Organisation : Catedra Tierra Ciudadana, Universtat Politecnica de Valencia, UITC
Soutien financier : Ville de Gandia et Albufera, Fondation Daniel et Nina Carasso, Ajuntament de Valencia.
Points à retenir du déplacement
La définition de la « mostreta » ou « petite mostra » regroupe plusieurs acceptions : rencontre, réunion, festival, démonstration, etc., toutes concourant au même objectif, celui de faire connaître et reconnaître la pêche professionnelle (artisanale en l’espèce) dans son environnement social, historique et économique.
A cette fin, il convient de trouver les médias les plus opportuns voire les plus lisibles pour la société.
La chaire Terre Citoyenne est l’une des voies pour y parvenir.
Quelques observations :
Sur le fond
1-Malgré les différences fondamentales de métiers (au sens de la pêche maritime) et d’approches entre la Méditerranée et l’Atlantique ou la Manche, des points fondamentaux communs apparaissent transversaux :
– la nécessité de faire connaître les métiers pratiqués/les produits pêchés/les communautés de pêcheurs.
– la nécessité de faire reconnaître dans la vie économique passée/présente/future, la place des acteurs et des valeurs liées.
– la nécessité de garantir les droits collectifs des acteurs historiques du milieu maritime.
2-Le mode opératoire de cette rencontre via un modérateur/animateur basée sur la concertation consensuelle entre les autorités publiques, les acteurs économiques, les scientifiques est nécessaire mais pas suffisante pour établir une gestion durable et reconnue des ressources marines.
On doit aussi tenir compte du trilogue Société civile/Consommateurs/Faiseurs d’opinions.
Sur la forme, des idées à importer
– intérêt des échanges et des portés à connaissance y compris au niveau universitaire
– démonstrations culinaires in situ (Halles de la ville) et en restaurants
– interaction Terre/Mer pour les producteurs et les produits
– création de lieux d’échange publique au sein du port avec notamment restaurant /café ayant vue sur la criée.
Des dangers à contrôler
– mise en exergue de l’opposition entre la pêche « artisanale » et la pêche dite « industrielle »
– mise en opposition des métiers entre eux
– évoquer la victimisation des pêcheurs
– manquer d’arguments techniques/scientifiques/professionnels
– manquer d’actions crédibles à mener et de propositions à formuler
Déroulé chronologique
I- Dialogues des savoirs au tour de 2 tables rondes au sein des halles centrales de Valencia, réunissant pêcheurs, aquaculteur, scientifiques.
Première table ronde sur la pêche à l’anguille
- 1-Présentation de la pêche à l’anguille passée, présente et future : historique de la pêcherie, plan national de gestion,tirage au sort des emplacements, qualification de l’anguille en « bien culturel »
- 2-Témoignage d’un pêcheur d’anguilles de la communauté de pêcheurs de Palmar sur l’Albufera, qualité des eaux et problème des sédiments accumulés sur le fond du lac .
- 3-Témoignage du président de l’association des pêcheurs d’anguille en mer du port du Perellonet
- 4-Présentation de la gestion et de la conservation de l’anguille par un représentant de la Généralitat. Plan de gestion UE, taux d’échappement, mortalités, endoparasite anguilicola crassus etc...(problématique similaire aux pêcheurs français.)
- 5-Présentation du Parc Océanographique et évocation de recherches sur la reproduction d’anguilles en captivité au travers d’un projet européen (les résultats ne sont pas rapportés). Intéressant car échecs constant , tout au moins en Europe.
- 6-Présentation par la Valenciana de Acuicultura SA de l’élevage d’anguille labellisées SEG (sustainable eel Group)
- 7-Echanges et discussions entre Généralitat/ pêcheurs / scientifiques, avec modératrice journaliste.
Deuxième table ronde sur la valorisation des produits peu valorisés
- 1-Présentation de la communauté de pêcheurs de Palmar, fondée en 1250 et administrée par une jeune directrice ; travaillent sur l’anguille, le mulet, le bar dans le cadre de pêches soutenables et traçables ; idée force : marché de qualité, de proximité, biens d’intérêt culturel. Ouverture sur le tourisme.
- 2-Présentation du seul producteur artisanal de moules de cordes de Valencia sur ponton dans l’enceinte du port.
- 3-Par l’Université Polytechnique de Valencia, exposé sur la pêche artisanale mondiale, sur le pillage des ressources des pays émergents.
- Situation de la pêche en Méditerrané:pêches dégradées, espèces en danger, pollutions, aspect culturel de la pêche artianale.
- [Selon la Commission Européenne,
- Etat des stocks en baisse : crevette, anchois, merlus, langoustine, rouget, espadon.
