Rappel : il s’agit d’assurer un avenir aux communautés côtières européennes – et en particulier celles des pêcheurs – après 2020, terme du FEAMP.
Il faut d’abord atteindre et maintenir une pêche qui soit durable,
mais tout
– en maintenant les traditions locales
– et en conservant les savoirs locaux.
Au sein du Parlement Européen, il existe un inter-groupe nommé « SEA RI CA * » qui se consacre au soutien à la pêche côtière avec l’optique de créer une nouvelle dynamique, plus globale, économique et sociale.
*Seas, Rivers, Islands and Coastal Areas
Thèmes d’intervention du FEAMP :
– investissements sur les navires, bateaux, équipements, sécurité à bord,
– investissements en matière d’emplois créés, à bord ou à terre et de formations,
– investissements en matière de protection de la ressource (notamment sélectivité des engins),
– participation à des projets d’intérêt collectif portés par des structures scientifiques, techniques ou financières (projets FLAG).
Premiers résultats de l’utilisation des fonds FEP entre 2007 et 2013 :
Durant cette période, l’accent a été mis sur une réduction de l’effort de pêche en vue d’une amélioration de la ressource exploitable de façon durable.
On constate qu’il y a eu une forte réduction de la flotte de pêche, une amélioration des stocks exploitables ET une augmentation du niveau des emplois dans la filière (+ 17 000).
Par contre, certaines failles sont apparues :
– un manque de lien entre politique et financements,
– une absence d’approches stratégiques,
– une insuffisance de la prise en compte des spécificités de la petite pêche des zones côtières.
Pour 2014-2020, la Commission a conscience qu’elle doit améliorer, en priorité, le lien entre politique et financements.
Quelques témoignages :
1 – GALICE. Les secteurs de la petite pêche et de l’aquaculture sont vitaux pour les zones côtières. 4400 bateaux et 1500 sociétés artisanales d’aquaculture assurent 50 000 emplois.
Actuellement, pour des projets à hauteur de 487 Millions €, la Galice a apporté 116 Millions et le FEAMP, 371 Millions (76%). La Galice souhaite la reconduction du FEAMP après 2020.
2 – République d’Irlande. Un certain nombre de sujets ont été privilégiés par les autorités irlandaises :
– les deux obligations fixées par la Commission de débarquer la totalité des captures et d’atteindre le MSY, ont été considérées comme prioritaires : 70% des fonds du FEAMP ont été consacrés à l’amélioration de la sélectivité,
– le maintien de la biodiversité marine est considéré comme primordial et d’autres fonds ont été consacrés à l’amélioration des évaluations scientifiques et des données sur les stocks, les captures ainsi que des contrôles,
– l’Irlande souhaite également développer une aquaculture durable (recherches sur les algues, les rejets, la prédation par les méduses, etc.),
– enfin, le pays veut mettre l’accent sur l’amélioration de la Valeur Ajoutée produite localement : actuellement 70% des produits exportés le sont sans valeur ajoutée. Le FEAMP a un rôle à jouer dans cette démarche.
3 – CHYPRE. L’exemple de l’importance du FEAMP pour un petit Etat-membre.
Dans le cadre de la PCP, 30% des bateaux de pêche chypriotes ont été détruits. Désormais, on compte 900 bateaux sur l’île qui débarquent environ 1000 tonnes par an pour une valeur estimée de 6 millions €. Par contre une aquaculture moderne est très active : elle assure 7000 tonnes de débarquements pour 45 millions €, soit environ 85% en tonnage et en valeur de la production nationale. Les aides du FEAMP sont fondamentales pour le développement des activités marines côtières. Elles atteindront 39,7 millions € sur un budget total de 52,6 millions, soit plus de 75% des financements du secteur pour la période 2014 – 2020 ! Le FEAMP aura été vital pour la survie et la relance des activités marines côtières à Chypre.
