Serge Lucas, nous livre ses souvenirs de photographe et de journaliste-écrivain. Il a été l’un de ceux qui ont accompagné les pêcheurs au cours de cette période charnière qui les a vus se confronter à la fin des illusions de la ressource illimitée, après l’euphorie des années 60 et du début des années 70. Les pêcheurs ont été les premiers confrontés aux limites de la croissance. Serge Lucas sait leurs erreurs mais malgré tout, il aime les pêcheurs au travail. Avec eux, il a appris à écouter et à témoigner. Son guide : « l’humain, toujours l’humain… tout ce qui le motive est son cadre de travail en mer ». Son témoignage se déploie autour du récit minutieux d’une campagne de pêche à la crevette dans les eaux glacées du Groenland, en 1978, sur un terre-neuvas bordelais, le « Finlande ». L’équipage est composé uniquement de Bretons et de Normands. La morue donne déjà des signes de faiblesse et le Canada a commencé à prendre le contrôle de ses eaux. Les armateurs cherchent des alternatives, la crevette rose du Groenland en est une et ce n’est pas de tout repos pour les pêcheurs. Serge Lucas nous livre un récit très fort de la tempête de 1978, au retour de la campagne. Au cours de cette tempête disparaîtra l’Alcyon, chalutier de Lorient, avec ses 10 marins pêcheurs, ainsi qu’un cargo allemand.
Serge Lucas n’écrit pas l’histoire, même s’il admire Fernand Braudel, il revendique l’anecdote. Son récit en témoigne, comme il rend compte de son immense culture sur l’histoire maritime. A l’occasion, il revisite plusieurs épisodes et nous fait découvrir des personnages oubliés dont le rôle fut important. « Notre travail repose sur les anecdotes que je capture en timonerie, n’ayant qu’un goût modéré des quais, moins encore des tables de bistrots ou des coins de bureaux bien cirés ».
Dans sa conclusion, il épingle les clichés sur la pêche et rend hommage à la rigueur des analyses du Collectif Pêche & Développement. Il en appelle enfin à une vraie gouvernance mondiale des océans : « Un rêve m’objectera-t-on ? Et pourquoi pas ? »

Alain Le Sann
Septembre 2019.