PRIS DANS LE FILET Compte Rendu du Congrès mondial de l’Apostolat de la Mer, KAOHSIUNG Taiwan du 1 au 6 Octobre 2017

, par  EPALZA, Mikel

PRIS DANS LE FILET : C’est le thème du Congrès. Il s’agit des pêcheurs, asiatiques et autres, qui sont maillés dans le filet de l’exploitation, de la traite humaine, dans le filet de l’esclavage actuel pratiqué dans le monde de la pêche.

« Ce que vous acceptez dans les pays occidentaux, ce n’est pas du poisson mais la vie des hommes de mon peuple. Le poisson venu de Thaïlande, vendu dans les supermarchés de l’Occident a baigné dans le sang et les larmes des jeunes de mon pays, les pauvres innocents qui sont les esclaves du pharaon, du capitalisme mondial ! » Charles Bo, cardinal de Yangon (Myanmar).

1/ Un Congrès sans précédent et unique dans l’histoire de l’Apostolatus Maris.

Pour la première fois il y a eu une participation d’une telle ampleur : 52 pays représentés, 250 participants, 2 cardinaux, 17 évêques, 68 prêtres, une poignée de diacres, une bonne vingtaine de religieuses. La délégation française de la Mission de la Mer était composée de Robert Bouguéon, président, Henriette Daoud CCFD, Alain Le Sann, Pêche et Développement, Mikel Epalza, aumônier. Nous ont rejoints, deux prêtres, membres de la mission de la mer, Arnaud De Boissieu, venu du Maroc et Christophe Buillette de Dakar.
Pour la première fois, un congrès mondial est dédié exclusivement à la pêche. Dans le monde 41 millions de personnes vivent de la pêche. Les centres Stella Maris sont connus pour leur travail auprès des marins de commerce : 70.000 marins accueillis par an dans cette chaine magnifique. Mais l’Eglise est loin du monde des pêcheurs comme cela a été répété. Il a été demandé avec insistance à tous les membres de l’Apostolat de la mer de rejoindre les communautés de pêcheurs.
Pour la première fois, sous l’impulsion du pape François, le regard est porté sur les esclaves de la mer. Ils ne sont pas dans la périphérie, ils sont en dehors, en dehors de tout, vivant des situations horribles dans le silence honteux.
Il n’y avait qu’un pêcheur [1], Robert Bouguéon président de la Mission de la Mer française, mais dans les rapports, films, conférences leur vie était au centre Il y a eu en 5 jours 25 conférences ! Très intense. La majorité des interventions au sujet de la pêche en Asie où sont les 80% des pêcheurs du monde. Très bonne organisation !

2/ La réalité de la traite des gens de mer.

Selon les chiffres de l’ONU, 80 millions de personnes dans le monde sont victimes du trafic d’êtres humains (trafic d’organes, prostitution, enfants, femmes et trafic de marins) 20 millions sont victimes du trafic d’organes. En réalité les chiffres sont supérieurs ; il manque de données objectives réelles. Les conflits armés, les situations de misère sont le terreau de l’esclavage. L’argent en est le mobile. Par exemple, le trafic de la prostitution produit 150 milliards de $ US. A cela s’ajoute, le trafic de drogue, armes.

2-1/ Quel est l’engrenage de cet esclavage en mer ?

