Le jeu ambigu de CACHE CASH INVESTIGATION SUR F2 !

, par  CHEREL, Jacques

L’émission de Cash investigation a suscité à chaud de nombreuses réactions de spectateurs. Jacques Chérel nous a transmis ses réactions.

Bravo à cette émission pour dénoncer le pillage quasi colonial des eaux de l’Océan Indien par les flottes françaises, mais c’est un peu partiel ! L’émission insiste sur le problème de la ressource en passant rapidement sur celui des pêches et des activités des pays limitrophes qui sont ruinés. On aurait pu parler davantage des petits pêcheurs seychellois et aussi réunionnais et aussi mahorais (donc français) qui se plaignent justement du passage au large des îles des supersenneurs à DCP qui ruinent leur pêche, alors qu’eux même n’ont pas droit ou ne peuvent d’accéder à ces zones ! On oublie aussi les autres prédateurs comme la flotte espagnole, qui utilisaient jusqu’à 1500 DCP, juste un peu évoquée, et surtout les flottes asiatiques complètement ignorées ! Oui c’est un scandale quand l’argent de l’Europe est détourné au profit de puissantes sociétés financières, qui exploitent une ressource au grand mépris de l’avenir de la ressource, des populations et des territoires littoraux. Oui c’est aussi un scandale en Méditerranée de voir une minorité d’armateurs mafieux (le mot n’est jamais employé) tirer un profit maximum sur le dos des contribuables européens avec la pêche au thon rouge. Cette poignée de patrons a su monopoliser et exclure la masse des pêcheurs en s’emparant des quotas, en s’infiltrant dans la petite pêche, en profitant des liens plus ou moins licites avec la Libye ! Oui c’est très bien de dénoncer la concentration financière qui fait que Petit navire n’est plus que l’avatar de la société Thaï Union. Voilà toute une activité qui échappe à la Bretagne et surtout un système d’évasion fiscale efficace : dommage que le sujet soit juste effleuré en plein débat en France sur une fiscalité plus juste : pourquoi faire payer les impôts sur les revenus, qui s’évadent facilement, au lieu de les faire payer sur le chiffre d’affaires beaucoup plus représentatif des activités, comme le suggère C. Landais et T. Piketty dans "Pour une révolution fiscale, un impôt sur le revenu pour le XXIe siècle".
Il est dommage que les petits pêcheurs n’interviennent qu’à la marge. La pêche durable aurait mérité aussi une partie du reportage ! Évidemment, l’émission en ayant tout misé sur des images de la pêche industrielle tend à créer un amalgame sur le monde des pêcheurs ! Alors la conclusion est simple : il y a trop de pêche et de pêcheurs , il faut réduire la consommation de poissons !
On comprend que ce type d’émission est fondé sur une forme d’amalgame catastrophiste sans nuance et semble donner le point de vue d’un seul expert comme argent comptant. Mais là se pose un autre problème : on fait appel à des représentants d’ONG (Greenpeace, Bloom) dont le point de vue peut être écouté mais qui n’ont été élus par personne et se sont autoproclamés expert-justiciers sans contrôle scientifique et surtout démocratique. A l’heure de la crise de la démocratie, est-il pertinent de ne convoquer aucun parlementaire européen élu, aucun représentant des pêcheurs et des comités des pêches, des syndicats ?
Attention aux amalgames réducteurs, aux impasses… qui au final font passer discrètement sans discussion le message des groupes et lobbies environnementalistes ! qui ne nomment pas le vrai enjeu entre le pouvoir des industries multinationales, leurs lobbies face aux petits pêcheurs, au développement des îles et des littoraux, aux consommateurs . Oui défendons la ressource et la pêche durable mais sans oublier la démocratie.

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