l’implication de différents pays, des campagnes de pêche dans des zones variées, des pavillons de complaisance pour faciliter le débarquement des prises directement dans un autre état et la vente du poisson sur le marché international au prix fort ;
  • Et l’utilisation de structures commerciales et d’affaires : la plupart des opérations de pêche illégales sont conduites en utilisant de grandes entreprises, qui sont souvent créées par des investissements étrangers, ont des licences valides, et pourtant violent les lois et pratiquent l’évasion fiscale.

Recommandations :

  • Les autorités portuaires doivent noter les mouvements des bateaux particulièrement les navires étrangers ;
  • Former les inspecteurs des pêches dans les ports pour identifier les indicateurs de trafic d’êtres humains, de travail forcé et de pêche INN ;
  • Réduire les contradictions dans la réglementation et les conflits entre les autorités gouvernementales ;
  • Autopsier les membres d’équipage qui meurent en mer ;
  • Enquêter sur tous les décès à bord des bateaux de pêche ou dans les ports et réaliser des autopsies ;
  • Les Etats du pavillon doivent prendre plus de responsabilités pour agir contre la pêche INN pratiquée par les bateaux portant leur pavillon ;
  • Les efforts pour établir un registre international doivent être soutenus ;
  • Soutenir une augmentation des inspections et de l’accessibilité aux bateaux de pêche et aux usines de transformation éloignées ;
  • Interdire les navires à bord desquels les agissements rapportés plus haut ont été signalés ;
  • Soutenir un rôle accru des contrôleurs (marine, police maritime et des pêches) pour mener des inspections des navires de pêche pour y trouver des preuves de trafic et de pêche illégale ;
  • Réaliser des audits sur l’application des droits humains dans les armements de pêche avant d’attribuer des licences ;
  • Créer des centres pour les pêcheurs et les marins dans les ports (des centres pour rendre compte des abus, blessures et décès et assurer une protection) ;
  • Soutenir les inspections et contrôles par de multiples agences.
  • Introduire une politique de traçabilité totale pour empêcher les violations des droits humains et réduire la pêche INN,
  • Accroître la préoccupation des consommateurs pour le trafic d’êtres humains dans la pêche.

Source : Report on Human Tra cking, Forced Labour and Fisheries Crime in the Indonesian Fishing Industry 2016

Traduction : Maximilien Gilles

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