En 2007, Corinne Fortier, anthropologue à l’EHESS- Collège de France, embarque à bord du « Moineau », le bateau de Philippe Déru, ligneur de Concarneau. Elle le filme à bord avec des moyens limités et réalise un film de près de 2 heures accessible sur le site de l’EHESS [1]. Elle « filme son regard qui « cherche le poisson » et son enthousiasme lorsque de gros bars s’invitent à bord ».
Invitée au Festival Pêcheurs du Monde, nous demandons à Corinne Fortier l’autorisation de sélectionner des extraits de son film pour monter un court-métrage dans le cadre de notre programme de valorisation des savoirs des pêcheurs. Elle accepte et, avec la complicité de Christophe Hoyet, nous avons réalisé un court-métrage de 20 mn [2]. Nous avons retenu essentiellement le début du film, lorsque Philippe Déru explique le choix des appâts, en particulier les lançons, achetés en mer à un chalutier spécialisé dans cette pêche. Le témoignage de ce ligneur est exceptionnel car il montre avec précision les capacités nécessaires au pêcheur pour s’adapter en permanence à l’évolution de son milieu. Il comprend très bien le lien entre sa pêche et la nature du plancton qui évolue en fonction du temps, des pluies, des pollutions, etc. Le film décrit également comment le pêcheur choisit sa stratégie de pêche en fonction de l’état de la mer, du temps, des saisons, etc. On perçoit ainsi toute la complexité du métier et l’intelligence nécessaire pour réussir. Ces savoirs sont des acquis de l’expérience et ils sont jalousés par des pêcheurs plaisanciers de plus en plus nombreux qui cherchent à connaître les bons coins de pêche. Le pêcheur doit aussi trouver les compromis avec les autres pêcheurs professionnels pour se partager les zones de pêche, dans une jeu subtil de compétition et de solidarité.
Ce petit film nous plonge dans la réalité quotidienne d’un pêcheur côtier, loin des clichés.
Peu de temps après, Philippe Déru va arrêter la pêche pour travailler dans le pétrole au large de l’Afrique. Il voulait ainsi s’assurer une meilleure retraite, car celle d’un marin-pêcheur est faible.
Malheureusement, il ne pourra en profiter car il est décédé avant d’atteindre l’âge de la retraite.