L’impact de la hausse des prix du carburant sur la vie des pêcheurs du Lac Tanganyika : assurer un repas par jour

, par  KAPALAY KABEMBA Jean-Pierre

En août, la communauté Slow Food Tanganyika, animée par Jean Pierre Kapalay, a mené une enquête auprès d’une cinquantaine de pêcheurs et femmes mareyeuses, membres de 5 coopératives, regroupées au sein du Collectif des pêcheurs du lac Tanganyika (COPETANG) à Kalemie (République démocratique du Congo). Cette enquête a bénéficié d’un financement modeste du Collectif Pêche et Développement.

Déroulement de l’enquête

Depuis environ 3 ans le monde entier a été secoué par la pandémie du COVID-19, une maladie qui a réduit presque à néant toutes les activités de tous les secteurs de la vie. Alors que le monde sortait petit à petit de cette terrible maladie, Poutine avec la guerre en Ukraine est venu remettre la pendule presque à zéro. Une fois de plus de monde est secoué par une autre crise et ses effets se font sentir partout.
A Kalemie, l’enquête a été initiée auprès des pêcheurs du Lac Tanganyika pour en savoir un peu plus sur cette épineuse question. 30 à 45 minutes étaient réservées pour chaque pêcheur afin de répondre librement aux questions sous la conduite d’un autre pêcheur, membre de la coopérative, avec un niveau d’instruction acceptable. Parfois nous avons dû faire 8 à 12 km pour atteindre toutes les couches des pêcheurs.
L’ambiance était très détendue et amicale et tout le monde était enthousiaste.
Les questions étaient presque fermées du type oui/non, on a prévu un espace libre pour permettre à l’enquêté de produire un commentaire si nécessaire.

Constats

Au vu des réactions des pêcheurs contactés, il se dégage les observations suivantes :
1. La guerre en Ukraine qui a occasionné la hausse de prix de carburant à impacté négativement le travail des pêcheurs du Lac Tanganyika et par ricochet leur vie socio-économique ainsi que celle des femmes mareyeuses. Cette situation est presque générale, car certains témoignages obtenus des pêcheurs du Sénégal et de la France sur la situation de carburant en sont des preuves éloquentes.
2. L’âge moyen de la plupart des pêcheurs du Lac Tanganyika varie entre 45 à 65 ans ; tous les pêcheurs ou presque sont vieux. Ceci s’explique peut-être en partie par la perception de ce métier par les jeunes qui est totalement différente de celle qu’ils avaient il y a environ 15 à 20 ans. Pour de nombreux jeunes, ce métier est classé dans la catégorie de sale boulot qui ne paye plus. Le Slow Food Tanganyika préconise, avec son partenaire COPETANG, dans le cadre de l’Académie Paysanne de pêche un travail de sensibilisation en amont pour changer cette perception vis-à-vis de ce métier pourtant noble. Cet âge élevé des pêcheurs et mareyeuses explique aussi la demande fréquente d’un meilleur accès à des soins.
3. Dans tout cela, la femme reste la victime comme toujours lorsque la filière connait des problèmes, elle manque de produit à vendre, elle n’attrape pas à manger pour sa famille faute de produits et en fin de compte elle reste par manque de moyens éternellement sous la dépendance économique totale de l’homme africain avec tout ce que cela engendre comme conséquences. On remarque cependant que plusieurs pêcheurs signalent que les femmes mareyeuses les soutiennent pour l’achat de carburant.
4. Au final, c’est le consommateur qui subit toutes les conséquences de cette hausse de prix de carburant, car non seulement son plat est réduit en qualité et quantité, mais aussi, le pauvre consommateur n’a plus la décision sur ce qu’il doit consommer et subit l’influence de l’adage selon lequel, je cite : ‘’ à défaut de ce qu’on aime, on se contente de ce qu’on a’’.
5. Le Covid et la crise de l’énergie ont considérablement appauvri des familles à la limite de la survie qui vivent avec moins d’un dollar par jour et se contentent souvent d’un seul repas

Conclusions et recommandations

La hausse de prix de carburant sur les marchés locaux et internationaux a un impact réel sur la situation socio-économique à travers le monde, les pêcheurs sont appelés ici et maintenant à concevoir des formes de résilience pour contourner cette situation si jamais elle perdure ou revient dans le futur. Parmi les recommandations faites par les pêcheurs et les femmes on retrouve bien sûr la nécessité d’une subvention au carburant, un soutien aux coopératives, mais aussi l’accès à des prévisions météo, à des vaccins et à des centres de santé, l’amélioration des réseaux de transport pour faciliter la commercialisation.

Le Slow Food tend la main aux hommes de bonne volonté pour l’aider à mener d’autres enquêtes sur les pêcheurs du Lac Tanganyika et appuyer les programmes de l’Académie Paysanne des pêcheurs de Kalemie

KAPALAY Jean-Pierre

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