Nous, peuples des océans du monde, réunis à la C-OP 2022, affirmons que les océans et leurs ressources, y compris les mers, les rivages, les forêts, les estuaires, les zones humides de mangrove et les plans d’eau intérieurs, font partie intégrante de nos vies. Nous, les communautés maritimes, côtières et des eaux continentales du monde entier, sommes unies pour affirmer que notre culture maritime est notre "mode de vie" et que nous sommes les gardiens historiques de l’écologie des océans. Par cette déclaration, nous affirmons que "Nous sommes indissociables de l’Océan : et l’Océan est indissociable de nous". Nous réaffirmons qu’il ne peut y avoir d’océan sans peuple océanique et vice versa.
Contre la marchandisation des océans
Notre revendication sur les ressources marines revêt une importance particulière dans le contexte de la "Conférence sur les océans" organisée par les Nations Unies (ONU). L’océan est constamment considéré comme la frontière économique pour les investissements "durables", surtout après la récession économique internationale qui a suivi la pandémie de COVID-19. Les écosystèmes marins, qui comprennent nos terres natales, sont évalués à tort à plusieurs milliers de milliards de dollars et sont concédés illégalement à de multiples "parties prenantes" au nom de "l’exploration, la croissance et l’exploitation". Cette situation est imposée aux populations dans le cadre de l’indispensable relance économique nationale post-COVID, par le biais de projets d’économie bleue. Dans cette optique, la Conférence des Nations Unies sur les océans (UNOC-2022), son ordre du jour, sa programmation et la liste des acteurs participants, révèlent qu’elle renforcera l’accaparement des océans et légitimera le "blue washing", en renforçant l’influence des entreprises (capital productif et financier) ainsi que des fondations philanthropiques et des grandes organisations environnementales internationales dans la prise de décision sur l’économie des océans. Nous rejetons la marchandisation des océans et la marchandisation de la vie des peuples de l’océan.
30 % de notre littoral sacrifié à des fins de conservation
Lors de cette C-OP 22 historique, nous, les peuples de l’océan, avons exprimé notre objection face à la manière dont nos ressources marines sont concédées pour les projets de l’économie bleue, par le biais de la planification de l’espace marin, financée par des institutions internationales pro-bleues. Nos eaux (marines et continentales) sont en train d’être envahies du fait des accords commerciaux sur les produits de la mer, qui encouragent les technologies de production de pêche intensive. En raison des engagements pris dans le cadre des objectifs 30X30 en matière de biodiversité, 30 % de notre littoral est sacrifié à des fins de "conservation", ce qui le fait passer sous le régime des aires marines protégées ou de conservation. Le reste des littoraux est destiné aux zones économiques côtières : plages pour le tourisme, sites d’extraction d’énergie, plateformes pétrochimiques, ports, etc. Les plans d’eau intérieurs ont également été occupés pour des activités d’aquaculture industrielle. Ainsi, toutes nos eaux, nos littoraux, nos forêts, nos mangroves sont en train d’être usurpés, d’autant plus sous le couvert de la relance économique post-COVID.
Contre l’apartheid bleu
L’introduction d’"infrastructures résistantes au climat" pour des "économies maritimes durables", aliénant les intérêts des peuples de l’océan, sur l’océan et ses ressources, n’est rien d’autre qu’une "colonisation climatique". Dans ce contexte, où sommes-nous censés aller, nous, les peuples de l’océan ? C’est notre patrie. Où sont nos droits ? Il s’agit d’un processus d’apartheid bleu, de dépossession constante de nos communautés de leurs droits coutumiers, perpétré par le biais de la "l’enclosure bleue".
Nos 5 principes fondamentaux
En réponse à la Conférence des Nations Unies sur les Océans, la Conférence des Peuples de l’Océan tient donc à affirmer et déclarer les 5 R suivants constituent nos principes fondamentaux.
Pour l’inclusion effective des peuples de l’océan dans notre revendication des droits historiques, traditionnels et coutumiers sur l’océan et ses ressources, afin de protéger l’océan et nous-mêmes en tant que gardiens de l’océan :
– Nous Rejetons les fausses solutions climatiques menées par les entreprises et les propositions de méga économie bleue de l’ONU, de ses nations membres et des multinationales, qui ne sont pas parties prenantes des océans et ne devraient pas être les principaux décideurs. Nous rappelons au monde que ce sont ces mêmes entreprises et leur avidité capitaliste et coloniale qui ont plongé la Terre dans son état désastreux actuel ;
– Nous demandons la Reconnaissance du Peuple de l’Océan par les Etats-nations et les organisations internationales. Nous sommes ici pour nous faire reconnaître, affirmer notre présence et formuler nos droits coutumiers historiques et traditionnels sur les océans. Nous réaffirmons également nos droits de pêche ;
– Nous demandons la Restitution, par laquelle les peuples de l’océan, unis, se réapproprient la gouvernance coutumière de l’océan, en exigeant la redistribution des ressources marines. Nous exigeons la restitution de la gouvernance des océans aux communautés maritimes.
– Résistant aux paradigmes bleus, nous demandons aux gouvernements de revoir et de changer la gouvernance mondiale des océans, qui " épuise l’océan et engloutit les peuples de l’océan ". Nous exigeons un moratoire immédiat sur toutes les politiques et tous les projets de l’économie bleue qui effacent nos identités, conduisent à l’extermination des peuples des océans et contribuent ainsi à l’impérialisme bleu.
– Nous demandons une Ré-invention de notre avenir au sein de l’océan, par laquelle l’océan et ses ressources nous sont non seulement rendus de manière responsable, mais aussi conservés pour nos générations futures.
Nous déclarons que cela est urgent, nécessaire et possible !
Notre océan. Nos droits. Notre avenir.