Gérer la pêche en se basant sur la science : oui, mais laquelle ? Derniers chasseurs ou futurs scientifiques ?

, par  BIGET, Denis, LE SANN Alain

"Il existe différents systèmes de connaissances (savoirs écologiques locaux, sciences naturelles, gouvernance et sciences sociales) qui reposent sur des hypothèses et des observations différentes, mais qui contiennent des informations pertinentes pour comprendre les processus et les changements complexes et interactifs associés à l’évolution des systèmes socio-écologiques...
Chacun d’entre eux est également incomplet, ne permettant pas de dresser un tableau complet à plusieurs échelles...Ces différentes sources d’information peuvent se compléter ..." B. NEIS et alii. Opening the black box : Methods, procedures and challenges in the historical reconstruction of marine socio-ecological systems. 2008

Quand les pêcheurs contestent des mesures de gestion, ils se voient toujours opposer les prescriptions des scientifiques. Nul ne remet en cause la nécessité des analyses scientifiques pour gérer la pêche mais il ne faut pas oublier que celles-ci ne sont pas infaillibles dans un domaine où les incertitudes sont inhérentes à une réalité fluide, mouvante, fluctuante, d’une complexité infinie et très difficile à appréhender. On oublie souvent que le plus célèbre effondrement de stock, celui de la morue au large de Terre-Neuve, est bien sûr lié à une surpêche effrénée mais celle-ci a été largement accompagnée dans les eaux canadiennes par l’attribution de quotas excessifs sur la base des préconisations scientifiques. Depuis longtemps pourtant, les pêcheurs côtiers alertaient sur les risques d’effondrement. Ils avaient perçu les problèmes avant la majorité des scientifiques, parce qu’ils connaissaient mieux qu’eux le cycle de la morue, ses migrations, etc.
Extrait d’une exposition des petits débrouillards.

Les caractéristiques des savoirs des pêcheurs

La pêche constitue un système socio-écologique, un géosystème disent les géographes, dont la gestion ne peut uniquement être basée sur les savoirs écologiques incertains et limités, même s’ils sont indispensables. Les savoirs des pêcheurs doivent être intégrés dans la conception même de la gestion. L’enquête du jeune sociologue anglais Edward Hind, à la base de sa thèse [1], a le mérite de définir ce que sont ces savoirs, issus de l’expérience individuelle et collective. Ils ne sont pas faciles à saisir car ils sont tacites et ils sont au fondement de leurs pratiques quotidiennes. Ils évoluent et s’adaptent en permanence à une réalité mouvante (localisation des poissons) ainsi qu’à l’évolution des techniques, des marchés, des contraintes de gestion, etc. Leurs savoirs sont très différents suivant leurs métiers et c’est d’ailleurs pourquoi il n’est pas simple de changer d’engin de pêche.

Depuis les années 2000, les scientifiques cherchent à intégrer les informations des pêcheurs plus que leurs savoirs. Ils cherchent d’abord à améliorer leurs données quantitatives et sont souvent déçus par les données des pêcheurs, généralement qualitatives. E. Hind a mené son enquête auprès des pêcheurs de la baie de Galway et des îles d’Aran et il était en lien étroit avec les scientifiques de Galway en charge de l’élaboration des études sur l’état des stocks pour le CIEM et l’Union Européenne.

Les chercheurs veulent en particulier des données sur les rejets, puisque la pêche aux langoustines est importante dans le secteur. Ils comptent aussi sur l’efficacité de leurs nouvelles recherches par comptage vidéo des terriers de langoustines, pour évaluer les stocks. Dans la zone d’étude, il y a 200 bateaux côtiers utilisant des engins variés. S’y ajoutent 32 chalutiers ciblant principalement la langoustine, 16 de 12 à 20 m et 16 de plus de 20 mètres travaillant surtout sur le banc de Porcupine.