- En hausse:thon rouge.
- Méconnu : dorade coryphène, bar, poulpe, mérou, maquereau, seiche, dorade dorée, dorade rose]
- 4-Présentation par une nutritionniste des valeurs du poisson et de la méconnaissance des circuits de production.
- 5-Echanges et discussions entre pêcheurs/scientifiques, avec modératrice journaliste.
II- « Show cooking »
Avec cuisinier sous les halles centrales avec des produits du lac de l’Albuféra et d’autres produits soi-disant peu valorisés ou de saison (commentaire : qualité superbe espagnole des produits fumés, en terrine, en accras , paëlla etc...)
Autour du plateau, exposition sur kakemonos des métiers, des engins de pêche, de la chaire Terre Citoyenne.
III-Transport dans un cellier restauré du XIII ème
Présentation de vidéos sur la pêche locale en mer et en Paca (dont 3 films de l’Encre de Mer de E. Tempier).
Mixité voulue entre les produits du terroir, vins et poissons
Présence remarquée de la Conseillère à la Pêche et à l’Agriculture de la Généralitat.
IV-Diner collectif en restaurant de produits de la mer et promotion d’un producteur de vin local
V-Petit déjeuner et échanges sur la pêche à Albufera
En présence de représentants de communautés de pêcheurs, de la mairesse de la ville et d’une représentante de la Police de Valencia.
VI-Embarquement sur barque de pêche pour tour du lac
et visite des installations des madragues à la sortie du canal vers la mer : piégeage par verveux des anguilles et autres poissons à leur entrée dans le lac, tri à la taille et rejet des sous taille dans le lac en amont des pièges.
Pêche d’anguilles, de bars et de crabes bleus (américains (?)
VII-Visite à la Maison des pêcheurs d’Albufera
Siège de la communauté, secrétariat et lieu de réunion et de tirage au sort des emplacements et des droits de pêche sur le lac.
Présentation d’un livre sur l’histoire du lac mettant en valeur la pêche artisanale, la rencontre des savoirs, les témoignages d’anciens pêcheurs et de riziculteurs, la mémoire du lac et de ses activités historiques.
Echanges sur l’organisation des pêcheurs mais aussi sur la perte de l’histoire et l’absence de transmission des valeurs entre les générations.
VIII-Départ vers la criée du port de pêche de Gandia.
Vente électronique à 16h 30 de 3 fileyeurs et d’un ligneur ; majorité de beaux produits.
Passage vitré permettant de visualiser la vente en cours.
Café /restaurant donnant sur la salle de criée.
Echanges avec le directeur de la criée sur le fonctionnement de la chaîne de tri et de présentation des caisses à la vente.
Présentation d’une calibreuse à tellines
IX-Dialogue des savoirs
Dans l’enceinte de la criée de Gandia sous la direction des animateurs.
- 1-Echanges entre professionnels, présence de 3 pêcheurs espagnols et du directeur de la criée, mise en commun des expériences et des pratiques, discussion sur les enjeux (ressources, espèces protégées, cétacés, réglementation communautaire, pollution...) et les points communs entre tous (vie des structures locales, relations avec les pêches de loisir, dialogue avec les ONG, relations entre Etat/Région/pêcheurs...)
- 2-Partage sur l’intérêt d’une telle réunion sur le terrain, expression libre individuelle de chaque présent sur le ressenti de la réunion.
- 3-Expression libre par chacun des facteurs positifs de dialogue : écoute active/échanges/bienveillance/être là au bon moment au bon endroit/dépasser la victimisation/déconstruction des préjugés/connaissances de mes forces.
- 4-Vidéos - d’une pêche aux seiches et poissons divers d’un trémailleur, interview à bord par journaliste d’une femme de pêcheur embarquée.
-de pêche en Méditerranée questionnant sur les valeurs véhiculée et le rôle de la pêche artisanale. - 5-Echanges avec des pêcheurs de Palma et de Gandia.
X-Déjeuner commun dans le restaurant de la criée pour prolonger les échanges.
FIN
Réactions de Ronan Le Corre, pêcheur à pieds en Finistère Sud
Etonnements
Le manque de verdure quand l’avion a engagé un virage avant l’atterrissage.
Le sol sec dans Valencia.
Le nombre de touristes à 10 h le soir dans les rues typiques de la ville.
La qualité des hôtels.
La beauté de la vielle ville et de ses monuments.
La parole libérée des élus socialistes et des pêcheurs par rapport aux temps plus ’’franquiste’’ d’après leurs mots.
Moments qui m’ont marqué ou touchés
Retrouver les membres connus lors de la dernière cession en 2008 et cela n’a rien à voir avec une reconnaissance faciale.
