L’implication des pêcheurs dans les différents outils de gestion et de protection de la bande côtière Le Parc National Marin d’Iroise, PMNI, un territoire pilote

, par  LE LAY Emma

Dans le contexte actuel, les acteurs de la pêche professionnelle et leurs représentants mettent un point d’honneur à s’impliquer dans les outils de gestion et de protection de la bande côtière afin de garder la main sur leur activité. L’étude sur le PMNI est un beau cas d’école.

Le parc marin d’Iroise, premier parc naturel marin créé en France en 2007, s’étend à la pointe du Finistère sur 350 000 hectares. Malgré une mise en place conflictuelle, celui-ci permet aujourd’hui de concilier les multiples usages de la mer d’Iroise dans un objectif de développement durable.

Chiffres clés 2020 (source : Rapport d’activités PNMI, 2020)

A.La création d’un nouvel instrument de gestion

La création du PNMI, premier de son genre en France, a nécessité de longues années de négociations face aux réticences des acteurs locaux, depuis l’idée de créer un parc en 1990 jusqu’à sa mise en place en 2007.

1. Une mise en place conflictuelle

La mer d’Iroise rassemble de nombreuses richesses naturelles, étant traversée par le courant froid et puissant Fromveur très favorable au développement de la biodiversité marine : plus grand champ d’algues marines d’Europe, crustacés, poissons, mammifères marins, espèces d’oiseaux protégées... (figure 16) Ce territoire marin accueille également un large panel d’activités humaines et économiques, comme la pêche professionnelle, la plaisance, le tourisme…

Face à la pression anthropique, il est apparu nécessaire de préserver cet environnement exceptionnel. L’association Bretagne Vivante, auparavant Société pour l’étude et la protection de la nature en Bretagne (SEPNB), est alors précurseur dans ce domaine. SEPNB était en effet gestionnaire d’une réserve dans
l’archipel de Molène dès 1976, classée Réserve naturelle nationale en 1992. A cela s’ajoute une réserve de biosphère, aujourd’hui dans le périmètre du PNMI, reconnue par l’UNESCO en 1988 et inaugurée en 1989. C’est le déclencheur d’un processus de préservation de la mer d’Iroise, associé à une prise de conscience quant à l’impact des activités de l’Homme sur le milieu naturel (VAN TILBEURGH, 2007). La réserve naturelle nationale est cependant gérée par le PNMI aujourd’hui, suite à des mésententes avec Bretagne Vivante

.

La mise en place du PNMI rencontre cependant de fortes oppositions de la part de la population locale, ce qui explique les 17 ans de négociations. L’idée de création d’un parc apparaît en 1990, date à laquelle deux outils existent : le parc national et le parc naturel régional. Une proposition de parc national a été enclenchée, mais cet outil déplait fortement car il est jugé inadapté au milieu marin et n’implique pas les acteurs du territoire : « sa mise en place vient d’en haut au départ », décidée par les services de l’Etat. Face à cette démarche descendante s’enclenchent de vives négociations afin de donner une place aux acteurs locaux dans l’instance de gouvernance, aujourd’hui le Conseil de gestion. Par ailleurs, les oppositions sont liées aux représentations des parcs et des réserves de la population française. L’outil parc national était en effet vu comme interdisant toujours les mêmes usages sans s’adapter aux conditions locales. La population locale s’oppose au décret de création du parc car celui-ci contient des zones sanctuarisées et signe une forte présence de l’Etat ; cela sonnait comme une « perte de liberté ».
Le Parc Naturel Régional (PNR) d’Armorique étant situé à la pointe du Finistère sur l’espace terrestre, une autre option consistait à étendre le PNR sur l’espace maritime. Cette proposition ne convient pas non plus aux acteurs maritimes locaux car il s’agit d’étendre une politique terrestre à la mer, ce qui ne correspond pas aux enjeux et à la réalité du terrain. Armand QUENTEL précise en effet : « La terre allait gérer la mer » alors que « l’Iroise est un territoire en soi ».