Malgré l’intérêt de l’exploration vidéo des fonds, les pêcheurs ont des connaissances plus larges, notamment des petits gisements côtiers, non suivis par les scientifiques. L’expérience des pêcheurs permet aussi de comprendre certains problèmes car ils vont au-delà des simples constats pour donner des éléments d’explication ; ainsi, ils constatent une explosion du nombre d’étoiles de mer. En les détruisant, ils ont pu assister à un rebond du stock de langoustines. Ils savent que plus un endroit est pêché, plus il est adapté aux langoustines. Les pêcheurs ont aussi assisté à la quasi-disparition de la morue dès les années 70, ce qui a entraîné un développement des langoustines mais aussi l’accroissement spectaculaire des aiguillats et des raies, en compétition avec les langoustines. Les pêcheurs reconnaissent que cet effondrement des poissons blancs est lié à une surpêche et à l’utilisation de petits maillages qui ont abouti à la destruction des juvéniles et à d’importants rejets : 80 à 90% de poissons trop petits ou sans débouchés. Ils savent que la mortalité naturelle est très variable suivant les zones de pêche alors que les scientifiques appliquent le même taux estimé partout, leur intérêt portant sur de larges zones. Les scientifiques sont surtout intéressés par les espèces sous quotas, gérées dans le cadre de la Politique Commune des pêches. Ils connaissent beaucoup moins, surtout pour les décennies avant 2000, les espèces hors quotas comme les homards. Les pêcheurs ont une meilleure connaissance de ces pêcheries sur une longue période et de manière assez précise (effort de pêche, captures par casier, etc.). Cela ne veut pas dire que les pêcheurs sachent tout, par exemple les scientifiques ont pu leur expliquer l’importance des différences entre langoustines mâles et femelles.

Les pêcheurs et les rejets

E. Hind a pu étudier avec les pêcheurs leur approche du problème des rejets, qu’ils sont souvent réticents à évoquer. Ils reconnaissent que les pratiques de pêche avec petits maillages ont abouti à la destruction des frayères et nurseries de poissons blancs. Cela a favorisé les langoustines au moment où les marchés pour ce crustacé se sont développés sous la forme de scampis (queues de langoustines). Dans les années 80-90, les maillages restaient petits, avec des rejets de 50% de langoustines, mais peu de rejets de poissons (20%). Depuis, les pêcheurs ont adapté leurs maillages et leurs pratiques pour éviter de capturer trop de poissons ou de langoustines juvéniles. Ils ne pêchent plus la nuit. Ils ont ainsi obtenu, depuis 2000, une réduction considérable des rejets et se plaignent que les scientifiques ne reconnaissent pas ces efforts et ces progrès. Il reste surtout des rejets de merlans et 25 à 34% de rejets de petites langoustines.

Stratégies de pêche

E. Hind met en avant l’importance du concept de stratégie de pêche pour comprendre les pratiques des pêcheurs et surtout les raisons de l’adoption de ces pratiques. Comprendre ces raisons est essentiel pour pouvoir les associer à l’élaboration des mesures à mettre en œuvre pour gérer la pêche dans une approche écosystémique. Les mesures de gestion doivent en effet tenir compte des données socio-économiques. Les pêcheurs sont le produit du système socio-économique où ils vivent tout autant que de l’écosystème naturel. Ils doivent tenir compte des ressources, des techniques, des marchés, des législations, des investissements, de la main-d’œuvre disponible, etc. Pour eux, la priorité c’est leur bilan économique et les principales menaces immédiates sont les données économiques comme le prix du poisson et celui du carburant. Dans ce contexte, tous les pêcheurs n’ont pas les mêmes stratégies. Il ne s’agit pas non plus de considérer qu’ils sont tous vertueux. Mais ils n’ont pas pour seul objectif la maximisation du profit et toutes leurs décisions ne sont pas purement rationnelles. Ils réagissent aussi en fonction de leur milieu et de manière très diversifiée face aux risques en mer, aux risques financiers, etc. E. Hind a pu les classer en fonction de leurs choix. Certains, les "pêcheurs pour les volumes", ont voulu maximiser leurs volumes de captures en augmentant leur puissance, en passant aux chaluts jumeaux. Il en résulte un fort endettement et une forte dépendance du marché des langoustines. Beaucoup voudraient revenir à une production moindre. D’autres ont recherché la maximisation de la valeur avec une réduction du temps passé en mer, un endettement moindre, refusant par exemple les chaluts jumeaux qui demandent plus de puissance et dont l’impact sur le fond est plus important. Il y a aussi ceux qu’il appelle les "suiveurs", qui ont suivi les "pêcheurs pour les volumes", mais le regrettent. Ils sont les plus nombreux, près de 75%. Ils critiquent les chaluts jumeaux, les gros apports qui entraînent des chutes de prix. Ils regrettent aussi la focalisation sur les langoustines qui demandent un travail fastidieux d’équeutage. On constate donc que les pêcheurs sont assez lucides et disposés à évoluer.