Evaluation
Un sondage est organisé auprès des participants au séminaire pour évaluer d’une part la complexité de la préparation des dossiers de demande auprès du FEAMP et d’autre part le soutien apporté réellement aux populations côtières :
Points positifs
80% des participants considèrent que les actions financées par le FEAMP ont apporté un soutien aux populations côtières, par le biais de subventions ou de prêts.
Points négatifs
73% des participants considèrent que les dossiers demandés par le FEAMP sont trop complexes et conduisent souvent à l’abandon de projets.
Sur un autre plan, des participants disent que l’on a trop négligé les problèmes sociaux relatifs à l’isolement des communautés côtières : « Maintenant que les stocks sont reconstitués et que les flottilles ont été adaptées, il faut revaloriser les emplois et redonner la priorité à l’aspect humain des activités marines côtières ».
Ateliers
Atelier N°1 : « Le soutien à des pêches plus durables au niveau environnemental, plus efficientes en matière de gestion de la ressource et plus compétitives ».
Interventions :
– Javier GARAT (Président EUROPECHE et CEPESCA – Espagne)
La PCP a déjà suivi un long processus vertueux, les ambitions en matière de gestion de la ressource sont beaucoup plus exigeantes que celles qui découlent de la concurrence internationale…
Le FEAMP fonctionne mal : à mi-parcours, seulement 2% des fonds disponibles ont été engagés…les Etats-membres s’inquiètent des risques de responsabilité financière pour des dossiers mal montés. Ils sont donc réticents et n’encouragent pas les professionnels à présenter des dossiers !
– Marija VUCKOVIC (Secrétaire d’Etat à la pêche – Croatie)
En Croatie, la petite pêche est largement dominante et le soutien du FEAMP est décisif pour aider à réguler les activités. 56% des bateaux pêchant les petits pélagiques doivent être arrêtés pendant les périodes de frai. Les mesures de cessation temporaire d’activité, de régulation ou de diversification peuvent être co-financées par le FEAMP. Les résultats sont déjà sensibles dans certaines zones de pêche (notamment la fosse Jabuka).
– Vera COELHO (permanente de Pew Charitable Trust)
Plaidoyer habituel de cette organisation contre les subventions à la pêche en Europe. Plusieurs remarques dans l’assistance : les distorsions de concurrence existent au niveau international, le fuel non subventionné, dans certains pays, peut se trouver à un prix inférieur détaxé, en Europe. Par ailleurs, tant qu’un nouvel équilibre en matière de gestion de la ressource ne sera pas consolidé, il faudra continuer à aider la pêche, notamment la petite pêche côtière (SSCF) à se moderniser et à se restructurer.
Sondage auprès des participants sur la pertinence du maintien des aides à la pêche : 54% approuvent le maintien du système actuel
Atelier N°7 : « Les stratégies par bassin maritime »
Interventions :
– Tiina PERHO (Administrateur, Conseil Régional du Sud-ouest de la Finlande)
Le concept de « croissance bleue » a véritablement pris du sens à parti du moment où la Baltique a été considérée comme un ensemble, halieutique, social et économique : la mer baltique a créé une unité qui s’est traduite par de la croissance économique et une croissance des emplois.
– Ioannis FIRBAS (Coordonnateur national pour les Fonds structurels et d’investissement européens - Grèce)
On constate un manque de coordination très préjudiciable entre Programmes et Stratégies…
– Conceição SANTOS (Responsable de la stratégie – Direction générale pour la politique maritime – Portugal)
Le FEAMP ne représente que 2% des fonds structurels, mais les actions maritimes font partie de tous les projets thématiques liés à la mer. Il faut donc être attentif à toutes les opportunités du FEAMP ou d’autres fonds…
– Christophe CLERGEAU (Conseiller régional – Conseil Régional des Pays de Loire – France)
Les stratégies de bassin maritime n’ont pas été suffisamment explicitées jusqu’à présent. Il faut les présenter en les simplifiant et confier l’initiative aux Régions concernées par ces bassins.
Atelier N° 9 : « Pêche côtière à petite échelle et pêche dans les régions ultra-périphériques ».