La mise en place d’une zone protégée aussi vaste en mer d’Iroise effraie les différents acteurs, notamment car « on ne savait pas à quoi s’attendre ». Les pêcheurs professionnels avaient peur des contraintes sur leur métier et de perdre la gestion des pêches au profit de structures qu’ils ne connaissent pas. A noter que les métiers de pêche professionnelle sont nombreux dans le PNMI : ligneurs, bolincheurs, fileyeurs, palangriers, sardiniers… L’ancien président du Comité Local de Douarnenez était d’ailleurs contre ce projet ; le président suivant, Bruno CLAQUIN, ancien patron pêcheur, décide donc au départ de garder la même position. « Une partie des pêcheurs, notamment les Conquetois, » s’y opposent également , mais la situation fut conflictuelle en particulier avec les plaisanciers .

Pour sortir de cette situation, la création d’un nouvel outil est inévitable : le parc naturel marin. En effet, « l’Iroise est un territoire en soi », ce qui justifie qu’elle ait ses dispositifs de gestion par les gens qui « vivent de, par et sur cette mer-là » . Le PNMI instaure alors un format de gouvernance particulier avec un conseil de gestion représentatif des acteurs locaux qui prend les décisions et l’OFB qui est en charge du contrôle de la sanction. Malgré des tensions apaisées, le périmètre du PNMI fait débat et la question se pose : quel est le bon format pour discuter ?). Ainsi, le PNMI n’inclut pas la rade de Brest, dans laquelle un nombre élevé d’acteurs travaillent, notamment l’armée. Les communes de la pointe du Raz refusent également de faire partie du projet, laissant une bande de 300 mètres en dehors du périmètre du parc. « Dans le cap Sizun, les gens imaginaient quelque chose de parqué où on ne peut plus pêcher ou fumer. » Malgré des tentatives de rattachement, le périmètre n’a toujours pas évolué, ce qui n’a pas forcément de sens d’un point de vue écologique . L’extension du parc poserait également la question des moyens financiers et des jeux politiques.

2. Eviter la « politique de la chaise vide » de la part des pêcheurs

Malgré l’opposition des pêcheurs professionnels à la création d’un parc en Iroise aux prémices du projet, ils ont décidé avec leurs représentants de « jouer le jeu » quand ils ont compris que le parc allait se faire avec ou sans eux : « on ne peut pas jouer la politique de la chaise vide ». L’opposition des représentants des pêcheurs au premier projet de parc national en mer d’Iroise, ancêtre du PNMI, témoigne de leur volonté de faire partie des processus de négociation sur l’espace marin ; ils ne veulent pas laisser les scientifiques décider seuls des normes de protection de la nature au détriment des marins-pêcheurs. S’impliquer dans la gestion intégrée de la bande côtière permet aux pêcheurs de lutter contre l’exclusion de leur activité.

Les représentants des pêcheurs, y compris le président du Comité Local de Douarnenez, se sont alors intégrés dans les discussions du parc. Les pêcheurs ont adhéré à ce nouvel outil « à condition qu’il ne soit pas là pour interdire des choses » , car la pêcherie est déjà gérée par les comités régionaux et départementaux à travers les licences par exemple. Bruno CLAQUIN se rappelle d’ailleurs la première réunion avec enthousiasme, celle-ci regroupant des écologistes, des pêcheurs professionnels, des pêcheurs plaisanciers, des pêcheurs sous-marins, etc. Le manque de communication sur ces premières réunions a probablement fait défaut au processus d’acceptation du parc.

Tous les acteurs locaux se sont battus pour leur implication. Il n’était pas question de créer un parc par une approche uniquement descendante. Ce sentiment est partagé par les APNE, qui souhaitent apporter leur expertise naturaliste au conseil de gestion. Eaux et Rivières de Bretagne et Bretagne Vivante travaillent donc main dans la main au conseil de gestion, cette dernière représentant historiquement les APNE au niveau du bureau du parc. Certains pêcheurs étaient au départ réticents à l’idée de discuter avec les associations environnementales, principalement par inquiétude et incompréhension. Le format du conseil de gestion est cependant fait de manière que personne n’ait le dessus et qu’une réelle discussion soit engagée, ce qui a rassuré les pêcheurs.

