I Pêche professionnelle :
1.1 Pêcheurs Houatais et Hoëdicais pratiquant dans l’archipel
Sur les îles de Houat et Hoëdic, la pêche a été pendant très longtemps une activité essentielle. Après la seconde guerre mondiale, l’activité a nettement régressé avec le départ vers le continent de nombreux insulaires (20 à 30 % de la population sur Hoëdic). En 1951, le port de Houat et presque toute la flotte furent détruits par une tempête. Des aides financières permirent de reconstruire les bateaux et un nouveau port (l’actuel port Saint-Gildas) à Houat, ce qui marqua le renouveau de la pêche sur l’île. Le homard et le crabe constituaient à l’époque la principale ressource halieutique locale. Une écloserie de homards fut ainsi construite en 1972 afin de reconstituer la population de homards du littoral.
47 navires étaient encore en activité dans les années 1980 sur Houat, employant près de 95 personnes, contre 6 navires et 12 pêcheurs actuellement. Le port d’Hoëdic comptait quant à lui une trentaine de bateaux avant-guerre et n’en abrite plus que 3 aujourd’hui.
1.2 Pêche professionnelle – pêcheurs pratiquant dans l’archipel
19 métiers ont été recensés pour les 96 navires de moins de 12 m, les principales activités exercées étant la drague à coquille Saint-Jacques (43 navires), le filet à poissons (35 navires), la palangre (26 navires), le casier à gros crustacés (21 navires), le casier à crevette (15 navires), la ligne de traîne et la ligne à main (16 navires). Les plus gros tonnages débarqués concernent la coquille Saint-Jacques (286 tonnes), le congre (178 tonnes), la sardine (96 tonnes) et le bar (64 tonnes).
D’après les données Valpena (2017), 128 bateaux travaillent autour de l’archipel Houat- Hoëdic, dont 90 morbihannais, 25 ligériens et 13 finistériens. 79 % des navires fréquentant le site font moins de 12 mètres, 16 % plus de 15m et 5 % entre 12 et 15m.
Les ports d’attache sont variés et étendus géographiquement : les navires proviennent de 23 ports différents, répartis entre Penmarc’h et les Sables d’Olonne. Les principaux ports d’attache des navires travaillant sur le site sont Port-Maria (37 navires), la Turballe (16), Lorient (15), Le Croisic (11), le Palais (9), Houat (6), Penmarc’h (6 bolincheurs), Concarneau (5 bolincheurs) et Hoëdic (2). Les unités rattachées aux ports très éloignés du site sont essentiellement des chalutiers de fond et pélagiques, ainsi que des bolincheurs, dont les zones de pêche sont très vastes.
Le chalut de fond est le métier le plus pratiqué (43 navires). Les chalutiers ciblent le poisson, les céphalopodes, la langoustine et la crevette grise. Vient ensuite la drague à coquille St- Jacques (42 navires), les filets maillants droits et trémails (31 navires), la palangre (28). Dans une moindre mesure, le casier à gros et petits crustacés (18) et la ligne (17) sont pratiqués sur le site, suivis de la pêche à pied du pouce-pied (5), la nasse à poisson, le carrelet à éperlan, la drague à bivalves et la drague à oursins (<5).
Le site Natura 2000 est fréquenté toute l’année, avec une période plus creuse entre janvier et mars et une fréquentation qui augmente progressivement à partir d’avril. Un minimum de 56 bateaux est présent en février, pour un maximum de 104 navires en novembre.
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II/ Le projet de ceinture bleue
2.1 Origine du projet
Le GPAH
Le projet de ceinture bleue est né à Houat en 1973 du constat par l’GPAH (Groupement des Pêcheurs Artisans Houatais) d’un appauvrissement des fonds marins et des ressources halieutiques, ainsi qu’un partage forcé de la bande littorale avec de nouveaux usages, notamment de loisir : « La mer qui est notre lieu et notre moyen de travail et sur laquelle nous avons un DROIT HISTORIQUE est en train d’être partagée, exploitée, vendue et polluée. » (cf. annexe2)
De ce constat se dessine nettement la nécessité de mieux protéger les écosystèmes marins et de maintenir sur les îles une activité économique tournée vers la mer et pourvoyeuse d’emplois locaux, le tout passant par une gestion locale.
Le GPAH avait déjà lancé un processus d’alevinage de homards grâce à l’Ecloserie que les pêcheurs avaient eux-mêmes construite.
Le projet fut bien reçu par la communauté des pêcheurs mais attira les foudres de l’Administration Maritime de l’époque. Pour des raisons politiques, mais aussi financières (choc pétrolier de 1973), la politique des coopératives maritimes était de faire des économies. Le projets non rentables à court terme étaient « oubliés ». Le ceinture bleue demeura lettre morte.
Le projet renaît aujourd’hui
En 2022, les municipalités de Houat et Hoëdic, représentées par les maires Philippe Le Fur et Jean-Luc Chiffoleau s’associent pour relancer le projet et le remettre au goût du jour.
