Que signifie l’accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les subventions à la pêche, pour la durabilité et le développement ?

, par  PANG (Pacific Network on Globalisation)

Réaction de l’ONG Pacific Network on Globalisation (PANG), le 17 juin 2022, qui analyse les conséquences de l’accord de l’OMC sur la Pêche qui vient d’être proposé.

Dans l’ensemble, le texte sur lequel les ministres se sont mis d’accord en juin laisse les grandes flottes de pêche en paix. Il vise à "interdire certaines formes de subventions à la pêche qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche, à éliminer les subventions qui contribuent à la pêche INN, et à s’abstenir d’introduire de nouvelles subventions de ce type, en reconnaissant qu’un traitement spécial et différencié (TSD) approprié et effectif pour les pays en développement et les pays les moins avancés devrait faire partie intégrante de la négociation de l’OMC sur les subventions à la pêche".
La limitation du TSD à une clause de paix de deux ans seulement est insuffisante, surtout dans le contexte d’un fonds volontaire de renforcement des capacités qui doit encore être négocié. Le fait de ne pas cibler spécifiquement la capacité des navires des grandes flottes et d’exiger qu’elles portent le fardeau des résultats a eu pour effet de les laisser essentiellement inchangées, à l’exception du financement de la pêche en haute mer.
Le mandat des ODD demandait un traitement spécial et différencié (TSD) approprié et efficace comme partie intégrante du résultat, mais cela ne figure pas dans le résultat. Les promesses de négociations futures sont un substitut inadéquat. Le texte reste déséquilibré pour les pays en développement et les petites nations de pêche.

Bateau chinois dans le port de Dakar

Article 3 : Subventions contribuant à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée
Cet article traite des subventions destinées à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Bien que les subventions pour la pêche INN soient interdites, il existe une liste de conditions pour la détermination de l’INN, et le respect de toutes ces conditions nécessitera une expansion de l’assistance technique et financière pour une réglementation et des notifications appropriées. En outre, une assistance en matière d’infrastructure est nécessaire pour améliorer le suivi, le contrôle et la surveillance.
L’article 3.8 prévoit une exemption de deux ans pour la pêche dans la limite géographique de 200 miles nautiques. Auparavant, il n’était proposé que pour 12 milles nautiques, mais cette disposition a été étendue à l’ensemble de la zone économique exclusive (ZEE) d’un membre, ce qui est un changement bienvenu. Certains craignent toujours que la période de transition de deux ans ne soit pas suffisante pour permettre aux pays en développement de développer les capacités nécessaires pour répondre aux exigences des autres parties des articles 3 et 4.

Article 4 : Subventions concernant les stocks surexploités
L’article 4 interdit les subventions aux stocks de pêche dont il a été déterminé qu’ils sont surexploités. Si tel est le cas, l’article 4.3 autorise l’utilisation de subventions à condition qu’il existe des mesures visant à reconstituer un stock à un niveau biologiquement durable. En établissant les mesures de durabilité pour un tel stock de poissons, le membre peut être contesté sur les mesures qu’il a mises en place. Avant la réunion ministérielle, le président des négociations a souligné comment le processus d’examen peut permettre à d’autres pays de remettre en question et finalement de contester les mesures de gestion d’un autre membre. Ce n’est pas un bon résultat car l’OMC n’a aucune expertise en matière de gestion des pêches.
Il est à craindre que l’exemption de durabilité mentionnée ci-dessus ne soit disponible que pour ceux qui ont la capacité de mesurer, gérer et rendre compte de leurs stocks de poissons. Cela favorisera les pays développés. Enfin, l’article comporte une dérogation similaire à celle de l’article 3 pour les pays en développement et les PMA, mais le délai tout aussi court est préoccupant.