Il ressort des entretiens que l’instauration du PNMI ne semble pas avoir modifier beaucoup les pratiques des pêcheurs professionnels. Ils ont dû embarquer des observateurs du parc, mais comme ils le faisaient déjà avec l’Ifremer ou l’Union littorale des affaires maritimes (ULAM). Des réglementations existaient également en Bretagne avec des zones et des licences bien définies, et ce, avant la mise en place du parc. Celui-ci s’est donc mis en conformité avec ce que faisaient les comités locaux et le comité régional. Par ailleurs, les comités ont été très vite proactifs dans la création du parc pour défendre leurs intérêts. Il s’agissait aussi d’une opportunité pour protéger cette zone vis-à-vis des bateaux de pêche venant du sud et de la Manche

De plus, l’adhésion des pêcheurs au parc est liée aux équipes du parc, qui ont une sensibilité pêche et avec qui la discussion est possible dans le respect de la profession. Les représentants des pêcheurs ont par ailleurs obtenu que 4 des 10 orientations du plan de gestion du parc concernent la pêche, à savoir : le soutien de la pêche côtière professionnelle, l’exploitation durable des champs d’algues, le soutien aux activités maritimes sur les îles afin d’y maintenir une population d’habitants permanents et l’exploitation durable des ressources halieutiques (annexe 2).

B. Un fonctionnement élaboré et inclusif

Le Parc marin d’Iroise est une des aires marines protégées les plus élaborées, avec un mode de gouvernance inclusif et des partenariats avec les pêcheurs professionnels.

1. Un pouvoir décisionnel par le Conseil de gestion

La particularité d’un parc marin repose dans son organe de gouvernance unique parmi les aires marines protégées : le Conseil de gestion. Celui-ci se rapproche du Conseil maritime de façade mais s’avère plus inclusif en termes de représentations . Cet organe de type grenellien permet une représentation équilibrée des 5 collèges : l’Etat, les élus, les activités professionnelles, les syndicats et les ONG de protection de l’environnement. La pêche professionnelle y est donc représentée de manière significative et proportionnelle parmi les 49 membres du conseil, au même titre que les agriculteurs, les écologistes, les élus, les scientifiques, etc. Le PNMI dispose également de moyens lui permettant d’acquérir des connaissances, d’effectuer un suivi et une promotion des pratiques. Il s’agit de préserver l’environnement dans une logique de développement durable, ce qui signifie également un soutien aux entreprises, une mise en valeur du patrimoine naturel et culturel, etc. Cela permet de « regarder le territoire dans son intégralité » et offre une « autre vision de la gestion de l’environnement ».

Les décisions sur la pêche émanent généralement du comité régional avant d’être soumises à un avis du Conseil de gestion, puis validées par arrêté préfectoral le cas échéant. Le niveau de capacité de décision d’un parc naturel marin est bien plus important qu’un site Natura 2000 et permet une meilleure implication des pêcheurs selon le CDPMEM du Finistère. Le PNMI peut en effet prendre des décisions propres par un système de vote et les acteurs locaux sont consultés. Ils élaborent ensemble les actions à prioriser et les pistes de travail. Il s’agit surtout d’une échelle temporelle maîtrisée, qui permet de prendre le temps de réunir les pêcheurs et de les concerter. Ceux-ci peuvent ainsi être impliqués dans la mise en place de protocoles et dans l’acquisition de connaissances quand cela est nécessaire. La gestion de la langouste rouge en Iroise ou des champs d’algues en sont deux exemples emblématiques. Pour les pêcheurs, le PNMI est contraignant dans le sens où un avis conforme est nécessaire pour créer une nouvelle activité ou un nouveau métier ou encore pour augmenter l’effort de pêche, c’est-à-dire le nombre de licences .

L’implication de tous les acteurs est cependant à nuancer d’après les associations environnementales interrogées, qui ne la trouvent pas toujours suffisante. Ainsi, France Nature Environnement déclare avoir une représentation entre 5 et 10% des voix dans ce type de structures, signifiant que « les représentants de l’environnement au sens strict sont ultra minoritaires », avant de préciser tout de même que cela peut permettre de « faire avancer des positions et des actions pour renforcer la protection sur les espaces et les espèces ». Eaux et Rivières de Bretagne, qui possède un siège au conseil de gestion du PNMI, trouve cependant cet outil intéressant grâce à une gouvernance locale et la possibilité d’émettre un avis conforme. Cette même association pointe cependant parfois un manque de concertation avec les APNE en amont du conseil de gestion : « Dans la gouvernance, il faut qu’on soit associé le plus tôt possible, pas au dernier moment », et ce, dès la préparation des protocoles scientifiques.

