APPEL A MOBILISATION CITOYENNE Contre les usines de farine de poisson au Sénégal

, par  Collectif Sos Yaboye, GRAND Thomas

Le secteur de la transformation de produits halieutiques qui a toujours généré de nombreux emplois au Sénégal, attire des travailleurs venus de toute l’Afrique de l’Ouest et permet un approvisionnement régulier en protéines de qualité, fondamentales pour nos populations.
Mais ces dernières années, le développement de l’aquaculture industrielle au niveau international a provoqué une demande nouvelle de farine de poisson sauvage, utilisée pour nourrir le poisson d’élevage et le bétail, suscitant l’intérêt de nombreux investisseurs et industriels étrangers.
Un vrai sabotage : il faut par exemple compter entre 3 et 5 kilos de poisson sauvage pour produire 1 kg de poisson d’élevage (saumon, tilapia…) destiné aux pays "riches".
Ainsi, des bateaux-usines russes, chinois, turcs opèrent librement et/ou clandestinement au large du Maroc, de la Mauritanie, de la Gambie et du Sénégal provoquant le désarroi des pêcheurs artisans.
Et depuis maintenant 10 ans, des usines de farine de poisson se créent, s’installent sur tout le long du littoral Ouest-Africain, le plus souvent au plus proche des zones et des ports de débarquement, induisant une pression supplémentaire :
 pillage organisé grâce aux licences accordées,
 détournement du produit autrefois destiné à nos populations,
 perte d’activité catastrophique pour les travailleurs et les migrants qui vivent grâce au poisson débarqué sur nos plages.

Au Sénégal, bon nombre de pêcheurs, de transformateurs et de travailleurs du secteur ont été contraints de quitter ces dernières années les zones meurtries par l’installation de ces usines (St Louis, Kayar, Mbour-Mballing, Joal) pour se réfugier vers le Sud, en Casamance, où le poisson restait abondant et plus accessible qu’au Nord. En moins de 5 ans, le nombre de travailleurs a d’ailleurs quintuplé à Kafountine.
Mais en 2018, dans cette même logique, deux nouvelles usines chinoises se sont installées en Casamance, une en construction à Kafountine, contraignant plus de 2000 femmes transformatrices à être déplacées dans des zones insalubres, l’autre à Abéné, à moins de 5 kilomètres de Kafountine, en plein cœur d’une Aire Marine Protégée. A rajouter à cela des conséquences environnementales locales désastreuses dues au fonctionnement de cette usine (déversement des eaux usées et souillées, odeur nauséabonde et toxique…). Les populations d’Abéné se sont mobilisées. L’usine a été même arrêtée provisoirement début mai 2018, le temps d’une enquête-publique… Les résultats de l’enquête ont été sans appel : plus de 90 % de la population s’oppose au fonctionnement de cette usine.
Le même cas se pose encore début 2019, à Kayar, où une usine de farine doit être construite...
Le poisson à haute valeur commerciale, frais ou congelé, est traité et exporté massivement depuis 50 ans, ou réservé aux plus riches de notre pays. Les populations sénégalaises n’y ont plus accès depuis longtemps, et doivent se contenter du « Yaboye » pour se nourrir. Et notre Yaboye, qui coûte de plus en plus cher, se fait rare et irrégulier dans nos marchés.
La sardinelle et l’ethmalose sont des poissons populaires, fondamentaux pour la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Gambie, Mali, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Sierra Léone, Togo, Bénin, Ghana, Nigéria…). Une mobilisation citoyenne locale, nationale et internationale s’impose pour protéger ce poisson essentiel par le refus absolu de son traitement en farine d’exportation.
Thomas Grand
Collectif Sos Yaboye

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