Partager avec eux et les nouveaux Français et Espagnol petit dej, bouffes, idées, conceptions des choses, compétences pro.
La façon de Franck pour proposer ses compétences aux pêcheurs d’anguilles sans blesser et rester efficace et je suis heureux qu’il y est un professionnel compétent pour les aider.
Ce personnage Valenciana qui aime sa Ville et ses gens et qui est à l’origine de notre rencontre, du Mercadona et j’en passe ; il porte sur lui l’envie de se dépasser, de transmettre aux autres.
Et justement ces autres qui écoutent, dont nous avons fait partie pendant cette rencontre, ont la même lumière dans le regard, tous différents mais tous semblables, des gens qui ont rencontré des problèmes dans leurs vie professionnelle et pas que, ont dû trouver leur route, faire des choix, les peser, et maintenant les offrent gracieusement. Alors oui cela m’a effectivement touché.
Une personne du groupe en début de carrière qui a dit avec ces termes ce n’est pas la course à l’argent qui me mobilise.
J’ai trouvé dommage le manque de mobilisation des pêcheurs de Gandia alors que les bateaux étaient au mouillage pour coup de vent, était-ce par manque d’information ?
La similitude de nos problèmes de repeuplement de tellines. A voir si le Dr Miguel Rodilla donnera une suite à notre rencontre. Cela aurait été idéal le partage d’information entre l’IFREMER et UPV, la Cofradia et le CDPMEM pour une connaissance commune ?
Interview de Gérald Hussenot de "Blue Fish"
1. Comment définissez vous la situation de la Pêche Artisanale de nos jours ?
La notion de « pêche artisanale » est ambiguë, selon la législation, les pratiques, les normes de sécurité de navigation, la taille des navires, les pays etc....c’est la raison pour la quelle je ne rentre pas dans ce débat, et encore moins dans celui qui oppose la pêche dite « artisanale » à celle dite « industrielle ». Évidemment je condamne la pêche « minotière » destinée à approvisionner en farine de poisson les sites de production d’aquaculture.
En France, la pêche est classée en 4 catégories : petite pêche , pêche côtière, pêche au large , grande pêche. Il existe aussi une 2° classification selon la taille des navires : mois de 8 m, moins de 12 m, moins de 16 m, moins de 25 m, plus de 25 m.
On voit bien qu’une définition simple n’est pas possible, d’autant que la motorisation, les moyens de détection, les aides à la navigation ont largement contribué à complexifier la situation.
J’observe que pour la Commission Européenne, la pêche artisanale ou la petite pêche, correspond aux navires de moins de 12m hors tout, ne pratiquant pas les arts trainants. Cette notion écarte une partie importante des navires de pêche et donc de l’activité économique.
La meilleure façon de régler le partage des ressources et de l’espace convoité par les pêcheurs repose sur l’adoption de réglementations adaptées portant tant sur les campagnes, les engins, les zones, les quotas, etc....
Au plan du marché des produits de la mer, il est important d’approvisionner l’ensemble des espèces commerciales car les unes font vendre les autres. La petite pêche côtière est sensée rapporter des petites quantités d’ espèces à haute valeur marchande, la pêche au large des espèces en quantité plus importante pour des marchés distants. Il n’y a pas de jugement de valeur à émettre sur ce sujet.
2. Que peut on faire pour la mettre en valeur ?
Les thèmes retenus pour la Mostreta sont une bonne voie :
– Échanges et "portés à connaissance" y compris au niveau universitaire
– Démonstrations culinaires in situ (Halles de la ville) et en restaurants
– Échanges Terre/Mer entre les producteurs et leurs produits
– Création de lieux d’échange publique au sein des ports
– Ouverture sur les criées.
– Participation aux salons
– Informations données aux enfants dans les écoles
3. Quelle est l’image que la société actuelle a du pêcheur ? Est-ce qu’en général la société fait la différence entre la pêche artisanale et la grande industrie de la pêche ?
Il faut distinguer la "société civile ", les "consommateurs ", et ce que j’appelle les "faiseurs d’opinions". D’une façon générale, les consommateurs ont une image positive du pêcheur, travailleur de la mer, au contact d’une nature parfois hostile et mal connue.
Les 2 autres catégories ont des jugements soit non fondés, soit formatés. Pour la deuxième partie de la question, les amateurs de produits de la mer sont capables de faire la différence entre un produit frais, aux conditions organoleptiques extra, d’un produit surgelé importé d’Asie. L’éventail des offres intermédiaires de produits laisse libre à chacun de choisir.
