Mais les problèmes liés à la gouvernance et à la sécurité sont souvent absents des débats. Cinq thèmes sont particulièrement importants à traiter : la sécurité, la nécessité de légiférer et la transparence, le respect des droits humains, l’occasion d’œuvrer pour une économie durable et le développement humain.
Négliger ces problèmes conduira à entraver la croissance potentielle promise par les océans Africains. Le littoral africain, très vaste, accueille une activité maritime estimée à 1000 milliards de dollars par an. Ceci ne fait que gratter la surface des choses.
L’Afrique possède 38 états côtiers et un certain nombre d’états insulaires comme le Cap Vert, Sao Tomé et Principe, l’Ile Maurice, les Seychelles et les Comores. Les Etats côtiers et insulaires d’Afrique englobent de vastes territoires océaniques dont la taille peut être estimée à 13 millions de kilomètres carrés.
Les Seychelles, par exemple, possèdent 1,3 million de kilomètres carrés de territoire océanique qui reste largement sous-développé. La Somalie a le plus long littoral d’Afrique (approximativement 3000 km) et revendique un territoire océanique qui s’étire jusqu’à environ 120 km de son rivage. La majeure partie de ce territoire est faiblement gouvernée.
Beaucoup de pays africains échouent à assurer de bonnes conditions de sécurité pour ceux qui travaillent et vivent du produit des océans. De vastes étendues maritimes au large de l’Afrique de l’Est, de l’Ouest et du Nord sont souvent cataloguées comme des zones de non-droit. La pêche illégale, la piraterie maritime et les vols à main armée, la contrebande de drogue et le trafic d’êtres humains ont atteint des proportions ahurissantes. Il faut y ajouter la hausse de l’émigration illégale.
Pour que ceci change, les divers acteurs ont besoin de coopérer de façon transnationale pour sécuriser et utiliser les territoires océaniques. On sait maintenant communément que les états séparément ne peuvent pas faire grand chose par leurs propres moyens. La solution apportée par la coopération est simple mais difficile à vendre à une masse critique de gouvernements Africains qui sont souvent suspicieux envers les feuilles de route collectives.
Points chauds
L’échec dans le fait d’assurer la sécurité des territoires océaniques produit des zones non gouvernées que des criminels exploitent. Au pire, les espaces maritimes négligés profitent à des insurgés et à des terroristes comme c’est évident en Libye, en Somalie et au Nigéria.
L’Afrique a eu à se préoccuper de trois régions océaniques volatiles où la criminalité empêche totalement les pays concernés de profiter du potentiel de leurs océans. On peut citer la Corne de l’Afrique, le Golfe de Guinée et les eaux méditerranéennes qui bordent le nord de la Libye.
Le dénominateur commun dans ces trois points chauds est que les pays auxquels appartiennent ces côtes n’ont pas réussi à rendre ces zones sûres. Ceci a ouvert les portes à des criminels. Un rapport récent publié par Greenpeace a prouvé que l’Afrique de l’Ouest perd environ 2 milliards de dollars à cause de la pêche illégale.
La plupart des pays africains sont pleinement conscients à la fois du potentiel de l’océan et des menaces qui pèsent sur ce même potentiel. Beaucoup d’initiatives vont dans ce sens. Elles comprennent :
- La Stratégie Maritime Intégrée 2050, mise en place par l’Union Africaine en 2012 qui reconnaît et encourage l’importance des pays Africains qui prêtent plus d’attention à leurs intérêts maritimes.
- La Charte de Lomé récemment adoptée – un effort du continent pour encourager et coordonner les efforts faits par les pays Africains pour veiller à la sécurité maritime, à la sûreté et au développement.
- Le Code de Conduite de Yaoundé pour l’Afrique de l’Ouest qui cartographie un ensemble inter régional de zones de responsabilité pour surveiller et faciliter les réactions à la criminalité grandissante qui sévit dans le Golfe de Guinée.
- Une augmentation de la présence de forces navales internationales au large de la Corne de l’Afrique pour mettre fin à la vague de piraterie au large de la Somalie. Elle a été complétée par le Code de Conduite de Djibouti qui a permis une intervention Est Africaine pour contrer les menaces soulevées par la piraterie. Ledit code a été élargi pour inclure d’autres crimes liés à la mer.
- Le gouvernement des Seychelles a donné le ton au niveau national avec sa mise en avant explicite de l’importance de l’économie bleue. Une Feuille de Route Nationale pour l’Economie Bleue vise à accélérer la diversification économique, à débloquer des investissements et à garantir la sécurité alimentaire.
Bien que l’approche adoptée par les Seychelles semble évidente en raison de leur dépendance des océans qui les entourent, ce lien est tout simplement aussi important pour les 38 autres états côtiers d’Afrique.
L’Afrique du Sud dirige un ensemble d’initiatives liées au domaine maritime pour s’engager dans l’économie bleue. Ce pays a récemment adopté une politique - appelée Opération Phakisa- qui donne quatre priorités : le transport maritime et l’industrie qui y est liée, l’exploration offshore pour trouver du pétrole et du gaz naturel, l’aquaculture et les services de protection marine.
En dépit de toutes ces initiatives il reste encore énormément de choses à faire. Les plus importantes englobent la gouvernance et la sécurité.
Endiguer la montée de la criminalité
Malheureusement, des acteurs aux réseaux bien structurés qui menacent la sécurité des eaux africaines se développent à un rythme alarmant.
Les pays africains pourraient s’y attaquer, tout d’abord en s’assurant que leurs lois nationales soient harmonisées avec le traité des Nations Unies sur la sécurité des océans.
Ensuite, ils ont besoin de commencer à travailler ensemble. Il est clair que des pays seuls ne peuvent faire que bien peu de choses par eux-mêmes. Ils ont besoin de s’engager dans des initiatives multilatérales. Un renforcement du réseau de sécurité maritime collective est la clé qui permettra d’exploiter l’Économie Bleue.
Prof Francois Vreÿ, coordinateur des recherches à l’Institut de Sécurité pour la Gouvernance et le Leadership en Afrique, Université de Stellenbosch.
Traduction : Maximilien Gilles
Source : "The Conversation"