La voix des Océans ou L’auberge espagnole Où on trouve ce qu’on a apporté, où on trouve de tout, où on rencontre n’importe qui.

, par  CHEVER, René Pierre

Le film "la voix des océans" a été projeté le 24 septembre à Quimper à l’occasion du 60ème anniversaire du CCFD Terre Solidaire, il sera à nouveau présenté le Vendredi 19 Novembre (20 h 15) à Penmarc’h, au cinéma Eckmül à Kerity, à l’occasion de la Journée Mondiale des Pêcheurs, avec l’appui du Collectif Pêche et Développement .

A l’occasion des 60 ans de la création du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD), l’équipe finistérienne, avait décidé voici un an de rappeler cet engagement [1] comme il se devait et à sa façon. Voulant symboliser la transition des modes de productions de toute nature vers des modèles durables, la proposition avait été de mêler l’agroécologie et l’halioécologie, suggérant par là-même que c’était une bonne solution globale pour l’avenir des 10 milliards d’humains attendus vers 2050, y compris nos propres enfants et petits-enfants (charité bien ordonnée...). Naturellement, cette vision de l’avenir entrait en résonance avec les objectifs du CCFD parisien et beaucoup de bénévoles locaux, "Laudato si’ du Pape François et Pêche Développement (P&D), piloté par un collectif du bout du monde, indépendant, mais connu de nos partenaires pêcheurs de la planète. L’accord entre ces deux structures, très différentes, allait de soi, d’autant que le CCFD du Finistère s’associait depuis des années à la Journée Mondiale des Pêcheurs artisans qui se déroulait dans de nombreux pays le 21 novembre, date de la première réunion du Forum Mondial des Pêcheurs artisans à New Delhi en 1997.
Dans ce contexte mémoriel, à la fois pour le CCFD et P&D, la décision avait été prise voici quelques mois, d’une part de visiter six fermes pratiquant l’agroécologie dans le Finistère et de passer deux fois le film « La voix de des Océans », symphonie musicale directement inspirée par les images de l’océan et dédiée à la mer, du compositeur Antonio Santana (Brésil) avec Jean-Yves Collet et Pierre Mollo (France) pour la mise en images.

Tout spectateur, quel que soit sa langue d’origine, pouvant comprendre que la goutte d’eau pure ou impure, lâchée en haut des terres se retrouverait par gravité au fond de l’Océan, fusse après des années, augmentant la qualité de ses eaux et par conséquent la vie qui s’y trouve sous toutes ses formes ou la détruisant à petit feu, avec les conséquences globales que nous entrapercevons tous les jours, y compris en boomerang pour la terre par manque de pluie, cyclones, épisodes méditerranéens ou submersions. La bonne qualité des eaux étant la base sur laquelle l’halioécologie pouvait se construire, par nature, Pêche & Développement retrouvait ses petits.
Pierre Mollo avait prévenu les quarante personnes présentes, dès l’introduction du film « chacun y puisera dans son vécu, dans ce qu’il cherche et chacun sera touché à sa manière ».
Pierrot Mollo et René-Pierre Chever, deux "vieux" de Pêche & développement, avant ils n’auraient jamais été assis sur le mur !
Quasiment prophétique !
Inutile, comme d’habitude, de chercher une synthèse ramassant les points essentiels, au contraire la question était plutôt de savoir pour une fois, ce que je ressentais moi et de l’analyser. Exercice différent mais intéressant.
L’alliance du visuel et la musique est connue depuis le cinéma parlant, ce qui l’était moins c’était la volonté de faire, d’une part un film et d’autre part une symphonie qui font l’amour sur scène et dont le sujet est la mer, percutant le spectateur emballé par la beauté des images circonvolutionnant avec les accords d’un orchestre et les trilles d’une cantatrice. Pari réussi.
Nettement séparé en huit mouvements différents le regardeur-écouteur était entraîné progressivement de l’enfance de notre monde, noire et minérale, à la vie solaire florissante dans les airs au-dessus de la surface et dans les mers. Ce passage de l’obscure forgeronnage de la matière au fond des Océans, jusqu’à la biodiversité des plus gros animaux et des plus petits vivants sur terre, en quelques milliards d’années, finit par imprégner tous les spectateurs, chacun à sa manière. Il y avait des représentants d’ATTAC, qui y virent une nouvelle forme « d’émotion » faisant réagir plus vite que la raison probablement, d’autres qui proposaient de passer ce film à Paris, unique lieu de décision français comme chacun le sait, d’autres qui se concentrèrent sur les aspects documentaires des images s’enquérissant de leur provenance, d’autres qui questionnèrent la musique son origine, son inspiration... Pierre Mollo avait réponse à tout et la genèse de ce film orchestré par de grands « amateurs » en tous genres et une énorme bonne volonté de personnes que parfois tout opposait, était une geste aussi intéressante que le film lui-même qui en disait long sur la capacité de la société à se mobiliser sur le sujet.
Quant à ma perception quelque peu rustique surtout en matière de musique, elle pouvait tout au plus attribuer à chaque mouvement quelques épithètes différents, sans doute voulus par les auteurs de l’œuvre.
Le premier mouvement était oppressant avec une musique lourde aussi sombre que le monde gris, blanc des fumeurs noirs à 3000 mètres sous l’eau. Le second mouvement décrivait des eaux troubles et des eaux claires, montrant le mariage entre la terre et la mer cher à l’agroécologie et l’halioécologie. Le troisième mouvement était inspiré par les petites et les grandes créatures marines, du zooplancton aux thons rapides prédateurs de boules de poissons grégaires qui n’en menaient pas large au rythme effréné de la musique, rappelant que le monde animal est avant tout un monde de prédateurs féroces.

