Naïvement j’ai longtemps cru que les végans étaient des gens animés par la seule volonté déterminée de mettre fin à la souffrance animale, d’améliorer les problèmes d’environnement…bref qu’ils étaient une branche active des végétariens. Mais plusieurs faits m’ont intrigué.
J’ai remarqué que des porte-paroles végans affichaient leurs liens avec l’antispécisme : animal ou homme, ce n’est pas l’espèce qui compte mais l’individu, aussi l’animal n’aurait pas moins de droits que l’homme. Selon Estiva Reus [1], le « spécisme » est une notion forgée par l’anglais Richard Ryder en 1970 et popularisée par le philosophe australien Peter Singer dans son livre La Libération animale (1975). Or cette position revient rapidement à remettre en cause l’humanisme lui-même. Yves Bonnardel [2] écrit « l’humanisme est l’idéologie du suprémacisme humain qu’il s’agit de combattre ! » Cela a le mérite d’être clair !
Deuxième fait troublant, la presse a évoqué, encore très récemment, que « les ventes d’alternatives à la viande ont bondi de 23 % en 2018 aux États-Unis. Selon les analystes financiers le marché des substituts végétaux à la viande animale pourrait bientôt peser plus de 120 milliards d’euros ».(La Croix, 8-6-19) . Ce résultat serait-il dû au seul succès de la pression des végans ?
1. Un livre qui tombe à pic : « Lettre ouverte aux mangeurs de viandes qui souhaitent le rester sans culpabiliser »
Voilà que je trouve le petit livre de Paul Ariès « Lettre ouverte aux mangeurs de viandes qui souhaitent le rester sans culpabiliser, ou pourquoi les végans ont tout faux » [3] . S’appuyant sur une enquête approfondie, l’auteur interpelle sur les fondements des végans qui sont ailleurs que la défense des animaux.
2. Transformer la nature et éradiquer les carnivores pour éviter la souffrance
On y découvre que pour les penseurs du véganisme, il n’est nullement question de défendre l’environnement, encore moins de soutenir les écologistes (p.90). En effet le but ultime serait de transformer le monde et de reformater la nature (p.139). En modifiant les êtres vivants sentients (qui ressentent la douleur) grâce aux neurosciences et au génie génétique, il serait possible de supprimer la souffrance animale. Le programme de Reducing wild-animal suffering (RWAS- p.131) envisagerait de faire disparaitre les animaux sauvages carnivores, de créer des chiens et chats végans. Le manifeste pour la fin de toutes les souffrances (OOS) affirme que seuls les animaux herbivores, améliorés et sous contrôle de la natalité devront survivre, ainsi pourrait-on éradiquer la violence (p.151, onlyonesolution.org). Au nom de la dénonciation (justifiée) de la souffrance animale certains écrits vont jusqu’à comparer les abattoirs aux camps d’extermination des juifs, d’autres veulent transformer la journée contre l’esclavage des noirs en journée contre l’esclavage des animaux (p.150) [4] . Le Front de libération animal (AFL), Animal recorvery mission (ARM), Animal rights military ( ARM) sont prêts à user de méthodes violentes pour y parvenir au plus vite. Elles sont suivies par les activistes « anti-boucherie » en France. Les Cahiers antispécistes (cf site) reprennent et développent tous ces thèmes. Estiva Reus préconise d’éliminer les animaux pour leur bien (Cahiers antispécistes, n°41, 2018) mais d’éviter de le dire trop fort pour ne pas effrayer les nouveaux adeptes.
3. Les géants agrolimentaires à fond végans
Or ces spéculations et programmes infernaux coïncident avec la recherche de nouvelles sources de profit par les géants de l’agroalimentaire alors que le secteur de l’élevage atteint un palier. Les lobbys céréaliers s’engouffrent dans le nouveau marché et poussent à manger des céréales. Ce sont les mêmes (Cargill, Continental, Avril…) qui produisent la nourriture pour les animaux à viande ! Hier ils prônaient « le tout viande, aujourd’hui le tout céréale, demain, la fausse viande » (p.37). En Europe, le géant suisse de l’agroalimentaire Nestlé commercialise depuis avril en Europe un Incredible Burger, servi par Macdonald en Allemagne. La start-up Impossible Foods distribue ses produits dans plus de 7 000 restaurants aux États-Unis et en Asie, elle est soutenue par Bill Gates. Un seul obstacle, les éleveurs dénoncent l’utilisation du terme de viande pour les nouveaux produits alors qu’il s’agit de végétaux ! Aujourd’hui le marché des céréales est en tête des productions sans oublier le maïs, le soja. Dans tous ces programmes on notera l’absence des mesures contre les intrants : engrais, pesticides, herbicides ni contre l’irrigation, encore moins d’avancée sur le commerce équitable.