Au départ de cette exploitation il y a la misère, la situation de grande pauvreté de milliers de jeunes asiatiques qui se trouvent désœuvrés prêts à tout pour gagner leur vie. A l’arrivée il y a des armateurs de bateaux de pêche au large et pêche hauturière qui pour augmenter le rendement de leur société exploitent les marins étrangers.
Au milieu, il y a des agences de recrutement qui font de fausses promesses, exigent des garanties, et exploitent les marins. Les agences disent aux jeunes « allez travailler gratuitement 4 mois et après vous serez enrôlés », cela peut durer une année entière. Ils demandent à payer une garantie, au départ ; et pour ne pas perdre la garantie, les marins n’osent rien dire, pris dans le filet. Les agences font signer des contrats, et à bord c’est un autre contrat qui est appliqué. Des contrats écrits dans une langue que les marins ne connaissent pas ou signés à l’avance par les agences. Les marins sont ainsi embauchés dans des conditions très défavorables pour eux.
Résultat : Ils peuvent se trouver sans toucher terre durant 12 mois, vivant dans des conditions ignobles d’insécurité et de manque d’hygiène, sous-payés ou pas du tout payés, à qui sur les 350 $ US. On leur enlève une part pour la nourriture, si bien que la famille ne reçoit qu’une centaine de $ par mois. De plus certains armateurs font la pêche INN, illégale, non déclarée et non permise et quand ils sont pris, doivent payer une amende. Ils la font payer aux marins, qui se retrouvent en prison pour des années loin de toute attention, loin de leur domicile, abandonnés. Dans ces conditions, voyant qu’ils sont pris dans l’engrenage de l’esclavage. Ne pouvant en sortir, il y a de plus de plus de suicides et de marins qui se jettent par-dessus bord.
Ce schéma d’exploitation fait des centaines de milliers de victimes avec des variantes selon les pays. Les pays exploiteurs sont Taïwan, Corée du Sud, Thaïlande...

2-2/ Quelques flashs selon les pays

Taiwan : 30 000 pêcheurs étrangers, dont 1/3 exploités. Selon une femme qui a témoigné avec vigueur en présence des autorités taïwanaises, il y aurait 11 000 pêcheurs étrangers vivant dans des conditions horribles.
Les Taïwanais et Thaïlandais font travailler les étrangers car eux ne vont pas en mer. 80% des marins sur les bateaux thaïlandais sont étrangers. Ils exploitent les marins étrangers venus de Philippines, Birmanie- Myanmar, Cambodge et ailleurs …

Taiwan, c’est 22 000 bateaux, chiffre d’affaires 29 milliards de $ US, système électronique de capture, transbordement de thons en mer, contrôle GPS sur le navire, observateur à bord pour les captures. Mais déficiences sur la qualité humaine à bord. Le salaire de base pour tout taiwanais est de 700$ US, avec des primes en plus, le salaire minimum pour un marin étranger 450$ US.
Philippines  : 7ème rang mondial dans l’économie de la pêche. 1,6 million de personnes vivent de la pêche. Des milliers de jeunes aspirent à devenir pêcheurs ou marins où la paye est 4 fois plus importante qu’à terre (dans l’agriculture 400 $ US). Ils acceptent tout métier, toute vexation, abus sexuel, avec l’espoir de décrocher un embarquement. On les appelle les cadets. Un d’eux a travaillé 4 ans comme esclave pour une famille, la famille du président d’un syndicat des pêcheurs ! Il y a 100 écoles maritimes aux Philippines. Sur 100 000 inscrits, 6726 ont obtenu le titre en 2016. 20 000 Philippins travaillent à la pêche pour les armateurs qui demandent de plus en plus des certificats réels.
Des pêcheurs philippins sont embarqués dans les eaux des Philippines sur des bateaux de pêche côtière comme passagers et ils se retrouvent en haute mer pour des semaines, sans papier, dans les eaux indonésiennes. Faits prisonniers en Indonésie. Ils sont à l’abandon.
Myanmar (Birmanie) : La situation est terrible. Il y a 80 000 marins qui demandent à travailler. Pas d’Apostolat de la Mer, beaucoup de jeunes de Myanmar exploités dans les autres pays. C’est la population qui souffre le plus de l’esclavage en mer. L’archevêque de Yangon, Charles Bo, fait récemment cardinal par le pape François : « Ce que vous acceptez dans les pays occidentaux ce n’est pas du poisson mais la vie des hommes de mon peuple. Le poisson venu de Thaïlande, vendu dans les supermarchés de l’Occident a baigné dans le sang et les larmes des jeunes de mon pays, les pauvres innocents qui sont les esclaves du pharaon, du capitalisme mondial ! Vendus par les agences intermédiaires, venant du Cambodge, de Birmanie, ils sont en Thaïlande, les esclaves de la mer. Certains sont jetés par-dessus bord. Les marins birmans sont aussi exploités sur des bateaux de croisière : 20 h de travail par jour, malnutrition, pas d’eau potable, conditions mauvaises pour dormir, immunité juridique, mer sans loi ! »
Corée du sud : un avocat a fait une enquête sur l’exploitation des pêcheurs étrangers embarqués sur des bateaux coréens. Pêche côtière, 30 % de migrants (Indonésiens et autres...), pêche hauturière 70 % de migrants. Une énorme différence de traitement entre pêcheurs coréens et pêcheurs étrangers. Salaire d’un Coréen par mois 1437 $ US, plus bénéfice selon capture, dorment 7h par nuit, peuvent quitter le navire au port. Les étrangers : 456 $, 18 h de travail par jour, 5h de sommeil, ne peuvent quitter le bateau. On transborde le poisson au large sur des transbordeurs. « J’ai passé 20 mois sans toucher terre ! », témoigne un marin. On retarde le paiement du salaire pour garder les marins à bord.
Le gouvernement de Corée du Sud ne fait rien contre ce travail forcé, cette traite d’êtres humains. Des bateaux coréens agissent de même en Afrique où ils enrôlent des Sénégalais. Après avoir écumé les eaux asiatiques par la pêche illégale, les coréens s’attaquent à l’Afrique de l’ouest. Des armateurs de Nouvelle Zélande ont affrété des bateaux coréens. Les syndicats de pêcheurs de ce pays ont réagi pour défendre leurs quotas de pêche.