Le capital social [2] méconnu des pêcheurs

Les scientifiques sont étonnés, suite aux recherches d’E. Hind, que les pêcheurs aient une réelle capacité collective à faire des propositions pour améliorer la durabilité de la pêche. Les scientifiques biologistes, selon E. Hind, sont trop obnubilés par la gestion des stocks et la surpêche, et négligent les données socio-économiques. Si on comprend les contraintes et les visions du futur des pêcheurs, si on reconnait et mobilise leur capital social, les scientifiques peuvent les accompagner vers des pratiques plus durables, en réels partenaires. Les pêcheurs ne comprennent pas la rigidité des mesures de gestion de la PCP qui les obligent, par exemple, à pêcher inutilement et à perte, juste pour conserver leurs droits de pêche. Beaucoup de pêcheurs veulent revenir au chalut simple pour réduire leur impact et leur effort de pêche [3] ; certains voudraient même abandonner la langoustine pour des espèces pélagiques comme le maquereau, mais ils ne peuvent obtenir de quotas. Ils voudraient aussi que soient maintenus des droits historiques non utilisés, pour disposer de plus de flexibilité. Ils souhaitent réduire les rejets, arrêter la pêche le week-end, limiter les casiers, augmenter les maillages, interdire les filets pour les crustacés, notamment la langouste. Ils proposent encore de fermer la pêche aux langoustines en période de frai, créer des labels locaux pour mieux valoriser leur pêche. Ils contestent les subventions et soutiennent les AMP, à condition d’être associés à leur définition. Il est donc possible de partir de ces propositions pour concevoir une réforme de la pêche qui rompe avec l’autoritarisme.

Savoirs des pêcheurs et approche écosystémique

Les savoirs des pêcheurs devraient trouver toute leur place avec le développement de l’approche écosystémique de la gestion des pêches. Les pêcheurs ont une bonne connaissance des écosystèmes et de leur évolution. En décryptant sur une longue durée, depuis les années 60-70, la perception par les pêcheurs de l’évolution des écosystèmes et des espèces, E. Hind montre qu’ils disposent de connaissances parfois meilleures que celles des scientifiques, notamment pour les périodes les plus anciennes où les données de captures sont faibles et peu fiables. Ils connaissent les espèces en déclin, celles qui sont stables et celles qui sont en progression. Ils ont des connaissances sur d’autres espèces que les poissons, comme les étoiles de mer, les méduses, les amphipodes (puces de mer). Ils peuvent localiser avec précision les évolutions. Ils connaissent parfaitement les zones d’importance écologique comme les frayères, les nurseries. Ils identifient les substrats. Ils peuvent aussi identifier les causes des dégradations et des évolutions. Ils reconnaissent majoritairement la surpêche mais identifient aussi d’autres causes externes à la pêche comme la pollution, le réchauffement climatique, les prédations par les phoques. Or ONGE et scientifiques ont du mal à reconnaître l’importance des autres facteurs, mettant toutes les dégradations au compte de la surpêche qui devient une rhétorique. Les pêcheurs ne comprennent pas par exemple l’interdiction de la pêche au saumon alors que ceux-ci sont dévorés en masse par des colonies de phoques de plus en plus nombreux. Cette incompréhension entre les pêcheurs et les scientifiques, et souvent les ONGE qui s’appuient sur les scientifiques, a amené les pêcheurs de la baie de Galway à rompre temporairement leur collaboration avec eux. Par contre, ils reconnaissent l’importance d’une collaboration avec les chercheurs en sciences humaines.

