Le thon va mieux, et demain ?

, par  GUERIN Benoît

Mardi 22 juillet. Les scientifiques de l’ICCAT ont achevé l’évaluation de la population de thon rouge de l’Est qui confirme l’amélioration continue de cette ressource, malgré des incertitudes.

Pour les thoniers senneurs méditerranéens la saison a encore une fois été courte, ayant capturé leurs quotas (de 140 à 380 t par bateau) en quelques jours seulement. Pour les palangriers la saison continue. Tous les pêcheurs sont aujourd’hui unanimes pour reconnaître une récupération de la ressource avec des signalements de poissons de plus en plus gros (jusqu’à 300kg et au-delà). Cette pêche réjouit les gourmets du monde entier : des grandes tables japonaises aux consommateurs du littoral venant acheter auprès de leur pêcheur quelques tranches de ce thon géant.

Il n’y a plus de surpêche

Au bord de l’effondrement en 2006 alors que les quotas étaient constamment dépassés par les navires de pêche opérant autour de la Méditerranée, le stock de thon rouge de l’Est s’est rétabli depuis grâce à une réduction importante de la flotte et de l’effort de pêche, grâce à un contrôle et un respect accru des règles. Dans leur dernière évaluation, les scientifiques confirment qu’il n’y a plus de surpêche du stock.

Sous la pression de l’opinion publique, les gestionnaires ont été poussés à prendre des mesures draconiennes. Le tribut payé par la filière a été lourd. Il est temps de profiter de la situation actuelle pour fixer des objectifs à long terme qui permettront de stabiliser les captures, les marchés et garantiront que nous ne revivrons jamais la même crise. Une telle initiative a un nom dans la gestion moderne de la pêche : la stratégie d’exploitation (ou Harvest Strategy en anglais).

Stratégies d’exploitation : vers une gestion proactive

Établies grâce à une collaboration étroite entre les pêcheurs, les autres parties prenantes, les scientifiques et les gestionnaires, fondées sur l’intelligence collective, les stratégies d’exploitation fixent des objectifs à long terme pour la pêche au travers de règles prédéfinies. Au lieu de prendre des décisions en se concentrant sur des résultats à court terme, les parties prenantes établissent des règles qui s’appliqueront en fonction de l’état de la ressource et passent ainsi d’une gestion réactive à une gestion proactive des ressources halieutiques.

Ce processus repose sur l’instauration d’un climat de confiance entre les parties prenantes. Il met le secteur de la pêche dans une position où il est responsable de la préservation des ressources marines dont il dépend directement. Il permet aux scientifiques d’examiner attentivement les différents facteurs qui influencent le stock/la pêche et de déterminer les effets probables des différentes approches de gestion à l’avenir. Enfin, il invite les gestionnaires à se tourner vers l’avenir et l’intérêt général, à trouver un équilibre entre l’exploitation des ressources et leur préservation qui répondent à la fois aux attentes des pêcheurs et aux objectifs environnementaux.

En France, deux pêcheries de thon sont concernées par ce principe. Le germon du nord - un stock récemment reconstitué - est déjà géré par une stratégie d’exploitation et la règle de prélèvement adoptée devrait garantir la pérennité du stock tout en permettant une augmentation des captures. Le thon rouge de l’Est (qui est capturé à la fois en Méditerranée et dans l’Atlantique) pourrait suivre la même voie. Ces ressources sont toutes deux gérées par la CICTA où la Commission Européenne représente les intérêts des États membres européens.

Le gouvernement français peut jouer un rôle de premier plan pour faire avancer le développement de la stratégie de capture pour le thon rouge de l’Est et la mise en œuvre de cette stratégie pour le germon du Nord.

Le secteur de la pêche s’est métamorphosé et s’oriente vers des activités rentables et sûres. Le grand public ne veut pas assister à une nouvelle crise des ressources naturelles.
Il est temps que les gestionnaires prennent leurs responsabilités et soutiennent une gestion moderne de la pêche, maintenant et pour l’avenir.
Il est temps d’écrire une nouvelle page de la gestion des pêches.

Benoit Guérin,
Pêcheur au petit métier dans le Var
Consultant et vice-président du CDPMEM du Var
Membre de la commission thon rouge et espadon du CNPMEM

Navigation