3/ Quel levier pour changer la situation ?

3-1/ Le levier le plus important est la convention sur la pêche, la Convention 188 de l’OIT, sur les conditions de travail à bord des navires de pêche : salaire repos, hygiène, etc.
Témoignage du capitaine Nigel Campell (Afrique du Sud)
« 25 millions de pêcheurs travaillent dans le monde sans convention. La convention 188 de l ’OIT est importante car elle protège les pêcheurs. Le travail a commencé en 2003. Lenteur à cause du désintérêt des gouvernements. En 2007, les gouvernements et les syndicats adoptent un consensus. Plusieurs pays ont ratifié cette Convention qui a force de Loi. L’Afrique du Sud a été le premier à ratifier et à l’introduire dans sa législation. Quel que soit le navire d’un pays ayant ratifié ou non l’Afrique du Sud fait appliquer dans ses ports cette Convention. »
Un pays peut adopter progressivement cette convention sauf pour les navires de plus de 24 M et restant plus d’une semaine en mer, qui doivent en appliquer la totalité. Cette convention introduit une dimension nouvelle : la responsabilité de l’Etat du pavillon et celle de l’Etat du port. Les standards internationaux de la Convention 188 de l’OIT (Contrats, salaire, repos, hygiène, sécurité etc.) devront s’appliquer sous la surveillance et contrôle des inspecteurs.
Selon la Convention 188, le capitaine doit présenter :

  • La liste des équipages, liste qui reste au port
  • Le contrat écrit du travail et sa durée
  • Le montant du salaire
  • Les mesures par rapport à la sécurité : formation face aux accidents, prévention incendie. Pharmacie, premiers secours, …
    En Afrique du Sud, si un visiteur de navire, par exemple un membre de Stella Maris est informé d’une anomalie - nourriture, salaires ou autres - il peut déclencher une inspection. En fin d’année Taïwan et Thaïlande vont faire appliquer la convention 188.