Les obstacles à la reconnaissance des savoirs des pêcheurs

Certains analystes vont très loin dans la critique de la gestion par les scientifiques. Ils contestent tout d’abord l’idée d’une gestion de la nature qui ne serait qu’une illusion. Ils remarquent aussi que les scientifiques dérivent vers un néopositivisme et se voient de fait attribuer des pouvoirs qui permettent d’imposer autoritairement des décisions sans réelle participation des premiers concernés. On peut penser ainsi à l’interdiction des rejets ou à l’obligation absolue d’atteindre le RMD en 2020, comme si la nature pouvait répondre aux injonctions des décideurs. E. Hind ne va pas jusqu’à remettre en question l’intérêt d’une approche biologique de la gestion. L’expérience montre d’ailleurs que les pêcheurs savent le reconnaître quand ils sont réellement associés au processus de décision. Mais force est de constater que, malgré la reconnaissance théorique de l’intérêt d’intégrer les savoirs des pêcheurs, les progrès restent très limités car l’approche biologique fondée sur le RMD, et donc les données quantitatives, reste à la base des décisions de gestion. Or les pêcheurs ne peuvent guère fournir de données suffisamment précises sur la base de leurs savoirs, en dehors des informations sur leurs captures. Travailler sur leurs savoirs prend du temps, d’autant plus que les pratiques des pêcheurs, suivant leur métier, sont très diversifiées et que leur représentation est difficile. Le pouvoir politique a donc de fait confié le pouvoir de proposition et de décision aux biologistes. Ainsi, "avec la montée du néopositivisme, l’idéal démocratique a commencé à disparaître. En particulier dans le domaine de l’environnement, les experts technocratiques sont devenus les conseillers de facto des gouvernements occidentaux sur les questions d’intérêt public." [4] Ces derniers se retrouvent dans diverses institutions et même dans les ONGE. Les pêcheurs peuvent parfois bénéficier de quelques ouvertures mais on est encore loin d’une véritable intégration de leurs savoirs dans les processus d’élaboration des décisions, sauf lorsqu’ils prennent eux-mêmes en main la gestion de certaines ressources côtières qui ne sont pas concernées par la PCP [5]. Ils sont consultés, certes, ils doivent donner leur avis dans les Comités consultatifs mais en fin de compte, ils ne participent pas, ou rarement, au processus d’élaboration des propositions. Le pouvoir de décision reste entre les mains des politiques qui s’appuient sur les biologistes et, de plus en plus, sur les ONGE mobilisant l’opinion du grand public. Des chercheurs n’hésitent pas à écrire que "l’approche par catapulte reste dominante dans les interactions entre le gouvernement (britannique) et les pêcheurs" [6]. Au niveau européen, l’objectif est désormais un écosystème naturel durable plus qu’une pêche durable. Au niveau international, c’est encore pire, les pêcheurs sont au mieux des observateurs [7]. Il suffit de considérer la place qui leur est aujourd’hui donnée dans les grandes conférences sur le climat, les océans, la biodiversité. Pour E. Hind :"Les savoirs des pêcheurs ne sont pas uniquement négligés par les scientifiques à la pointe de la recherche halieutique, mais également par d’éminents décideurs et organismes de gouvernance." [8]

Des ouvertures possibles

E. Hind était intégré dans un institut de recherche scientifique constitué essentiellement de biologistes. Il a pu mesurer toutes les difficultés pour se faire entendre, combien plus encore pour les pêcheurs. Toutefois, il constate des signes d’évolution au sein du CIEM, où il a pu publier des articles. Au sein même des ONGE, certaines sont ouvertes à l’écoute des pêcheurs. Ainsi, une recherche récente sur l’impact du développement des colonies de phoques et de cormorans en Mer Baltique a été menée avec l’appui d’une ONGE. L’enquête auprès de 250 pêcheurs a permis de montrer qu’ils subissaient des pertes considérables au point de menacer leur activité [9]. Cela change des rhétoriques permanentes sur la surpêche et confirme ce que disent les pêcheurs de la baie de Galway. Les savoirs des pêcheurs sont mieux reconnus dans les pêches des pays du Sud, mais au Canada, en Australie, des études se multiplient sur les savoirs des pêcheurs. Les spécialistes de sciences humaines doivent aussi participer au décloisonnement des études scientifiques, entre sciences biologiques et sciences humaines. L’un des initiateurs des recherches sur les savoirs des pêcheurs a fait la proposition suivante, à la fois modeste et révolutionnaire : "Johannes a proposé́ de remplacer l’objectif de gestion halieutique en substituant la prévention de la surpêche, théoriquement moins élégante, et moins rigoureuse sur le plan quantitatif, au rendement optimal constant (OSY) et au rendement maximal constant (MSY)." [10] Le débat est ouvert.

Alain Le Sann, Mars 2020

Commentaire à partir du texte d’Alain Le Sann par Denis Biget

Ces choses-là sont rudes,
Il faut, pour les comprendre
Avoir fait des études. Victor Hugo

