La Convention Citoyenne demande-t-elle la fin de la pêche ?

, par  Collectif Pêche et Développement

Communiqué du Collectif Pêche & Développement
3 juillet 2020

Il n’y avait certainement pas de pêcheur dans le panel de citoyens tirés au sort. Auraient-ils cautionné des propositions qui, implicitement, s’orientent vers la fin de la pêche ? (vérification faite, aucun pêcheur n’a été auditionné, seulement deux représentants d’ONG intéressés plus particulièrement par la pêche, Bloom et WWF)

Des évidences
Il y a dans l’objectif "Se nourrir : inciter au développement d’une pêche durable à faible émission", une série de propositions évidentes : fin de la surpêche, amélioration des connaissances, atteinte du RMD, protection des baleines, décarbonation. Cependant certaines analyses et préconisations sont très ambigües.

La pêche en accusation
La pêche est considérée comme une des sources principales des perturbations des écosystèmes marins. Curieusement d’autres sources majeures de perturbations sont totalement passées sous silence. On sait que les perturbations des relations terre-mer affaiblissent les capacités productives des milieux marins et que les pollutions d’origine terrestre ont un impact considérable sur la qualité des eaux et la pérennité d’activités comme la pêche à pied, la pêche côtière ou la conchyliculture. (cf https://peche-dev.org/spip.php?article308 Pourquoi les sardines raffolent des châtaignes.) Par ailleurs le développement des extractions de sables et granulats, les travaux pour les éoliennes perturbent de plus en plus les fonds marins, mais cela n’est pas évoqué.

Vers une fin de la pêche ?
Il s’agit d’abord de la limiter mais la Convention propose "d’éviter de pêcher les poissons dans leur milieu naturel". Cela est précisé et confirmé : "Nous souhaitons modifier nos voies d’accès à la ressource halieutique, notamment en développant les fermes aquacoles raisonnées respectueuses de l’environnement et de la santé". Un modèle d’aquaculture intégrée est évoqué. Implicitement, il s’agit donc d’aller vers une fin de la pêche au bénéfice d’une aquaculture intégrée en eaux douces et marines. De telles initiatives sont à soutenir et à encourager. Elles sont encore largement expérimentales et ne peuvent prétendre remplacer la pêche. Il s’agit là du vieux fantasme du remplacement de la pêche par l’aquaculture.

Décarboner oui, mais comment ?
En attendant ce miracle ou ce mirage, la Convention recommande de soutenir les pêcheurs pour renouveler les navires, les moderniser et réduire les consommations. Les pêcheurs ne peuvent que s’en réjouir et ils sont bien conscients de cette nécessité, mais "passer de bateaux thermiques à des bateaux propulsés par des énergies vertes" reste encore une perspective peu réaliste dans un proche avenir. Beaucoup d’essais ont été réalisés mais n’ont pas encore fait leur preuve. C’est encore plus compliqué en mer qu’à terre. Il ne faut pas oublier que les pêcheurs vont sans doute être obligés de céder des zones de pêche très productives pour le développement des champs éoliens, n’est-ce pas déjà de leur part une contribution considérable à la lutte contre le changement climatique ?

La pêche est globalement peu impactante
On peut aussi rappeler que la pêche permet de fournir des protéines de qualité pour un coût environnemental bien plus faible que l’élevage. On peut bien sûr le réduire encore, mais peut-on placer sur le même plan les bateaux de pêche et les bateaux de plaisance motorisés ? Ne faudrait-il pas en priorité mettre un coup d’arrêt au développement d’une plaisance avec une motorisation surpuissante, polluante et bruyante ? N’oublions pas que ces bruits sont un grand facteur de perturbation pour les poissons comme l’a montré la crise du Covid.

Une fois de plus, tend à s’imposer une vision très négative de la pêche portée par des personnes sans lien avec la culture maritime et les réalités de la pêche. Les pêcheurs ne sont pas un problème, mais une part de la solution, comme le prouve leur engagement pour sauver et gérer des espèces emblématiques comme la langouste rouge européenne, la langoustine, la coquille Saint-Jacques, etc.

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