3-2/ L’Union Européenne a mis en place un système implacable contre la pêche INN : la fermeture du marché européen.
C’est l’Union Européenne qui importe le plus de poisson. Elle dispose d’un pouvoir important. Le marché du poisson consommé en Europe est fermé aux pays qui ne font rien contre la pêche INN (illégale, non déclarée, non règlementée), 20% du total des captures. Il s’agit de protéger les communautés des pêcheurs et l’environnement, de contrôler l’accès à la ressource devant la pêche illégale. La Thaïlande a reçu la carte jaune de l’Union européenne (rouge / marché interdit, vert / marché ouvert, jaune / marché ouvert sous condition d’application). L’Union Européenne a donné la carte jaune à la Thaïlande, en tenant compte également de la Convention 188 et du système esclavagiste pratiqué sur ses navires de pêche. Les sociétés de pêche y gagnent des millions en exploitant les gens de Myanmar. En Thaïlande, l’OIT et l’UE collaborent étroitement. Fort de cette pression, le gouvernement thaïlandais actuel est en train de changer. Depuis 2015 un arsenal de mesures est mis en place : contrôle des navires par GPS, contrôle dans 22 centres "Port in et port out" ; espace côtier réservé à la petite pêche ; un livret par marin " sea book" ; protection des victimes, contrôle des agences intermédiaires.

4/ Que fait l’Apostolat de la mer ?

Elle agit seule et souvent avec d’autres partenaires selon les pays.

4-1/ Vatican
Le cardinal Peter Turkson, préfet du dicastère Développement humain intégral a fixé l’engagement de l’Eglise. Face à l’esclavage de la mer, l’Eglise peut intervenir. Mettre en pratique le Motu Proprio Stella Maris.
Travailler avec les ONG pour dénoncer les problèmes que vivent les marins. Exercer sa pression en s’appuyant sur les Conventions internationales. Demander aux sociétés qui vendent les produits de la pêche des certificats prouvant que ce poisson a été pêché sans exploitation. Mettre en place des lieux tranquilles pour accueillir les marins, des foyers, visiter les marins, s’appuyer sur la force spirituelle.
Il a précisé des actions à la portée de l’Eglise : FAVORISER les liens avec la famille, PROTEGER les victimes de la traite, POURSUIVRE les trafiquants, AUGMENTER les contrôles des navires.
Engagement pris de créer un centre Apostolat de la mer à Myanmar.
Travail diplomatique pour que les gouvernements ratifient la convention 188. Commission inter catholique pour les migrants, Mgr Vitillo. Lien entre St Siège, OIT, Caritas, ordres religieux. Centre en Malaisie, Pakistan, avec école, formation pour ne pas tomber dans les pièges des intermédiaires, soutien des psychologues pour les victimes