Bien sûr, on est d’accord, la surconsommation de viandes a fait reculer les cultures vivrières et l’élevage industriel utilise du végétal, mais les productions végétales ne sont-elles pas de plus en plus destinées à fabriquer « l’éthanol et le bio-éthanol pour nourrir nos voitures » (p.57) ? Sans compter la production de l’huile de palme. L’accaparement des terres du monde par la Chine, les états du Golfe, servent à produire des céréales pour leurs pays et privent les petits paysans de leurs productions. Quelques 200 sociétés ont le monopole des cultures végétales, le marché des graines, des engrais, les transports, la fixation des prix. La littérature végane n’en dit mot.
Sur le site végan, on peut lire encore que « L’élevage constitue un énorme gaspillage des ressources. Une baisse de la production de viande entraînerait une baisse du cours mondial des denrées alimentaires, favorisant ainsi l’accès des populations vulnérables à l’alimentation. Aujourd’hui, environ 800 millions d’humains souffrent encore de la malnutrition ; pour un monde plus juste, végétalisons notre alimentation ! ». Ces affirmations font l’impasse sur la complémentarité entre les cultures et l’élevage qui fournit l’engrais naturel qu’est le fumier. Vouloir supprimer l’élevage conduit fatalement à recourir aux engrais chimiques, faisant confiance à l’agriculture technologique et scientifique. Bayer-Monsanto se frotte les mains. Les plus pauvres de l’humanité ne sont pas des victimes de la production de la viande mais de la politique des grosses sociétés, de la concurrence des produits subventionnés des pays riches qui ruinent les productions locales. Attention aux raisonnements simplistes, alerte Paul Ariès.
4. Fin de la pêche
Au sujet de la pêche, le discours est sans ambiguïté. Les végans demandent de remplacer les poissons, car ceux-ci souffrent de façon injuste après leur prise et sont victimes d’exterminations massives. En plus le métier de pêcheur est exigeant et dangereux, la disparition de la pêche serait donc un avantage pour le poisson comme pour les pêcheurs ! (https://vegan-pratique.fr/cote-cuisine/les-poissons-aussi/ )
Au pire on pourrait encourager la pisciculture et l’aquaculture végétale, proposition qui rejoint celles des gros céréaliers qui dominent la production des saumons !
5. « L’antispécisme est une pensée glissante qui ouvre les boulevards aux idéologies nauséabondes » Paul Ariès (p.108).
Alors amis, omnivores, si vous souhaitez approfondir encore le sujet, cet ouvrage vous réserve bien des surprises. Il aborde bien entendu la question nutritionniste, et là les vegans ont tout faux. Ils se mettent même en danger.
Il plonge dans les racines nazies et néo-nazies qui ont prôné et prônent la pratique végane, au nom des inégalités des races humaines, de l’absence d’espèce humaine unifiée, de la supériorité de certains animaux comparés à certains hommes. Aujourd’hui de nombreux leaders rejoignent les courants transhumanistes qui visent à modifier hommes et animaux.
6. La vraie alternative au libéralisme mondialisé et destructeur de la planète
Alors oui bien entendu je suis pour la protection des océans et des ressources halieutiques, contre la surpêche, pour une consommation mesurée du poisson et pour la défense des pêcheurs qui nourrissent les populations grâce à une pêche durable. Bien sûr je dénonce les pratiques industrielles des élevages intensifs comme les méthodes productivistes qui broient les animaux. Je suis prêt à reconnaître les droits des animaux et leur respect en tant qu’êtres vivants. Je suis d’accord avec tous ceux qui prônent une agriculture biologique, adaptée à la nature et à nos besoins, avec des échanges de circuits courts et la défense de la production locale...Seule une économie alternative et équitable pourra sauver la planète tout en instaurant plus de justice humaine. Mais je mets en garde, à la suite de Paul Ariès, contre les visions totalitaires qui conduisent à faire disparaître l’homme. [5]
Est-ce le nouveau monde que préparent les vegans ?
Jacques Chérel