4. Il faut raconter ce qu’est la "pêche artisanale”. Mais comment le faire pour mettre en valeur le système ? Pensez vous à des actions efficaces pour différents types de publics ? (Politiciens, consommateurs, société civile…). Quelle est la contribution la plus importante de Blue Fish dans ce domaine ?
Encore une fois il n’est pas question pour moi d’opposer les « métiers » (voir plus haut ). Il importe donc de faire connaître les activités générales de la pêche (européenne en l’espèce), du rôle des hommes dans le processus de production et de l’équilibre à promouvoir dans le développement durable entre la protection du milieu et les activités de production. Lorsque c’est nécessaire -et c’est le cas d’une façon générale- mettre en place les mesures de gestion comprises, adaptées, concertées, partagées . La mise en valeur du système repose sur de la communication, qui est malheureusement très budgétivore et hors de portée significative de la profession. Néanmoins toutes les initiatives prises pour sensibiliser la société civile et améliorer la connaissance du milieu maritime sont bonnes à prendre.
BlueFish contribue à faire connaître les bonnes pratiques de la pêche auprès des décideurs tant nationaux qu’européens. Il appui, soit financièrement, soit matériellement les initiatives des pêcheurs qui s’investissent dans le développement durable : sélectivité des engins, améliorations des conditions de travail, sécurité à bord, etc...
– Il récompense les entreprises innovantes dans les 3 domaines du développement durable par un prix annuel.
– Il offre d’une tribune auprès des instances de Bruxelles.
– Il instaure un concours ouvert aux jeunes des lycées maritimes sur des projets innovants.
– Il appui les initiatives de restauration de la ressource, etc....
5. Quels sont les plus grands obstacles, d’après vous, pour une meilleure coordination entre les différents acteurs (administration, pêcheurs, commerçants, consommateurs, restaurateurs, université…) ?
Le cloisonnement des sites de décision, le poids de la grande distribution, le coût des campagnes d’information, le manque de moyens et de temps de la profession pour instaurer et participer à ces dialogues, le manque de lieux de rencontre non conflictuel.
6. Que peuvent faire les pêcheurs pour contribuer à une meilleure coordination entre acteurs ? Pour mettre en valeur la pêche artisanale ?
– Participer ou se faire représenter aux instances
– Parler d’une même voix
– Éviter d’opposer les activités entre elles
– Éviter de se positionner comme victime
– Aiguiser leurs arguments techniques, scientifiques
– Être proactifs et valoriser leurs produits
– Faire connaître ce qu’ils font / corriger les erreurs
– Pour une certaine partie d’entre eux et de leur production : favoriser les circuits courts de commercialisation et la promotion du Slow Food (écogastronomie et alter-consommation).
7. Quel est d’après vous le plus grand défi de la pêche artisanale de nos jours ?
Pouvoir se maintenir en tant qu’interlocuteur valable dans la course à la marchandisation du capital naturel, des ressources et des espaces marins
8. Quelle est l’opportunité dont il faut profiter ?
Difficile de répondre à cette question. Peut-être profiter de la situation pour saisir l’opportunité de montrer qu’en Europe le nombre de stocks exploités au RMD (MSY) est en hausse, que la consommation raisonnée de poisson contribue à l’équilibre alimentaire en protéines animales, pour faire connaître les modes de gestion des ressources et, avant tout, montrer que l’être humain (et donc le pêcheur) ne doit pas être la variable d’ajustement des mesures environnementales , mais qu’il s’inscrit à part entière dans la logique du développement durable.
9. Qu’est qui vous a intéressé le plus de la Mostreta, de cette rencontre ?
Ce que j’ai déjà dit plus haut : les idées à retenir et à exporter :
– la nécessité de faire connaître les métiers pratiqués / les produits pêchés / les communautés de pêcheurs.
– la nécessité de faire reconnaître dans la vie économique passée / présente / future la place des acteurs et des valeurs liées.
– la nécessité de garantir les droits collectifs des acteurs historiques du milieu maritime sur leurs territoires
– l’intérêt des échanges et des portés à connaissance y compris au niveau universitaire
– les démonstrations culinaires in situ (Halles de la ville) et en restaurants
– l’interaction Terre / Mer pour les producteurs et les produits
– la création de lieux d’échange publiques au sein d’un port avec notamment restaurant / café ayant vue sur la criée.
10. Imaginez que vous participez à la définition d’un projet pour la mise en valeur de la Pêche Artisanale. Quelle serait votre action prioritaire ?
Parmi de nombreux projets : l’amélioration de la traçabilité des produits de la mer et de sa lecture et le partage d’un vrai label sincère, fondé, équitable, marchand, clairement compris des consommateurs.