4-2 / Actyions diverses envisagées durant le congrès
Philippines (Région de General Santos), Témoignage de Sœur Suzanne. L’Apostolat de La mer agit auprès des familles. Quand les pêcheurs se trouvent en prison, les familles n’ont rien. Des chaines de solidarité sont mises en place. Recherche de fonds pour sortir de prison et rapatrier les pêcheurs, aider les rapatriés à retrouver leur place. On porte devant les tribunaux les cas d’exploitation. Rapatriement des corps de pêcheurs décédés, accompagnement des veuves, aide aux familles de pêcheurs détenus, assistance aux pêcheurs victimes de la traite, programme de formation aux femmes de pêcheurs, lobbying politique et juridique, membre du réseau de défense de la pêche artisanale, organisation de forum des petits pêcheurs, action au niveau des médias. 600 pêcheurs ont assisté à la célébration de la journée des pêcheurs, responsabilisation des pêcheurs par rapport à la surpêche et à la pollution en mer.
Italie : Réseau de 4 partenaires (Coop AGORA, centre d’études Mad, Rete, Stella Maris) pour promouvoir une action conjointe entre policiers, travailleurs sociaux, institutions, dans le but de repérer les victimes de la traite dans 4 ports Syracuse (Méditerranée), Trieste (Adriatique), Bari (connexion avec clandestins de la Grèce), et Gênes (yacht, croisière).
Travail des prêtres calabrais pour informer, diffuser les situations de traite, et lutter en faveur du plaidoyer.
En Colombie, au Chili, au Brésil, au Mexique, l’Apostolat de la mer agit comme intermédiaire entre les communautés de pêcheurs traditionnels et les autorités.
ESPAGNE, l’Apostolat de la mer a mis en place le Centre des droits des marins au port de Barcelone et au port de pêche de Vigo.
USA : Projet COMPASS. En faveur de l’abolition de l’esclavage en mer. Création d’un réseau entre toutes les forces et organisations catholiques. On reçoit les personnes qui ont été victimes. On fait pression sur la conférence épiscopale américaine, sur le gouvernement. Lobbying au niveau mondial. L’objectif que tout le monde soit plus attentif à ce sujet. E-learning, travail de formation par ordinateur. Plusieurs modules.
Royaume Uni et Rome, Groupe Santa Marta. Travail conjoint police et religieuses qui reçoivent les confidences des prostituées et la police pour trouver les filières de l’esclavage de la prostitution au Royaume Uni. Femmes venues du Nigeria, Roumanie, Lituanie. La police poursuit les trafiquants et non les prostituées qui sont des victimes. Là-dessus, Changement de mentalité. Trafic sexuel par internet Canada : Document de 5 pages sur la réalité de l’Apostolat de la mer destiné aux évêques, formation des prêtres et séminaristes sur le monde maritime.
Danemark : Jumelage entre Danemark et Corne d’Afrique (Somalie- Puntland). Pour lutter contre la piraterie un amiral danois a eu l’idée de créer des emplois à la pêche. Double défi : La Somalie est un pays producteur et exportateur de chameaux et chèvres. Le poisson n’est pas dans leur culture. Faire face à la pêche illégale à grande échelle qui sévit au large de la Somalie. Mais il a des avantages : mer très riche en ressources 450 espèces. 800 kms de côtes. Population motivée.
En 2012, projet adopté par les deux gouvernements. 10 millions de couronnes (1,5 million $ US) débloquées. Début de cette activité de pêche somalienne 2015. Les Danois ont proposé leur bateau de pêche de 8,5 m adapté à la côte somalienne, similaire de la côte danoise. Puis ils ont été construits en Suède et en Somalie. Une infrastructure, aire réfrigérée, fabrique de glace a été mis sur pied. 700 somaliens ont été formés à la pêche par Fair Fishing, ONG à but non lucratif qui a piloté cette opération. Attribution de licences pour lutter contre la pêche illégale. Les Somaliens remboursent le matériel qu’ils acquièrent à prix coûtant. Tous les plans de pêche mis en place en Afrique ont échoué car ils étaient cadeau. Règle d’or : « fais aux autres ce qu’on voudrait qu’on te fasse ». On a fait en sorte que le projet soit soutenable par la communauté locale. Le poisson pêché est en majorité exporté en Ethiopie. Ils remboursent les frais engagés par une partie des gains de la pêche.
Mouvement de Sainte Bekhita, l’esclave soudanaise vendue en Egypte, devenue religieuse.

5/ Des principes qui ont été soulignés

« L’évangélisation ce n’est pas que du catéchisme mais donner la dignité à toutes les personnes » Mgr Sorondo, archevêque, Académie pontificale des sciences sociales…
Aller à bord, à la rencontre des pêcheurs, en particulier de ceux qui souffrent…
« Vous aussi aumônier, vous devez vous fâcher devant les injustices et les souffrances. Apprendre à changer la révolte en un force de communion pour le monde »…
Meilleure visibilité de l’Apostolat de la mer.
Plusieurs ont dit que l’apostolat de la Mer n’est pas connu. Il n’est pas présent dans l’ensemble de l’Apostolat. Il y a une magnifique chaine internationale mais pas connue, ni reconnue.
Il a été dit que les Eglises ne sont pas au courant de ces situations de détresse humaine. Archevêque de Taipeh, président de la conférence épiscopale de TAIWAN : « On n’est pas au courant de ce filet où sont attrapés les pêcheurs à Taiwan. Après une information exacte, j’enverrai un mot à tous les évêques sur ce sujet. J’ai l’occasion aussi de parler aux responsables politiques et au Parlement. C’est une responsabilité de tous de lutter en faveur des droits des marins. Les évêques doivent se responsabiliser et se former à cela »

6/ Que pouvons-nous faire chez nous face aux "Seafood Slaves", face à cette machine à faire des esclaves ?