Interventions :
– Timo HALONEN, (Chef de service-Ministère de l’Agriculture et de la Forêt-Finlande).
Les pêcheurs concernés utilisent les mêmes techniques sur les lacs et en mer, mais la réalité économique est sociale n’est pas la même. Dans les zones côtières, la moyenne d’âge des pêcheurs varie entre 55 et 65 ans, seulement 4% ont moins de 30 ans. Depuis quelques années, la pêche continentale se porte beaucoup mieux. Si le FEAMP s’est bien adapté aux besoins de la pêche continentale, par contre, c’est un échec pour la petite pêche côtière. Le problème de la prédation par les cormorans et les phoques est récurrent mais rien ne peut être fait et le FEAMP ne peut aider à cause des contraintes environnementales. Il faudrait que les Etats-membres aient plus de latitudes d’actions pour aider la petite pêche côtière.
– Pierre HEBERT (Chef du service de la politique structurelle-Direction des Pêches et de l’Aquaculture - France).
La petite pêche côtière, avec 12000 emplois, représente 75% de la pêche française avec une très grande diversité de types de pêche, de techniques, etc.
Pour le FEAMP, il existe trois enjeux :
– Une bonne écoute des pêcheurs,
– Un renforcement des structures professionnelles amenées à suivre les dossiers,
– Une amélioration de la connaissance des besoins par l’administration.
Il faudrait avoir des possibilités de financement spécifiques, par Etat-membre pour s’adapter aux particularités de la petite pêche côtière.
– Giampaolo BUONFIGLIO (Président du Conseil Consultatif Régional Méditerranée – Italie)
En Méditerranée, la petite pêche côtière représente 80 % de l’activité avec des bateaux de moins de 12 m. et des activités très diversifiées.
Au niveau de l’Union Européenne, il s’agit de 74% de la flotte de pêche mais pour seulement 12% de la valeur débarquée…
Pour ce secteur, il faut plus d’autonomie et de flexibilité, accompagner le FEAMP par la mise en place d’autres outils comme le micro-crédit.
L’organisation des projets dans le cadre du « Développement local mené par les acteurs locaux » (CLLD : « community-led local development ») semble véritablement la méthode la mieux adaptée pour ce type de pêches dans les zones isolées ou excentrées.
Session plénière et conclusions
Interventions :
– Alain MADEC (Président du Comité des pêches – Parlement Européen)
Il y a eu beaucoup de retards dans la préparation et l’examen des demandes depuis 2014. Nous sommes à 3 ans de la fin du FEAMP : notre première préoccupation est de garder un fonds spécifique pour la pêche et l’aquaculture.
o La première priorité a consisté à financer la connaissance et le contrôle des ressources,
o La deuxième priorité a porté sur l’application de l’obligation de débarquement,
o Les futures priorités doivent concerner :
La sélectivité des engins et des techniques,
La prise en compte des spécificités de la petite pêche côtière.
– Jose Luis GONZALEZ-SERRANO (Directeur général de la Planification des pêches – Espagne)
Il y a deux problèmes à résoudre pour les années à venir :
o L’amélioration de la performance des fonds (utilisation trop éloignée des objectifs, actuellement),
o La responsabilité juridique des bénéficiaires et des Etats-membres qui transmettent les demandes. Actuellement, certains Etats-membres freinent beaucoup les instructions de dossiers par crainte de risquer une responsabilité juridique et donc un remboursement pour des fonds qui auraient été attribués du fait d’erreurs de calcul ou d’appréciation…
Plus globalement, il serait souhaitable de définir ce que l’on entend vraiment par « Economie bleue » à la Commission.
– Pierre KARLESKIND (Vice-Président du Conseil Régional de Bretagne – France). Les difficultés rencontrées actuellement dans le montage et l’instruction des dossiers FEAMP montrent l’absolue nécessité d’une grande simplification. Il s’agit de se reposer toujours la question de la finalité des aides, au lieu de ne s’intéresser qu’aux procédures.