Le quatrième mouvement interrogeait le spectateur sur les méduses, à la fois magnifiques et faciles à mettre en musique grâce à leurs lents battements, au même rythme que ceux perçus dans les hôpitaux, mais aussi trop souvent sentinelles de la pollution et de l’absence d’autres vies, maladies de l’Océan. Le cinquième mouvement mélangeait la naissance des coraux et les baleines dans un ballet improbable. Le sixième mouvement nous faisait plonger dans les eaux glacées à la découverte des anges de mer et du krill dans un froid d’ours polaire dansant sur une musique gelée. Le septième mouvement intitulé « le calme avant la tempête » nous faisait appréhender la violence potentielle et réelle de l’océan poussé par des vents et une musique de fin des temps, faisant perler de la sueur froide dans le dos d’un habitant du bord de mer comme moi "Le jour où cela se déchainera vraiment".... Le dernier mouvement ramenait au calme et à l’origine du monde, mais cette fois dans une myriade de couleurs et un foisonnement de vie faisant immanquablement penser aux nébuleuses du ciel nocturne, la provenance et la constitution de l’infiniment grand, tutoyant l’infiniment petit avec nous au milieu, identique, comme le suggérait la musique céleste.
Le phénomène de l’auberge espagnole avait parfaitement joué. Plusieurs points m’avaient touché. Tout d’abord le possible saisissement des pêcheurs par cette approche alliant l’art visuel et musical. Face à eux pas de subterfuges, ils resteront au fond de leur siège sans rien dire ou se moqueront des rêveurs en demandant aux pauvres animateurs s’il vaut mieux accepter les éoliennes en mer en refusant la détaxe carburant pour attendre l’hydrogène embarqué. Vaudrait mieux être prêt à répondre. Je parierais plutôt pour un débat poético-pratico-économico-futiristico cool. Nous vérifierons cela le 19 novembre 2021 à Kérity où je demanderai à des marins embarqués de venir "juger" cette œuvre si originale. L’évidente communion entre la terre et la mer, mise en beauté sautait à yeux et aux oreilles. La spiritualisation immanquable du spectacle,

entre la nébuleuse de la fourrure du renard et la larve d’oursin au stade plateus ne manquait pas d’interroger les plus matérialistes. La possibilité de mettre en avant l’écologie en passant par la culture était aussi apparue comme une arme dont l’efficacité pouvait être extraordinaire sans être mortifère, comme la plupart des documentaires écologiques [2] .
Bref, je recommande d’aller voir ce film-orchestré, ou encore mieux, mais plus rare, de réserver des places lorsque le film passera en plein air accompagné d’un orchestre ukrainien [3]. Cela donnera toujours un peu d’allant slave [4] aux lourds problèmes soulevés à notre humanité qui doit se projeter au-delà de 2050, pour survivre solidairement et dans la paix.

Au premier rang, de droite à gauche le "staff" du CCFD-Solidaire finistérien au Festival pêcheur du Monde de Lorient : René Férec (Agroécologie), Marine-Jo Rousset (Halioécologie), Karim Sall, partenaire pêcheur du Sénégal et Robert Bouguéon de Poul ar brial, Penmarc’h (Mission de la mer).

René-Pierre Chever, Membre du bureau du Collectif P&D
Loktudy le 27 septembre 2021

[1Restons sobres dans les célébrations car comme l’écrit Manuele Derolez déléguée générale du CCFD-terre solidaire :"Qu’avons-nous à fêter ?" Nous avons cessé de croire que croissance et promotion humaine étaient liées. Le modèle de développement économique est à la racine d’un effondrement écologique sans précédent, dont les plus vulnérables sont les premières victimes. Que voulons-nous dire alors en affichant que nous sommes pour le développement ?

[2Si vous voulez pleurer, ouvrez votre télé, en particulier sur Arte vers 19 heures.

[3Prochain live le 2 juillet 2022 à Saint-Nazaire.

[4Des coeurs, de différentes religions, ensemble ou séparément, plus un ensemble laïc bien entendu, pourraient avoir leurs petits effets y compris sur le plan symbolique. A méditer justement...

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