6-1/ Au niveau civil
Prendre conscience que nous sommes concernés. Que nous sommes dans la chaine de cet esclavage, par le poisson venu d’Asie dans notre assiette. Nous mangeons de l’esclavage sans le savoir. Etre informé, être conscient de notre responsabilité. Il s’agit d’alimentation, de ce qui nourrit.
Refuser une nourriture qui exploite et enfonce des milliers dans la misère. Arrêter de cautionner, en payant ce poisson, nous entretenons l’esclavage de la mer. Rejoindre les ONG qui agissent dans ce sens. Nous avons un levier, un pouvoir, celui du consommateur. Ce pouvoir a pu démanteler certains marchés (arrêt des tel portables utilisant des métaux dangereux). Ce que L’Union Européenne a mis en place est en train de fonctionner : pas de marché européen pour le poisson qui a baigné dans l’exploitation humaine.
Il y a une question en suspens. Le boycott punit les pêcheurs qui voudraient vivre dignement de leur travail. Comment atteindre les armateurs, intermédiaires, trafiquants, sans porter atteinte aux pêcheurs et à leur famille ? Il est certain que la formation des pêcheurs et leur mobilisation est une alternative importante.

6-2 Au niveau Mission de la Mer, nous avons des liens étroits avec le CCFD, Secours catholique, Pêche et Développement, quelle action commune à mener sur ce sujet ? Créer des synergies à tous les niveaux…

7/ Des remarques, des appels

7-1/La maison commune, le bien commun, le concept n’est plus adopté. L’Eglise a toujours insisté sur la Destination universelle des biens de la planète. Le cardinal Turkson a rappelé l’appel de Laudato Si. « Nous sommes les gardiens de l’autre et de la Création. Nous sommes gérants, responsables. »
Mais il met le doigt sur un changement grave. Les Nations Unies partageaient ce principe en écrivant : « les océans et les ressources sont un héritage commun de l’humanité, au-delà des limites territoriales. »
Le Cal reconnaît qu’aujourd’hui il n’y a plus le même consensus autour du mot Héritage commun. « L’héritage est un don qui implique respect et responsabilité et aussi solidarité car il est commun à tous, partagé. De plus, par notre attitude, il devient présent pour toutes les générations à venir. »
Selon lui, ce concept n’est plus adopté par les instances Internationales. « S’ils ne parlent plus d’héritage commun, la place est libre pour l’exploitation des ressources. » Il cite une rencontre internationale sur l’Arctique : Le premier jour, la présentation et les menaces / 2 ème jour, avantage économiques, bénéfices / 3 ème jour, Exploitation des ressources cachées par la glace. Pas un mot sur les populations vivant dans cette zone.

7-2/ Donner la parole aux pêcheurs
Où sont les pêcheurs ? Dans les grandes conférences, on écoute les experts, mais pas les pêcheurs eux-mêmes. A la conférence des Nations-Unies sur les océans cette année, en juin, il n’y avait pas un seul pêcheur. A Kaohsiung, au Congrès mondial de l’AOS, il y avait un pêcheur, le président de la Mission de la Mer, qui n’a pas eu la parole.
Un Apostolat de la Mer sans les pêcheurs, quel est son intérêt, son influence. Nous parlons au nom des pêcheurs mais comment donner la parole aux pêcheurs eux-mêmes ? Dans les équipes de base se mettre à l’écoute de ce que disent les pêcheurs. Faire remonter leur parole.