Article 5 : Autres subventions
Cet article a été amputé d’éléments majeurs dans le but d’être accepté par les ministres lors de la réunion ministérielle, mais il ne parvient pas à réduire la capacité de la flotte des grandes flottes de pêche. L’article 5.3 permet aux membres de subventionner leurs flottes à condition qu’elles pêchent dans les eaux relevant de la juridiction d’un pays côtier membre ou d’une organisation régionale de gestion des pêches. Cette disposition s’appliquera à tous les membres, indépendamment de leur taille et de leur responsabilité historique dans la surpêche. Bien que cette mesure vise la pêche en haute mer, elle permettra également d’exclure tout membre ayant la capacité de financer ses flottes nationales et les flottes pêchant dans la ZEE d’un pays membre côtier ou d’une organisation régionale de gestion des pêches. Cette disposition n’aborde pas la question de la flotte et de la capacité de pêche.
Une autre disposition, l’article 5.4, invite les membres à ne pas subventionner les navires qui ne portent pas le pavillon de ce membre. Cela ne permet pas de cibler les flottes ayant la plus grande capacité, car la plupart des pays développés battent pavillon de leur propre flotte. Pris ensemble, l’article 5.3 et l’article 5.4 ne réduiront pas la capacité de pêche des grandes flottes, laissant intacte leur position dominante dans le domaine de la pêche. En outre, il n’y a pas de différenciation des engagements au titre de cet article, ce qui signifie que ceux qui ont la capacité de subventionner peuvent continuer à le faire.

Article 6 : Dispositions spécifiques pour les pays les moins avancés membres de l’OMC
Il n’y a pas de traitement spécial et différencié spécifique pour les PMA dans ce texte, mais ils sont inclus dans les "clauses de paix" offertes dans les articles 3 et 4. Les textes précédents avaient lié les flexibilités de l’article 6 aux interdictions de l’article 5, mais ce n’est plus le cas. Désormais, l’article 6 n’inclut que les membres qui font preuve de retenue lorsqu’ils abordent des questions avec les PMA membres. La promesse de négociations futures est d’aborder cette question qui reste en suspens bien qu’il s’agisse d’une composante essentielle du mandat de l’ODD 14.6.

Article 7 : Assistance technique et renforcement des capacités
Au cours de la réunion ministérielle, une proposition a été annoncée pour un fonds volontaire destiné à soutenir les pays en développement et les pays les moins avancés membres. Les promesses actuelles s’élèvent à 20 millions de dollars US, ce qui n’est pas suffisant pour faire face aux charges permanentes que cet accord imposera aux pays en développement. L’absence d’un accord sur la manière dont le soutien sera fourni compromet la capacité des pays en développement membres à prendre des décisions sur les obligations.

Article 8 : Notifications et transparence
Cet article définit les informations que les membres doivent communiquer à l’OMC et la manière dont ils doivent le faire. Les obligations de notification convenues constituent un aspect onéreux de cet accord, en particulier pour les pays en développement. Elles comprennent des informations sur les subventions, les stocks de poissons, les mesures de conservation et de gestion ainsi que sur les navires bénéficiant de subventions. Ces exigences vont au-delà des exigences existantes de l’OMC en matière de notification des subventions.
De nombreux pays en développement s’inquiètent de ne pas être en mesure de satisfaire à toutes les exigences de notification.

Article 12
Cet article fixe un délai pour la mise en œuvre des disciplines globales. Si ce délai n’est pas respecté, l’accord devient caduc. Il est regrettable que le texte de l’accord ait été accepté car, d’un point de vue politique, il sera plus difficile si un membre souhaite rouvrir les négociations sur certaines parties du texte inclus ici.

Conclusion
L’accord reste fondamentalement imparfait et favorise les pays ayant une grande capacité de subventionnement et de déclaration. Le fait qu’il ne cible pas ceux qui sont historiquement les plus responsables de la surpêche fait que les charges de l’accord sont supportées par les moins responsables. Le TSD minimaliste n’offre qu’une brève clause de paix qui ne répond pas au mandat des ODD. Enfin, l’absence d’engagements en matière d’assistance technique et de renforcement des capacités ne permet pas de s’assurer que les pays en développement et les PMA seront en mesure de supporter les conséquences de ce texte, à moins de détourner des ressources d’autres secteurs.
Ce texte ne remplit pas le mandat et nous recommandons de le rejeter.

Pacific Network on Globalisation.
PANG, le 17 juin 2022

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