Festival de films "Pêcheurs du Monde", 14ème édition L’Appel du large et ses nouveaux défis

, par  CHEREL, Jacques

L’appel du large est le thème de cette 14e édition du Festival Pêcheurs du monde. Il va se conjuguer de plusieurs façons durant 8 jours de films, de créations artistiques, d’animations, de débats du 20 au 27 mars au pays de Lorient.

Une urgence sauver la vocation nourricière de la mer…
De tout temps l’appel du large a entrainé les gens des littoraux, pour qui la mer procurait la nourriture vitale. Et aujourd’hui la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, interpelle sur cette fonction essentielle. Elle a décrété 2022, année des petits pêcheurs et des travailleurs du secteur de la pêche. Il s’agit de rappeler leur rôle pour la sécurité alimentaire et la nutrition, l’éradication de la pauvreté et l’utilisation durable des ressources naturelles. Le Festival se fait le relais de cette campagne et, à travers, des films alerte sur les menaces qui pèsent sur les peuples des littoraux !

Dans AZA KIWY « N’abandonnons pas », le réalisateur malgache Lova Nantenaina rapporte l’inquiétude des pêcheurs locaux devant le projet de port mené par une Société australienne et le pillage des ressources halieutiques par les chalutiers chinois ! Les emplois sont remis en cause aussi dans l’arrière pays. De nombreux militants ne veulent rien lâcher. Au Sénégal à Bargny, la jeune plasticienne nantaise Blanche Bonnet est effarée devant les projets de bétonisation avec un modèle urbain excluant la population locale de pêcheurs : son film est une mise en garde quant au no future : BARGNY, QUAND LE FUTUR S’ENFUIT AVEC SES LENDEMAINS. Mamadou Khouma Gueye dans XAAR YÀLLA, fait le même constat d’abandon pour les gens des quartiers de Saint Louis, Guet N’dar et N’dar Toute, condamnés à disparaitre avec la montée du niveau de l’océan. Femmes de pêcheurs, marchandes de poissons, habitants disent leur désarroi. Partout le long des côtes africaines, à la menace liée à la montée du niveau des océans, se poursuit le pillage des ressources des eaux côtières et des ressources biologiques marines par les états riches d’Asie ou autres de l’hémisphère nord. Il faut ajouter les dégâts des pêches illicites qui s’élèveraient à 1/3 du total des pêches. Alors no future au pays pour les jeunes ?

Noyer les pêcheurs, c’est programmer les migrations ?
Il faut alors entendre l’appel du large de ceux qui partent, hommes, femmes, en quête d’une vie meilleure sur de frêles bateaux, au milieu des flots qui les menacent d’engloutissement. Cette année nous avons choisi de montrer un film porteur d’espoir, MOR DIOUF. Au Sénégal des jeunes désespérés devant la raréfaction des poissons accaparés par la surpêche des chalutiers étrangers quittent le pays. L’un d’entre eux est embauché à la Turballe et tente de devenir patron pêcheur.

Sauver les pêcheurs c’est sauver la mer
L’appel du large est aussi aujourd’hui l’appel de la mer ! Jérôme et Caroline Espla dénoncent la mort annoncée de la vie dans la Méditerranée dans AU NOM DE LA MER. Ils ne se satisfont pas du constat et montrent la détermination citoyenne à se mobiliser. Le Festival reprend le flambeau en se projetant dans la Pêche de demain, et propose un débat avec les scientifiques, les industriels, les associations pour faire la guerre à la plastification des mers ! Des élèves de lycées maritimes de Bretagne, des lycées de Lorient, des stagiaires du CFA, le public …seront présents pour voir comment relever les défis des plastiques ! Il n’y a pas de fatalité, les plastiques participent à l’asphyxie du plancton qui devient insuffisant pour nourrir la masse des poissons.(projection débat, vendredi matin 25 mars, amphi Ricoeur)
Le lien entre nature et humanité est à revisiter. Mais gare aux fausses routes. D’un côté ; on parle de projets d’aires marines protégées et dans le même temps de plans massifs d’industrialisation des océans et des côtes. La volonté de certains de noyer les pêcheurs pour sauver les océans ne vise-t-elle pas à faciliter la mise en place d’une industrialisation maritime ? Ne faudrait-il pas promouvoir une pêche nourricière durable répondant aux besoins alimentaires, notamment des pays du Sud ? Défendre les pêcheurs qui la pratiquent n’est-il pas le plus sûr moyen de protéger le vivant des océans ? Comment concilier pêche et économie durables ?

Un Festival non sur les pêcheurs ou la mer, mais avec ! c’est la clé du débat !
L’appel du large c’est aussi celui qui s’adresse au public ! Le Festival revient enfin en présentiel ! Ce n’est pas un Festival sur les pêcheurs et la mer mais avec les pêcheurs et les gens de mer, avec la mer, avec le public et les réalisateurs !
Il s’agit de mobiliser l’esprit créatif, de jeter un regard nouveau c’est tout le sens donné par les initiatives innovantes ! Tout un symbole cette invitation à parcourir le port de pêche de Lorient avec le spectacle DANSER L’OCÉAN ! A la danse du plancton avec les images de Pierre Mollo et la musique de Santana, succèdera la déambulation dansée de Betty Tchomanga avec un musicien…autour du pan coupé à Keroman ! (dimanche matin 27 mars). Avec le cinéma, la musique est aussi spécialement mobilisée car c’est un élément puissant inclusif pour être avec, pour être ensemble : son rôle apparait avec le ciné-concert donné à Ploemeur Océanis (mardi 22 mars) mais aussi dans de nombreux films, dont la musique est le fil conducteur. Avec cet élan créatif et l’espoir retrouvé, notre démarche se prolonge en distanciel (avec KUB) et dans des animations.

