L’ouvrage : "A Douarnenez, faut savoir naviguer...."

, par  BIGET, Denis

L’ouvrage A Douarnenez, faut savoir naviguer. Un siècle de l’école de pêche 1904-2003 vient de sortir aux éditions Locus Solus.

Résultat d’une recherche participative menée par des bénévoles dans le cadre du projet Marins à l’ancre financé par la Région Bretagne (Héritages littoraux), il a été écrit par trois auteurs : Françoise Pencalet, historienne, Gérard Alle, écrivain et Denis Biget, anthropologue qui illustre ici de façon locale ses recherches générales sur la formation des marins pêcheurs [1]. Les auteurs ont opté pour un ouvrage accessible à tous, mêlant anecdotes, précision historique et analyse. Pour suivre cette histoire à travers le temps, le lecteur se laissera guider par un personnage fictif, Corentin, qui revivra les aventures bien réelles de la pêche et de la formation des marins-pêcheurs.

Ce livre retrace l’histoire de l’apprentissage maritime à Douarnenez et de son évolution par son école de pêche. Ecrire, décrire l’histoire de cet apprentissage à Douarnenez, ce n’est pas seulement raconter par le menu l’histoire de son école de pêche, c’est aussi dépeindre les relations des populations du littoral avec les métiers de la mer, leur rapport à l’éducation en général et aux institutions chargées d’encadrer ces gens que l’on dit turbulents. Et comme toute formation suit à la fois un objectif politique et économique, elle illustre une conversion progressive aux progrès techniques et au capitalisme. Les marins, en perdant peu à peu la maîtrise des investissements, perdent une part de leur liberté. Jusqu’à voir leurs bateaux partir à la casse, eux dont les membres de la famille n’étaient parfois connus que par leur surnom, qui n’était autre que le nom du bateau.
La naissance de l’école de pêche est imposée par des contraintes législatives, l’école étant obligatoire à partir de 1882 pour tous les enfants jusqu’à l’âge de 13 ans. Or, à Douarnenez comme ailleurs sur le littoral français, les enfants embarquent dès l’âge de 9 ans et ce jusqu’au début du XXe siècle. Ils apprennent le métier « sur le tas », à bord du bateau et ne ressentent pas le besoin de fréquenter l’école de pêche dont ils ne voient pas toujours l’utilité. La création de l’école de pêche de Douarnenez en 1904 suit le mouvement commencé à Groix en 1895 par l’école de pêche du Professeur Guillard pour répondre à l’esprit de progrès et de science de ses promoteurs, savants, philanthropes, hygiénistes ou marins éclairés qui cherchent par la formation à combattre les routines, pratiques et savoirs empiriques pour faire entrer les activités halieutiques dans le moule de l’économie rationnelle et moderne.

Il semble aussi que l’ouverture de l’école de pêche soit considérée par les autorités comme un moyen de cadrer la population des gens de mer.
De sa création en 1904 à sa fermeture en 2003, en passant par sa transformation en Ecole d’apprentissage maritime de 1941 à 1944, l’école de pêche de Douarnenez va suivre l’évolution générale de l’enseignement maritime en s’adaptant et en cherchant à « coller » avec plus ou moins de succès aux besoins de la population et aux exigences de la profession.

[1Voir Denis BIGET, L’enseignement professionnel des pêches maritimes en France (1895-2007). Essai d’anthropologie historique, Paris, L’Harmattan, 2009.

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