Plusieurs outils de planification spatiale et de préservation de l’environnement sont présents au sein du PNMI, chacun ayant une fonction particulière répondant à un sujet. La réserve naturelle nationale permet par exemple la protection des oiseaux tandis que le cantonnement de l’île de Sein est un outil de protection et de préservation d’une ressource halieutique. En parallèle du Conseil de gestion, des points plus techniques sont effectués avec les experts en charge de la gestion de chaque outil. A noter que le Parc marin d’Iroise fait office de Comité de pilotage (Copil) des sites Natura 2000 présents dans son périmètre.

Par ailleurs, le Conseil de gestion du PNMI dispose d’un outil jugé particulièrement intéressant lors des entretiens : l’avis conforme. Le parc peut en effet émettre un avis simple, qui est une recommandation, ou un avis conforme qui doit être suivi. Un avis conforme avait été par exemple prononcé à la demande de comités locaux pour trancher un conflit entre ligneurs, fileyeurs et bolincheurs, car les discussions entre les pêcheurs n’aboutissaient à aucune solution. Le parc a donc envoyé des observateurs sur les bateaux de manière ponctuelle pendant un an afin d’élaborer un rapport sur la pêcherie et l’impact du matériel de pêche sur les fonds marins. L’avis conforme du parc a finalement limité le nombre de bolincheurs : 20 sont autorisés à travailler en même temps dans l’enceinte du parc pour 27 licences. Cet outil permet surtout d’agir sur des actions à terre qui peuvent avoir un impact sur le parc en mer, ce qui est une grande force pour la prise en compte du lien terre-mer ; nous développerons ce point dans les parties suivantes.

2. Des partenariats entre PNMI et acteurs de la pêche

Selon le comité des pêches du Finistère (CDPMEM 29), la collaboration entre le parc marin d’Iroise (OFB) et le Comité des pêches favorise l’acquisition de connaissances sur l’environnement et son état et permet de co-construire des outils pour sa bonne gestion. Les pêcheurs sont en effet conscients de leur dépendance au bon état de cet environnement. Cette collaboration n’est cependant pas toujours bien vue par l’opinion publique. Le CDPMEM 29 soulève la question de la légitimité des acteurs : « cela peut être frustrant dans le processus décisionnel d’être mis en balance avec des acteurs pas forcément légitimes ».

Le PNMI possède un nombre important d’outils de protection de la biodiversité et de gestion des ressources dans son périmètre. Certains de ces outils sont mis en place par les pêcheurs, comme les cantonnements de pêche permettant de gérer les ressources et conserver la productivité de certains endroits. Le Ministère de la transition écologique demande parfois une superposition de ces outils car ils ont « du mal à lire les outils des pêcheurs » selon le parc. Mais le parc considère que certains arrêtés et outils utilisés par les comités des pêches, comme les licences, permettent une exploitation durable et se suffisent à eux-mêmes. Le parc possède une expertise de terrain qui lui permet d’agir en conséquence. Par ailleurs, utiliser les outils des pêcheurs permet une meilleure discussion avec eux.

Les comités des pêches gèrent les ressources halieutiques dans la bande des 12 milles et ont donc la main sur la réglementation, ce qui ne les empêchent pas de discuter avec le parc et de s’appuyer sur ce dernier pour des recherches scientifiques. Le système de gestion des algues mis en place par le comité départemental et le comité régional s’appuie sur une expertise scientifique et des programmes communs avec le PNMI .

Pour concrétiser le partenariat entre pêcheurs et parc marin, la « Charte pêcheurs partenaires » a vu le jour en 2017. Les pêcheurs qui y participent s’engagent sur 3 ans à respecter deux mesures obligatoires (embarquer des observateurs du parc et ramasser les macro-déchets pour une meilleure qualité de l’eau) et des mesures facultatives (marquage des homards, lutte antipollution hydrocarbure, interaction pêche professionnelle et espèces protégées, équipement d’une balise de géolocalisation). Celle-ci n’a cependant eu que peu de succès sur sa première édition, d’une part car elle ne s’adressait qu’aux pêcheurs passant plus de 70% de leur temps dans le parc, et d’autre part car elle leur offre peu d’avantages. L’enjeu de la révision de la charte est donc l’inclusion d’un nombre plus important de pêcheurs ; cela permettrait en effet de montrer que la collaboration avec les pêcheurs fonctionne, de donner une meilleure image de la profession et ainsi de lutter contre leur exclusion. L’absence d’avantages, notamment financiers, représente aussi un frein à l’engagement des professionnels. Les pêcheurs ne peuvent pas vendre leur poisson plus cher parce qu’il a été pêché dans le parc ou faire de la publicité sur leur engagement. Bruno CLAQUIN, ancien patron pêcheur, souhaiterait en effet que davantage de pêcheurs signent la charte ; il ne la considère pas contraignante puisque certaines choses mises en place par la charte ne sont pas nouvelles pour lui. Par exemple, il modifiait lui-même le maillage de ses filets en fonction de la saison car il ne considérait pas intéressant de pêcher des juvéniles. Il précise que, si les pêcheurs ne s’engagent pas, c’est que quelque chose ne fonctionne pas et ajoute : « Pour que ça marche, on a besoin aussi de personnes sur le terrain pour discuter avec les pêcheurs. »