La thèse de Edward Hind, remarquablement résumée par Alain Le Sann, le montre bien : comme les savoirs paysans ou plus généralement les savoirs populaires, les savoirs mis en œuvre par les marins-pêcheurs sont encore trop souvent ignorés, voire méprisés. En dépit du retournement effectué au XVIIème siècle en Europe et d’un changement de la perception des connaissances à partir de 1750 (grâce notamment à l’entreprise balbutiante de la société des Observateurs de l’homme), les savoirs populaires, artisans, marins, paysans, etc. reconnus pourtant comme quasi semblables aux savoirs savants, demeurent des savoirs de second ordre. Pour les savants, ils se manifestent dans un langage et un lexique spécialisé. Ils considèrent que le savoir empirique ou traditionnel est incapable de généralisation et qu’il provient d’une « pensée sauvage ». Savoirs paysans et maritimes représentent un savoir déclassé car naturel, hérité par tradition et par mimétisme, un mode de connaissance routinier, naïf et donc faux. Il paraît inconcevable pour de nombreux savants – et pour une partie de l’opinion publique – qu’un pêcheur connaisse mieux la mer et ses ressources qu’un scientifique. Vers 1912, alors que les écoles de pêche sont en plein essor, le professeur Thoulet, océanographe, disait que pour l’étude, pour l’exploitation rationnelle de la mer, « viennent d’abord les océanographes, après les zoologistes et, en dernier lieu, les pêcheurs. » Ce grand partage entre savoirs savants et savoirs empiriques s’illustre encore presque chaque jour et la scène des activités halieutiques le montre en plusieurs endroits du globe, malgré une volonté croissante de prise en compte des savoirs des pêcheurs et une affirmation de la nécessité d’en faire des partenaires de la gestion des pêches.
Pour subvenir à leurs besoins et à ceux de la population, les pêcheurs mettent en œuvre des savoirs empiriques, fonctionnels et immédiatement utilisables. Ces connaissances naissent de l’action et de la pratique quotidienne, réactualisée à chaque instant et complémentaire de la formation reçue dans les lycées maritimes. Certes, ce ne sont pas des savoirs scientifiques et théoriques. Nonobstant, ils enrichissent la connaissance scientifique et la pratique et s’enrichissent continuellement dans l’acte de faire où la pensée est présente en permanence. Comme l’a bien montré Gérard Vergnaud, chercheur au CNRS, il y a autant de conceptualisation dans l’action et la pratique que dans la pensée philosophique ou le travail scientifique : « Au commencement n’est pas le verbe, encore moins la théorie. Au début est l’action, ou mieux encore l’activité adaptative d’un être dans son environnement. C’est par l’action que commence la pensée : plus exactement et plus complètement par l’action, la prise d’information sur l’environnement, le contrôle des effets de l’action, et la révision éventuelle de l’organisation de la conduite. »

Denis Biget, Anthropologue, chercheur associé à l’Université de Bretagne occidentale, Brest. Chargé du cours Anthropologie maritime.

[1Edward Jeremy HIND. Last of the hunters or the next scientists ? Arguments for and against the inclusion of fishers and their knowledge in mainstream fisheries management. NUI Galway, 2012, 347 p http://hdl.handle.net/10379/3022

[2Le capital social, au sens sociologique, regroupe l’ensemble des ressources, provenant d’un réseau de relations, que peuvent mobiliser des individus ou des familles.

[3En Bretagne, en 2001, un jeune pêcheur, Dominique Faou déclare dans Le Marin :" Avec le chalut jumeau, on prend beaucoup de rejets ; j’ai cherché à en réduire l’usage au maximum. Il a chuté de moitié, voire davantage. Et le poisson capturé est plus gros, la langoustine de moins de 8,5 cm n’atteint pas 10% des captures...", cité in Alain Le Sann, Les pêcheurs, la terre et la mer : droits et pouvoirs. Économie & Humanisme, N° 358 octobre-novembre 2001

[4E. HIND : p 41 avec référence à Fischer F [2000]. Citizens, experts and the environment : the politics of local knowledge. Durham, USA and London, UK : Duke University Press.

[5A. LE SANN. En Baie de Quiberon, le jardin des Saint Jacques. https://peche-dev.org/spip.php?article258

[6J. ANBLEYTH-EVANS, S. NOZAKI LACY. Feedback between fisher local knowledge and scientific epistemologies in England : building bridges for biodiversity conservation. Maritimes Studies, février 2019, https://doi.org/10.1007/s40152-019-00136-3

[7La FAO fait exception en intégrant régulièrement des représentants des organisations de pêcheurs dans des ateliers et conférences. cf les directives volontaires pour la pêche artisanale.

[8E. J. HIND . L’étude des savoirs des pêcheurs aujourd’hui, hier et demain : une gageure pour le courant classique des sciences halieutiques. Ressources marines et traditions, Bulletin d’information de la CPS n°34 – Mars 2015

[9K. SVELS et alii. The impacts of seals and cormorants experienced by Baltic Sea commercial fishers. Luke, Finlande, 2019, 49 p.

[10Kenneth RUDDLE. Introduction aux œuvres complètes de R.E. Johannes, publications concernant les savoirs traditionnels et la gestion des ressources marines. Ressources marines et traditions, Bulletin de la CPS n°23 – Décembre 2008

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