Pour un littoral vivant : CAP 2000, les vertus du dialogue.

, par  LE SANN Alain

CAP 2000 a fêté cette année ses 20 ans. C’est une association exceptionnelle inspirée par Pierre Mollo, le spécialiste amoureux du plancton. Il y a 20 ans, les ostréiculteurs de la Ria d’Etel reprochaient aux agriculteurs leurs épandages qui polluaient les eaux et, plus tard, une loi leur interdit d’épandre leurs fumiers et lisiers dans la bande des 500 m. Grâce au dialogue établi par l’association, des dérogations ont été décrétées dans la bande des 200-500 mètres. La qualité des eaux a été améliorée au bénéfice de tous et particulièrement des ostréiculteurs et pêcheurs à pied. Depuis, le dialogue se poursuit activement et la présence de nombreux élus à l’AG témoigne de l’intérêt des collectivités pour la démarche. Les élus sont d’ailleurs vivement interpelés et placés face à leurs responsabilités pour la préservation des activités primaires sur le littoral.

Les ostréiculteurs génèrent de la biodiversité

Loin de dégrader les milieux (certains reprochent aux tables de ralentir les flux et de favoriser l’accumulation des vases), les ostréiculteurs génèrent de la biodiversité avec leurs tables d’élevage, comme l’a montré le scientifique Bertrand Perrin. Grâce à leur effet récif, les tables enrichissent le milieu en créant un écosystème stable favorable à la fixation de nombreuses espèces.

Le scientifique en a compté 123 de 9 taxons différents : algues, mollusques, éponges, etc. Les poissons en bénéficient également car ils disposent de plus de nourriture. Les éponges sont particulièrement nombreuses et diversifiées dans le Golfe du Morbihan et présentent l’intérêt d’un pouvoir d’épuration. Ainsi est démontré le fait que les ostréiculteurs sont des acteurs essentiels de la vie littorale. Ils en sont aussi les gardiens vigilants par leurs multiples alertes sur les pollutions venues de la terre qui menacent de plus en plus leur activité. Si les pollutions par E. coli issues des déjections animales sont maintenant mieux maîtrisées par le compostage des fumiers et lisiers (à l’exception de la Laïta), les problèmes de pollution par le norovirus viennent de l’habitat, en expansion rapide et continue sur le littoral morbihannais. Les ostréiculteurs ont vigoureusement interpelé les élus sur leurs responsabilités dans les retard dans la rénovation des stations d’épuration, alors que les ostréiculteurs les alertent depuis 40 ans. Ils commencent à être entendus, mais les problèmes à résoudre sont gigantesques car il faut aussi rénover les réseaux qui sont poreux. S’y ajoutent les problèmes des assainissements individuels souvent déficients. L’hiver 2019-2020 a été catastrophique pour les ostréiculteurs privés de ventes pendant les fêtes de fin d’année. Ils sont les pollués-payeurs sacrifiés et doivent en plus payer le coût des analyses pour vérifier la qualité de leurs produits. Malgré cela, les jeunes gardent espoir et jamais les installations n’ont été aussi nombreuses ; les chantiers à transmettre sont insuffisants pour répondre à la demande.

Les pêcheurs à pied ne détruisent pas les herbiers

Très actifs dans l’association, les pêcheurs à pied sont confrontés à des interdictions de pêche dans les herbiers de zostères riches en palourdes. Grâce à une étude scientifique, ils ont pu prouver que leur pêche à la palourde sur les herbiers n’avait guère d’impact sur les zostères qui retrouvaient leur vitalité après les piétinements. S’ils respectent les restrictions, ils souhaitent qu’elles soient levées sur la base de ces données scientifiques. Par contre il a été démontré que les invasions d’algues vertes réduisent les herbiers de zostères.

Pollutions d’origine agricole : des progrès mais des défis gigantesques à relever

Le dialogue entre paysans du littoral et ostréiculteurs a permis des progrès remarquables dont bénéficient les uns et les autres. Maintenant les soucis des agriculteurs viennent du recul de l’élevage sur les zones littorales qui menace la fertilité des sols et le maintien de la matière organique de sols de plus en plus utilisés pour le maraîchage. Cependant ce recul de l’élevage en zone littorale ne suffit pas à limiter l’expansion des algues vertes qui constituent un problème inquiétant sur les vasières des rias et du golfe du Morbihan et menacent les ressources de coquillages.

Le problème à résoudre est immense car il faudrait retrouver des taux de nitrate de 10 mg/l pour voir les algues vertes diminuer puis disparaître, et il faudra de nombreuses années pour éliminer les stocks d’ulves existants. Même si les taux ont été réduits vers 30 mg/l, on est encore loin du compte et on mesure le défi que cela représente pour l’agriculture bretonne. Il faudrait donc retrouver les taux de nitrate des années 50, avant la grande révolution verte bretonne. Et encore, le problème ne se limite pas à la Bretagne puisque le Golfe du Morbihan est aussi touché par les apports de la Loire : 35 à 40 % des apports dans le Golfe du Morbihan viennent des bassins de la Vilaine et de la Loire. A ce défi gigantesque s’ajoute celui des impacts des pesticides et des produits chimiques. Un ostréiculteur l’a rappelé aux agriculteurs présents. Ceux-ci en sont conscients et ils ont créé, avec l’appui de Cap 2000, un GIEE ( Groupement d’intérêt environnemental et économique) pour en débattre et chercher des solutions. CAP 2000 a du pain sur la planche, et pour longtemps.

Alain le Sann, Octobre 2021.

Le site de CAP 2000 https://cap2000.jimdofree.com/

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