C. Un bilan positif bien qu’imparfait

Suite aux entretiens réalisés pour cette étude, il ressort que le format parc marin d’Iroise est jugé plutôt positivement par les différents acteurs. L’outil parc marin fait pourtant l’objet de vives critiques.

1. Une zone laboratoire

Le parc marin d’Iroise est clairement défini comme une « zone laboratoire » dont les pêcheurs doivent se servir pour tester un certain nombre d’actions. L’avantage d’une telle zone est de pouvoir élargir une action, un programme ou une réglementation si cela fonctionne. Le Conseil de gestion représentatif des acteurs en est le moteur ; l’équipe du parc fait toutefois un constat : seuls des représentants des pêcheurs élus siègent au conseil de gestion, mais il faudrait aller sur le terrain pour recueillir les positions de tous les pêcheurs (entretien 7). L’efficacité du parc est surtout due à une meilleure adhésion des acteurs de par ce système de gouvernance. Le PNMI est en effet un site pilote qui permet de « tester et d’évaluer des solutions afin de diffuser les meilleures méthodes de cohabitation avec la faune sensible et la biodiversité ».

Le PNMI permet un apport de connaissances au travers d’études et de suivis scientifiques et s’impose comme un dispositif reconnu par les acteurs locaux : « si les pêcheurs sont toujours dans cette AMP, ça fonctionne ». Par ailleurs les indicateurs espèces sont plutôt positifs dans l’ensemble. Ce point de vue est partagé par les associations environnementales engagées dans le parc, bien qu’il reste des améliorations à faire. Ainsi, France Nature Environnement considère le PNMI comme « globalement utile », puisqu’il peut mener des études et des actions pour renforcer la protection des espaces au sein du parc. Parmi les améliorations considérées, FNE pose cependant la question de l’instauration de zones de protection forte. Le PNMI étant un espace pour le développement durable, les activités de loisirs y sont en effet autorisées, ce qui n’est pas sans conséquence sur le milieu.

L’équipe du parc souligne également un progrès en termes de gouvernance. Le PNMI a en effet eu d’importants effets dans les communautés d’acteurs, ayant permis une prise de conscience et un apport de connaissances sur la protection des habitats et la biodiversité, autant au niveau des services de l’Etat que des pêcheurs. Cela a en effet modifié leurs « comportements, la façon dont ils formulent des demandes d’exploitation ou de développement de leur activité ». Ainsi, certains enjeux ayant été appropriés, il n’apparaît pas nécessaire de prendre des mesures contraigantes ; le directeur-adjoint du parc souligne un changement de représentations du milieu marin chez les pêcheurs.

Dans le périmètre du parc ont été initiés un certain nombre de programmes pour lutter par exemple contre les déchets sur l’estran ou améliorer les mouillages dans les herbiers. Surtout, un mode de gestion spécifique a été mis en place pour les champs d’algues par le CDPMEM 29 avec l’appui du PNMI et de l’Ifremer. Les résultats de ce nouveau système de gestion mis en place il y a cinq ans sont en train d’être chiffrés, mais celui-ci s’avère « novateur » en matière de gestion halieutique. Eaux et Rivières de Bretagne souligne l’importance de ce système, le parc ayant permis de l’améliorer et de l’expérimenter, « ce qui aurait été soit plus long soit inexistant sans la présence du parc ». Bretagne Vivante considère également le système réglementaire sur la récolte des algues comme « un gros pas en avant » car la communauté locale n’aurait pas accepté ça il y a 20 ans, le parc « ayant permis à pas mal de choses de se mettre en place ». A noter que les pêcheurs ont été proactifs sur la question ; le PNMI n’aurait probablement pas eu la force d’imposer le régime actuel si cela ne venait pas des pêcheurs. L’association s’inquiète cependant de la durabilité de la récolte du goémon notamment à cause du manque de connaissances. Elle remet en cause le découpage des zones exploitées en bandes horizontales, chaque bande étant autorisée à la récolte des algues une année sur trois par roulement. Pour le bénévole de Bretagne Vivante interrogé, il est essentiel de reprendre ce travail sur la base de meilleures connaissances des fonds, avec la possibilité d’instaurer des ZPF correspondant aux unités écologiques des champs d’algues. Cela permettrait d’assurer un patrimoine naturel à long terme grâce à une « gestion plus fine ». Depuis 2018, le programme de recherche SLAMIR (Suivi des laminaires en Iroise) a d’ailleurs été mis en place pour le suivi scientifique des algues.