Le soutien à la petite pêche côtière pour une meilleure représentation au sein des CCR
Interventions :
– Alain CADEC (Président du Comité des pêches – Parlement Européen).
Le comité des pêches du Parlement Européen a pris l’initiative de lancer un projet-pilote, en 2014, pour améliorer la visibilité de la petite pêche côtière et favoriser le « développement local par les acteurs locaux ».
– Benoit GUERIN (Consultant).
Au vu des actions qui sont conduites par les 16 Etats-membres du bassin BANS (Baltique et Mer du nord), la proposition concrète qui s’impose est que les Etats-membres récupèrent plus de pouvoir de décision sur la gestion des 12 milles nautiques et la possibilité de discuter, pour ce type de pêche avec les pays voisins du même bassin.
– Simone SERRA (Institut de recherche UNIMAR pour l’Italie, la Slovénie et la Croatie), Evelina DOSEVA (consultante pour la Roumanie et la Bulgarie) et Nikolaos ANAGNOPOULOS (consultant pour la Grèce, Chypre et Malte).
Le problème initial – et de fond – qui est soulevé pour certains pays de l’est de la Méditerranée et de la Mer noire est la faiblesse ou l’absence de structures professionnelles représentatives dans certaines zones voire certains pays.
Comment participer aux CCR ou aux instances de décision européennes si les pêcheurs ne sont pas regroupés ni structurés en organisations professionnelles ?
Si Chypre dispose de 15 organisations locales de pêcheurs et d’aquaculteurs et de 5 organisations nationales, Malte a 2 organisations locales et une organisation nationale.
La Grèce qui a de très nombreux pêcheurs et 194 organisations locales, n’a aucune organisation nationale ! Elle n’est pas représentée au CCR qui la concerne.
De même, actuellement, la Bulgarie et la Roumanie n’ont pas de structures de représentation professionnelle. Tous les travaux d’enquête, de connaissance de la profession et de préparation éventuelle de dossiers pour l’Union Européenne doivent être effectués par des cabinets de consultants extérieurs à la profession…
La structuration professionnelle de la petite pêche côtière de ces pays doit intervenir avant toute approche raisonnable du FEAMP.
Commentaires personnels
Ce séminaire était très ouvert à des participants de tous les horizons, fonctionnaires, représentants professionnels, consultants, lobbies et organisations environnementalistes…
La Commission souhaitait visiblement une approbation générale du système et ne s’est pas étendue sur les (très) faibles taux de mise en œuvre du FEAMP depuis 2014.
Une présentation de posters était visible à l’extérieur des salles du séminaire. Des actions de valorisation des métiers et des produits étaient présentées, essentiellement dans des régions périphériques de Scandinavie et d’Europe centrale : boutiques, ateliers de valorisation des produits de la pêche, centres d’initiation aux métiers et aux produits dans de petits ports de pêche ou des points de débarquement, qu’ils soient sur la côte ou sur des lacs intérieurs. Pour ces petits projets, on voit que le FEAMP fonctionne bien mais cela semble bien marginal quand même…
L’accent a été mis en permanence sur l’importance du « développement local par les acteurs locaux », ce qui est encourageant mais il a fallu attendre la dernière séance plénière pour découvrir à quel point on a négligé, dans certaines régions périphériques, la mise en place d’organisations professionnelles représentatives des pêcheurs. Celles-ci sont soit isolées, comme en Grèce, soit inexistantes ou peu opérationnelles comme en Bulgarie ou en Roumanie.
Annexe : organisations environnementalistes (ou groupes de pression) participant au séminaire
o Birdlife,
o PEW,
o Dutch foundation for the protection of fish,
o Low impact fishers of Europe,
o MSC,
o Clientearth,
o Seas at risk
o Université de Colombie britannique (Rashid Sumaïla).
Certaines comme PEW, Low impact fishers of Europe, Clientearth, Seas at risk et le représentant de l’Université de Colombie britannique (pour une condamnation de principe des subventions à la pêche…) ont été invités à faire des présentations officielles. Liste des participants :