Océan, un sujet vital pour les jeunes
Plus que jamais cette édition concerne les jeunes. Pour Kamardine, jeune mahorais comorien, l’espoir vient de la mer (MAYOTTE, LA MER BUISSONNIÈRE de P. Belet) : ce film a enthousiasmé les collégiens de Paul Langevin à Hennebont qui lui ont décerné le prix des collèges ! Milad, 12 ans, navigue à travers les zones humides de Shadegan au Khuzestan, une province du sud-ouest de l’Iran, et fait vivre sa famille (SHADEGAN de A. Salemi). Kelou, 26 ans, de Lesconil (Bretagne) multiplie les activités pour profiter des plaisirs de la mer et devient marin pêcheur ( LA MER EN HERITAGE de M. Murgia)…Et bien sûr le jury jeune comprend des lycéens et des étudiants. Des projections et des animations auront lieu avec des jeunes à Larmor, Lanester, Lorient, Riantec etc…

Pêcheur un métier de passion, sans cesse en reconversion
Être pêcheur est un mieux métier de passion. Le film LUZZU rapporte le combat d’un pêcheur pour survivre coûte que coûte ! (Cinéville à Lorient)…C’est un métier qui n’a cessé de s’adapter. L’américain Ian Chenay dans THE LONG COAST filme une série de portraits d’hommes et de femmes engagés dans des activités liées à la pêche face au changement climatique. Il parle du quotidien du pêcheur, d’une jeune homardière, d’ostréiculteurs - qui vantent les avantages que leur travail apporte à l’écosystème. Cheney présente l’écosystème de la pêche du Maine comme vaste, varié et en constante évolution. L’océan est toujours changeant… déjà avec les marées, c’est intrinsèque à la vie de ceux qui en dépendent. La jeune homardière s’est lancée dans l’ostréiculture parce que la surpêche et les restrictions qui en résultaient l’exigeaient. "C’est une autre façon de rester sur l’océan", explique-t-elle. Les préoccupations mondiales et environnementales sont aussi vitales et habituelles pour subsister que les filets, bateaux etc… Le film est une vue à long terme. Mais Sophie Averty prévient dans GUÉRANDE, UN PEU LA BEAUTÉ DU MONDE que c’est par la volonté et la mobilisation collective qu’on peut réussir à sauvegarder cette beauté de la nature !

Alors, oui citoyens, débattons et décidons en connaissance des enjeux ; le Festival propose deux films sur les projets d’éoliennes off-shore. OCÉANS 3, UNE DRÔLE DE GUERRE de Mathilde Jounot et CONTRE VENTS ET MARÉES de N. Marcault, E. Mougne, B. Pagnot …toutes des réalisatrices ! Sans doute faut-il des solutions énergétiques alternatives mais au profit de qui ? (Jeudi 24 mars, 15h30).

Un patrimoine à protéger
Il existe bien d’autres surprises à découvrir dans ce programme inédit. Une place est donnée au patrimoine des pêcheurs et gens de mer : SEPTEMBRE 1930 ? THONIERS DANS LA TEMPÊTE d’A. Pichon, VOILIERS EN PÊCHE ou l’image du pêcheur à travers le cinéma, entre 1920 et 1940 avec la Cinémathèque de Bretagne du même A. Pichon. IORRAM d’ A. Cole évoque la communauté de pêcheurs de langue gaélique des Hébrides et de sa relation intime avec la mer. MEMOIRES EN CONSERVE de L. Le Tonquer rappelle le long passé du pays bigouden avec ses travailleuses du port. Etc…

Hasard ou prémonition, la programmation du film OSTROV, LOST ISLAND de R. Svetiana et S.Laurent (samedi matin 26 mars) évoque la situation exsangue faite au peuple russe par Poutine quand on n’est pas proche des oligarques ! Edifiant ! A ne pas rater !

Le Festival repose sur la double passion du cinéma et du monde des pêcheurs ! Cette édition propose justement un coup de cœur-projecteur sur le journaliste-réalisateur Yannick Charles et ses films, une carrière de trente années. Ses documentaires, sont les témoins des mondes maritimes en mutation. Comment se fabrique l’image de mer ? Comment filme-t-on le monde de la pêche et des pêcheurs ? Avec quelles intentions ? Quels risques ? (27 mars après midi)


Par des films réalisés et produits sur des continents différents, cette 14e édition met en lumière l’ambivalence de l’appel du large, témoigne de la beauté maritime, évoque la passion des hommes et des femmes qui vivent de la mer. Elle est aussi ce rendez-vous d ‘information et de débats sur les défis économiques, environnementaux et sociétaux.

Vite embarquez avec nous : www.pecheursdumonde.org et venez nombreux !
Jacques Chérel

Voir en ligne : https://www.pecheursdumonde.org/edi...

Navigation