7-3/ La gestion de la pêche par les pêcheurs

7-3-1/ Les Quotas et l’accès à la ressource pour les communautés de pêcheurs.
C’est le sujet qui intéresse en priorité les pêcheurs artisanaux qui sont de plus en plus privés de quotas de pêche. Comment gérer ensemble « ce bien commun » pour le bien de tous. Comment les pêcheurs peuvent se défendre face aux sociétés organisées (Intermarché et autres) qui ont la puissance de l’argent.
La Mission de la Mer a remis un message à l’Union Européenne à l’occasion de la PCP. Elle a récemment financé un film traitant de l’accaparement des mers, « Océans la voix des invisibles ». Film qui a beaucoup de succès. On a proposé sa projection au Congrès mondial mais l’organisateur n’a pas voulu.
Alain Le Sann (Pêche et Développement) reconnaît qu’on ne parle plus des droits des pêcheurs mais des droits de la planète, on ne parle pas de l’avenir de la pêche mais de l’avenir des océans... ! Les divers Forum de la pêche, les collectifs se battent contre des montages politico-financiers qui accaparent les mangroves, deltas, bords de mer en chassant les communautés de pêcheurs.

7-3-2/ En France le Père Lebret a eu une grande influence en avance sur le concile Vatican 2 et sur l’appel récent du pape François à un développement humain intégral. Il a été à l’origine du mouvement coopératif, des comités locaux de pêche, des valeurs de mutualisme. Où en est-on aujourd’hui ? Que restent- il de ces valeurs dans nos ports ? Au Comité National des Pêches c’est le secteur industriel qui impose sa loi. Comment donner force à la pêche artisanale ? Comment sortir de l’individualisme, du chacun pour soi ? Mieux communiquer entre pêcheurs, entre personne de la filière du poisson ? Comment rendre la pêche plus attractive pour les jeunes générations ?

8/ Les trésors du Vatican et les trésors des pêcheurs.

Un magnifique livre intitulé « les trésors du Vatican » a été offert par les organisateurs du congrès aux personnes les plus importantes qui ont aidé à sa réalisation. Un beau cadeau.
Je me disais pourquoi ne pas faire un beau livre intitulé « les trésors des gens de mer ! » à partir des évangiles de la mer vécus par les pêcheurs, les femmes de pêcheurs, les veuves. Ces évangiles où il apparaît la force des liens plus efficace que les biens, la puissance de la solidarité plus forte que celle de l’argent, la lumière de la conscience plus claire que la soumission, l’intelligence du cœur plus vive que l’indifférence. Ces histoires où l’espérance est écrite avec les marins qui se rassemblent pour trouver une alternative à leurs besoins, pour ouvrir des chemins de partage, de justice et de paix… Par exemple dans un village de pêcheurs, le dialogue était rompu. Un dirigeant a eu la bonne idée d’organiser une rencontre au bar du village. Le dialogue a repris.
« J’ai vendu mon bateau au prix coûtant à un jeune qui voulait devenir armateur. Deux fois moins cher que ce qu’on me proposait. Les enfants et mon épouse étaient d’accord. Ma satisfaction c’était de voir que ce jeune a fait la même chose en faveur d’un autre jeune. » La vraie richesse...
Nous ne côtoyons pas, chez nous, des esclaves de la mer. Ils sont nos frères et nous devons les aider à sortir de l’esclavage. Mais nous côtoyons des pêcheurs locaux ou étrangers victimes d’injustices ; quels chemins faisons-nous avec eux ? Nous rencontrons des marins qui mettent les valeurs de partage et d’honnêteté au-dessus des intérêts financiers. Écrire ces histoires-là et célébrer l’espérance qu’elles contiennent c’est une belle mission qui peut nous unir.
Mikel EPALZA
Mission de la mer

[1Il y avait également un pêcheur américain de la côte Pacifique, qui était présent également au Congrès du WFF à Loctudy en 2000, Pietro Parravano.

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