Communiqué des professionnels de la pêche artisanale en réaction à la venue de bateaux de pêche chinois au Sénégal

Les organisations professionnelles de pêche artisanale du Sénégal ci-après : le CONIPAS, l’UNAPAS, le Réseau National des CLPA, le Réseau national des quais de pêche, le REFEPAS, l’UNAMS, le SYNAPS et toutes les organisations à la base qui composent ces dits entités ont appris, avec indignation et inquiétude, à travers la presse et les réseaux sociaux, les échanges de courriers entre le Ministère des Pêches et de l’Economie maritime et le GAIPES (Groupement des Armateurs,
Industriels Exportateurs du Sénégal), en lien avec des promesses de licences de pêche industrielleet/ou de « Sénégalisation » de 56 navires majoritairement chinois pour 12 dossiers soumis à la Commission Consultative d’Attribution des Licences de Pêche (CCALP).

Bateaux chinois aux abords du port de Dakar, Photo Lamine Niasse
En effet, le Directeur des Pêches maritimes, par lettre N° 0475 du 08 avril 2020, s’adresse aux membres de la Commission Consultative d’attribution de licences de pêche dont il est le Président, pour leur demander de donner leurs avis dans une session à distance pour donner des avis motivés sur les différentes demandes soumises à la commission. Cette demande de consultance à distance a donné
lieu à une lettre ouverte du GAIPES à l’attention de Monsieur le Ministre des Pêches et de l’Economie maritime, suivie dans un premier temps de la réponse de Monsieur le Directeur des Pêches maritimes par mail et ensuite d’un communiqué de presse du Ministère des pêches et de l’économie maritime.

Considérant ce qui précède, nous professionnels de la pêche artisanale du Sénégal, sommes bien fondés pour croire avec désarroi et amertume que, pendant que le Sénégal prend des mesures pour lutter contre la pandémie du COVID 19 et appelle à la solidarité nationale, des bateaux chinois sont en route pour venir piller le peu qui nous reste de nos ressources halieutiques et nous plonger davantage dans la pauvreté.

Ceci est corroboré par une information relayée par le Secrétariat Permanent de la Commission Sous Régionale des Pêches (CSRP) le 7 avril 2020, dans sa page facebook, publiée par le site INTELLIVORE.NET «  faisant état de la venue de 6 nouveaux navires chinois à destination du Sénégal et de la Guinée-Bissau pour du thon et des crevettes » [1] .

C’est pourquoi, les professionnels de la pêche artisanale voudraient attirer l’attention du Ministère des Pêches et de l’Économie maritime, du Gouvernement du Sénégal et de toute l’opinion publique nationale et internationale sur les impacts négatifs que la venue de ces navires va entrainer dans le secteur de la pêche artisanale notamment.

Pour rappel, l’État du Sénégal a gelé la délivrance des licences de pêche démersale côtière depuis 2006 par Arrêté n°5166 du 08 Aout 2006. A cela s’ajoute le gel de l’immatriculation des nouvelles pirogues artisanales par arrêté n°6397 du 29 Aout 2012. Toutes ces mesures visent la réduction de l’effort de pêche qui a été jugé trop important Sur le même registre, la recherche à travers le CRODT a confirmé l’état de surexploitation des principales ressources exploitées au Sénégal [2] .

Cependant, depuis 2019 nous constatons des actes incohérents de la part des Autorités des pêches qui violent les lois et les règlements en vigueur au Sénégal (notamment la loi 2015/018 portant Code de la Pêche maritime et son Décret d’application n°2016-1804) comme, par exemple, l’octroi de licences de
pêche à des navires chinois.

Les effets cumulés de la surexploitation des ressources, du nombre élevé de bateaux et de l’exploration du pétrole et du gaz ont contribué à confiner davantage les pêcheurs artisanaux dans des zones de pêche peu productives et expliquent pourquoi les pêcheurs sont obligés d’aller chercher des licences dans les pays limitrophes afin de pouvoir continuer à pêcher et à subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles ; et cela curieusement au moment où la moitié de l’humanité est confiné pour cause de Coronavirus.

Cette situation est inconcevable et ne sera pas tolérée par le secteur de la pêche artisanale. En outre, pendant que la pêche artisanale n’est plus autorisée à augmenter sa capacité de pêche à cause du gel de l’immatriculation, nous constatons que le nombre de bateaux de pêche industrielle autorisés à pêcher dans les eaux sous juridiction sénégalaise augmente sans cesse passant de 80 bateaux environ en 2012 à 164 en 2019. (cf :listing des navires autorisés à pêcher au Sénégal 2019). Qu’est-ce-que les pirogues de pêche artisanale ont de plus nocifs que les bateaux de pêche industrielle ?

Nous disons non à la venue de navires de pêche étrangers au Sénégal qu’importe la nationalité. Nous sommes prêts à mener toutes les actions nécessaires dans le respect des lois et des règlements, pour que de nouveaux bateaux ne pêchent dans les eaux Sénégalaises.

Enfin les professionnels de la pêche artisanale sont défavorables à la délivrance de licences de pêche qui ciblent des stocks de ressources halieutiques pleinement exploitées ou surexploitées. Nous sommes aussi opposés à toutes formes de tenter la sénégalisation de navires Chinois ou d’un autre pays par l’utilisation de quelques dispositifs que ce soit. La surexploitation des ressources halieutiques Sénégalaises devrait pousser l’État à réduire la capacité de pêche et l’ajuster au potentiel exploitable dans une perspective de meilleure gestion.

Nous invitons Monsieur le Président de la République à prêter une attention particulière à cette affaire de délivrance de licences de pêche et de sénégalisation de navires étrangers.

Ce communiqué conjoint est signé par :
• Le CONIPAS ;
• L’UNAPAS ;
• Le Réseau national des CLPA ;
• Le Réseau des quais de pêche ;
• Le REFEPAS ;
• L’UNAMS ;
• Le SYNAPS.

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