Une grande zone littorale interdite aux chalutiers à perche
A la fin des années 80, pour limiter ces rejets dans la bande littorale, principale zone de nurseries de plies et soles, gestionnaires et pêcheurs se sont entendus pour limiter, puis interdire une zone littorale de 42 000 km2 aux chalutiers de plus de 221 kW. Cette mesure devait protéger les juvéniles, renforcer le stock et accroître les captures de 25 à 35%, en dehors de la zone protégée. La zone est reste autorisée aux petits chalutiers à perche et aux fileyeurs, peu nombreux, ainsi qu’aux chalutiers crevettiers.
Les limites du box Plie
Même s’il ne s’agit pas à l’origine, d’une Aire Marine Protégée, les leçons de l’expérience sont intéressantes car totalement inattendues et en contradiction avec les promesses des AMP. Une étude publiée en 2013 a fait le point sur les résultats [1].
Des résultats totalement contraires aux attentes
Près de 20 ans après la fermeture aux chalutiers à perche, on constate une réduction de la biomasse de poissons démersaux (plies et soles), la fuite des plies vers les zones du large et une réduction de leur vitesse de croissance. Par contre il y a une augmentation des prédateurs concurrents que sont les crabes et les étoiles de mer. La nourriture des plies diminue souvent ou reste très variable s’agissant des bivalves, qui diminuent depuis 2000. La diversité des espèces est plus grande. Les captures de plies sont passées de 300kg/h à 75 kg. Dans le box, toutes les pêches s’effondrent, sauf celle de crevettes qui monte à 30 000 tonnes. Les petits chalutiers et les fileyeurs autorisés à pêcher dans le box préfèrent aller au large pour trouver le poisson.
Evolution des captures dans le box (Box, Journal of Sea Research 84 (2013) 49–60)
Tous ces constats interpellent pêcheurs et scientifiques, mais aussi les ONG qui interviennent maintenant dans les comités régionaux et se font entendre. Pour ces dernières, l’échec de ce box est dû au fait qu’on y a maintenu la pêche, en particulier celles de crevettes. Pour les pêcheurs, l’échec du box est lié à la réduction du chalutage à perche qui en remuant les fonds augmente leur capacité productive et limite les espèces concurrentes des poissons comme les crabes et les étoiles de mer. Dans le golfe de Gascogne, l’expérience d’un box merlu et langoustine dans les années 70 avait abouti à un constat proche, puisque la langoustine avait disparu de la zone, contrairement aux attentes, et l’expérience fut abandonnée. Les scientifiques sont plus circonspects. Ils constatent que d’une manière générale, les effets positifs d’une réserve ou AMP, pour la pêche, ne sont pas évidents dans les zones tempérées où les poissons migrent. En zone tropicale, avec des espèces plus sédentaires, les effets positifs sont indéniables. Pour eux, si l’hypothèse des pêcheurs reste à vérifier, le facteur principal de l’évolution de l’écosystème est à rechercher dans les changements environnementaux : température et apports nutritifs terrigènes. Le réchauffement des eaux littorales fait fuir les poissons et la variation de leur nourriture disponible vient de l’évolution à la baisse des apports nutritifs.
On peut en tirer la conclusion que l’état de l’environnement a un impact bien plus important que la pêche sur le niveau des ressources. Les solutions simplistes d’interdictions de pêche sont loin d’être aussi efficaces qu’on pourrait le penser. Le fonctionnement d’un écosystème marin, soumis ou non à la pression de pêche, reste encore assez largement mystérieux et cet écosystème n’est pas stable. Il faut adapter les solutions aux particularités de chaque écosystème et à ses évolutions.