2. Le besoin de résultats face aux critiques

Malgré le bilan positif qui ressort des entretiens réalisés, le PNMI est sujet à de nombreuses critiques, majoritairement extérieures. Selon l’équipe de l’OFB du parc marin et le CDPMEM 29, la pression s’est majoritairement fait sentir au colloque national des aires marines protégées qui s’est tenu en 2019 à Biarritz. Certaines personnes ne reconnaissent plus le PNMI, considéré comme un « outil mou » car la concertation prend du temps, alors qu’il faudrait selon eux faire de la protection forte. L’enjeu est donc de montrer que le parc marin est un outil de protection qui fonctionne.

La pêcherie goémonière est par exemple controversée par les acteurs locaux à cause de l’impact des peignes sur les fonds marins ; le parc a donc fait une étude d’impact qui a permis de fermer des zones à l’exploitation de l’hyperborea. Les pêcheurs doivent selon l’équipe du parc prendre conscience de la pression mise par les « détracteurs qui montent en puissance » et ne reconnaissent plus le PNMI comme une AMP efficace ; cela risque en effet de conduire à la multiplication des zones de non-prélèvement. A cela s’ajoutent des débats et des différences de positionnement au sein même de l’OFB.

Il est cependant important de préciser que le parc marin d’Iroise est classé sur la liste verte de l’UICN pour sa capacité d’évaluation et son suivi des indicateurs via un tableau de bord, ce que toutes les AMP ne font pas. Les salariés du PNMI interrogés précisent ne pas avoir le sentiment d’une dégradation de l’Iroise : il s’agit d’une « AMP de préservation d’un espace remarquable » plutôt que de restauration, bien que l’Iroise soit tout de même concernée par les changements globaux liés par exemple à l’augmentation de la température de la mer impactant les milieux.

Il existe aujourd’hui un problème d’échelle de temps entre la volonté d’instaurer des zones de protection forte et de prendre des mesures au plus vite face à l’urgence environnementale, et la réalité du terrain. C’est pourquoi le processus de concertation du parc est critiqué, notamment par des ONG au colloque de Biarritz ; cela nécessite du temps et les critiques remettent en cause tout le système de gouvernance. De plus, pour obtenir des résultats sur une telle AMP il faut du temps ; les résultats du PNMI commencent donc tout juste à être visibles grâce aux études menées. En effet, des actions sur le milieu peuvent mettre dix ans pour porter leur fruit. Par ailleurs, la gouvernance locale prend certes du temps mais permet aux acteurs de mieux s’approprier les décisions, de mieux les accepter, ce qui engendre donc une meilleure efficacité de l’AMP (DAVID, 2019). Le besoin de résultats pour justifier l’existence et l’efficacité du PNMI est donc indispensable. Cependant, le directeur-adjoint du parc témoigne : « dans le parc, il y a des résultats mais on ne veut pas toujours les écouter », ce qui pousse à pointer des problèmes pas toujours existants, le lien avec l’activité de pêche professionnelle étant également fait trop facilement. Selon lui, les espèces locales se portent parfois mieux que des espèces à large répartition, témoignant de problèmes au large où les systèmes d’encadrement sont plus légers.

Le parc marin d’Iroise apparaît donc comme un outil permettant d’impliquer les acteurs locaux dans le processus de décision, même si sa mise en place a été conflictuelle et longue. Le Conseil de gestion offre un pouvoir décisionnel intéressant et les acteurs de la pêche sont impliqués dans des partenariats avec les équipes du parc et les scientifiques. Cette zone laboratoire est cependant critiquée pour sa dimension locale et son objectif de développement durable n’interdisant donc pas les activités humaines dans son périmètre

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