Faire progresser les connaissances sur l’impact mondial du chalutage Les fonds marins sont en bonne santé là où la pêche au chalut est gérée de manière durable, selon une étude mondiale innovante sur les impacts du chalutage de fond.

, par  BATES Quentin

Dans un article du Monde du 4 janvier 2022 (Le chalutage de fond, une méthode contestée), Martine Valo se fait l’écho, sans guère de regard critique, d’une campagne (https://seas-at-risk.org/press-releases/more-than-150000-europeans-call-on-eu-to-ban-bottom-trawling-to-protect-ocean-and-climate/ ), lancée par une coalition d’ONGE soutenue par des fondations anglo-saxonnes, demandant l’interdiction du chalut dans les AMP, ceci concerne aussi bien évidemment les dragues. Le chalut est contesté depuis longtemps mais contrairement au discours des ONGE et de Martine Valo qui élargit le propos à l’ensemble du monde, le débat est ouvert entre les scientifiques qui sont loin d’être tous partisans d’une interdiction généralisée des engins traînants, comme en témoigne cet article de Fiskerforum, traduit par nos soins, qui fait référence à une étude récente sur l’impact du chalutage dans le monde.

La première étude de ce type, réalisée par l’université de Bangor en collaboration avec des instituts de recherche, publiée cette semaine dans Proceedings of the National Academy of Science (PNAS w/c 3.1.22), s’appuie sur une récente collaboration internationale. Elle rassemble des données provenant de 24 grandes régions marines du monde entier pour établir une relation entre la distribution et l’intensité des activités de chalutage et la santé des communautés des fonds marins.

Les chercheurs ont évalué la vie sur le fond marin en attribuant une note d’état entre 0 et 1, où 0 correspond à un impact et 1 à une absence d’impact. 15 régions étudiées étaient en bon état avec un statut supérieur à 0,9, tandis que trois avaient un statut dégradé de moins de 0,7. Toutes régions confondues, 1,5 % de l’ensemble des fonds marins étudiés étaient en très mauvais état, avec un état de 0.

L’auteur principal de l’étude, le Dr Roland Pitcher, scientifique marin du CSIRO Oceans and Atmosphere, à Brisbane, en Australie, a déclaré que l’étude montre qu’une bonne gestion de la pêche contribue à de meilleurs résultats pour l’écosystème au sens large.

« Les résultats montrent que les pêcheries au chalut gérées efficacement et de manière durable sont associées à des régions dont l’état des fonds marins est élevé (0,95 ou plus) , a-t-il déclaré. Les régions dont l’état des fonds marins était faible étaient des endroits où les stocks de poissons étaient généralement surexploités et où les régimes de gestion étaient inefficaces. Des données détaillées n’étaient pas disponibles pour toutes les zones où le chalutage de fond est pratiqué, mais il est important de noter que cette étude fournit les premières statistiques au monde pour estimer l’impact du chalutage mondial et fournit une base de preuves pour informer sur des améliorations efficaces des pratiques de chalutage dans le monde entier ».

Le professeur Ray Hilborn, spécialiste de la pêche à l’université de Washington, a déclaré que cette étude démontrait le pouvoir de la collaboration mondiale en matière de recherche sur la pêche.

« En rassemblant ces données provenant de 24 grandes régions marines du monde, nous sommes en mesure d’établir des relations statistiques fondamentales entre les activités de chalutage, leurs impacts et l’état des écosystèmes, y compris les implications des choix d’engins de chalutage et les distributions spatiales de l’intensité du chalutage , a-t-il déclaré. Cette recherche est une étape cruciale vers une estimation globale de l’impact mondial du chalutage et vers la compréhension des mesures nécessaires pour améliorer la gestion des pêches, réduire l’exploitation, améliorer la durabilité des stocks et l’état de l’environnement des fonds marins. L’étude a également montré que l’état des fonds marins régionaux peut être prédit à partir de mesures simples de la fréquence totale de chalutage d’une région, ce qui permet de réaliser les évaluations préliminaires nécessaires pour améliorer la gestion du chalutage dans les pays en développement où les données sont limitées ».
Selon le professeur Geert Jan Hiddink, de l’école des sciences océaniques de l’université de Bangor, si l’on compare la production de produits de la mer et l’impact du chalutage de fond par rapport à d’autres utilisations humaines des sols au Royaume-Uni, comme l’agriculture, il apparaît clairement que l’empreinte du chalutage de fond au Royaume-Uni est importante.
Mais l’impact du chalutage sur une grande partie de cette empreinte est limité, a-t-il ajouté.

Néanmoins, de nombreuses zones font l’objet d’un chalutage intensif et présentent un faible état des fonds marins, par exemple dans les zones de vasières où la langoustine est ciblée en mer d’Irlande à l’aide de chaluts à panneaux. Ces zones sont prioritaires pour de nouvelles recherches visant à cartographier les habitats sensibles des fonds marins et à évaluer leur exposition au chalutage et les risques qu’ils présentent. Ces travaux constituent une source de données précieuse et de conseils pour les décideurs et les gestionnaires qui cherchent à gérer durablement la pêche au chalut.

Pêche à la langoustine en Bretagne Sud, aquarelle de Bernard Schmitt

Le pourcentage de chaque région où le biotope très sensible, connu sous le nom d’écosystèmes marins vulnérables, est capable de maintenir un statut supérieur à 0,8, va de seulement 18% de la surface des fonds marins dans l’Adriatique à 98% dans le sud du Chili et est supérieur à 80% pour dix régions non européennes.

Pour deux régions du Royaume-Uni incluses dans l’étude, des données détaillées sur le chalutage étaient disponibles et indiquent que le statut des fonds marins britanniques à l’échelle régionale est relativement faible (environ 0,83), et classé entre 6 et 8 en termes d’impact sur 24 zones, par rapport à d’autres régions.
La zone totale évaluée pour le Royaume-Uni était de 0,6 million de kilomètres carrés, et les chercheurs ont constaté que plus de 2,2 millions de kilomètres carrés ont un statut intact (= 1), tandis que moins de 1000 kilomètres carrés ont été identifiés comme ayant un statut d’épuisement par chalutage de 0, et environ 24 000 kilomètres carrés avaient un statut inférieur à 0,8.

Quentin Bates, 5 Janvier 2022

Voir en ligne : https://fiskerforum.dk/

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