Depuis 1956, la pêche au chalut est autorisée à moins d’1 mille nautique des îles, par dérogation à l’interdiction définie à l’article D.922-16 du code rural et de la pêche maritime. Cette dérogation avait été mise en place pour permettre aux pêcheurs locaux de pêcher au chalut à appâts, mais tous les chalutiers exerçant dans la zone en ont profité pour y exercer tous types de chalutage et dragage. Il est à noter qu’ailleurs sur le littoral morbihannais, y compris des îles, le chalut et la drague ne sont pas autorisés dans une bande côtière de 3 milles nautiques.
2.2 Objectifs
L’objectif à long terme de la « Ceinture bleue » est d’aider les communautés Houataise et Hoëdicaise à mieux vivre en ayant des ressources durables à portée de main (et dans le même temps d’utiliser moins de ressources énergétiques).
Pour y parvenir, trois objectifs opérationnels se dessinent :
• Organiser localement la gestion des ressources halieutiques ;
• Protéger les ressources existantes ;
• Développer une pêche et des cultures marines durables.
2.3 Plan d’actions
I/ Définir une zone de protection autour de Houat et Hoëdic d’1 mille nautique
Seules les techniques de pêche à faible impact y seraient autorisées (interdiction de la pêche au chalut et à la drague).
Il s’agit de définir une zone et la cartographier : une première estimation a été déterminée autour des îles de Houat et Hoëdic en tenant compte des bases droites à environ 1MN. Ces zones sont déjà des frayères naturelles pour diverses espèces, benthiques et pélagiques.
II/ Déterminer la structure administrative et juridique
Quelle structure juridique donner cette bande d’1MN ? Il existe déjà des concessions, des cantonnements, des bancs amodiés. Le cadre légal spécifique est à définir les services du département, de la Région, de l’Etat et de l’Europe, afin de désigner les communes comme gestionnaires des zones protégées.
De plus, les réglementations et régulations des pêches côtières existent déjà mais ne sont pas respectées, et les contrevenants de sont pas sanctionnés. Les contrôles doivent être renforcés.
III/ Mettre en place et organiser les élevages
Dans cette « ceinture bleue » d’1 MN, permettre l’installation de cultures marines non polluantes, sans poissons en cage (moules, huîtres, algues).
Les élevages de moules et d’algues pourront être associées à des joint-ventures avec d’autres sociétés, mais un retour financier devra assurer le financement global des activités de la ceinture bleue. Il faut prévoir sa productivité, garantissant ainsi sa pérennité et son financement. Une fois lancée, la ceinture bleue devra être auto-suffisante économiquement.
Moules :
Il existe déjà une importante exploitation mytilicole au Nord de Houat (cf portrait socio- économique de l’archipel). Les eaux de la baie sont très riches en phytoplancton, la croissance des moules y est donc très bonne et la qualité excellente. La technologie d’élevage a déjà fait ses preuves et est reproductible dans des dizaines d’hectares dans les eaux côtières du Nord des îles de Houat et Hoedic. Le marché français est très porteur, et la ceinture bleue Houat- Hoedic pourrait être une très importante zone de production de moules de Bretagne et ainsi créer des emplois dans les îles.
Macro-algues :
La crise climatique actuelle, loin de se résorber, oblige à s’adapter. Développer la culture des algues marines est une façon de répondre aux grands enjeux de notre époque. Diverses espèces d’algues sont consommables, avec un taux de protéines pouvant atteindre 15%, en plus des fibres et des sels minéraux qu’elles apportent.
Au-delà de ces applications à l’alimentation humaine, les macro-algues sont d’excellents capteurs de CO2 (davantage encore que les arbres) et intéressent également la chimie : production d’iode, d’alginate, alternative aux plastiques etc.
La technologie des ancrages et des « long lines » est très proche de celle des élevage mytilicoles. De telles cultures auraient la double vertu de développer la vie socio-économique des îles et de protéger les fonds marins du chalutage et du dragage.
IV/ Etudier les possibilités de mise en place de récifs artificiels
De tels récifs auraient 2 rôles : empêcher physiquement les engins destructifs de passer, et améliorer la production halieutique.
Pour ce faire, il peut s’implanter des récifs artificiels en béton qui, placés en quinconce rapprochés, empêcheront les chalutiers de passer et s’avèreront à court terme des supports à la prolifération de la vie marine sur laquelle une pêche raisonnée peut s’appliquer (palangres ou casiers, pêche à la coquille Saint-Jacques en plongée). La taille des récifs pourra s’adapter à la profondeur de la zone où on les implante afin de ne pas gêner la navigation.
Plusieurs types de récifs existent déjà ou sont encore à l’état de conception. Le béton est solide, imputrescible, modulable. Il est également rugueux, donnant ainsi une accroche aux algues et aux micro-organismes marins. On peut y inclure à la base une multitude d’abris (parpaings, briques creuse, tuyaux en béton etc.). Des expériences antérieures attestent d’une colonisation rapide de ces habitats artificiels, engendrant une présence importante de poissons pélagiques (tels que le bar) à la verticale des récifs, de la même manière qu’au- dessus des épaves. En clair, toute une chaîne alimentaire pourra s’y développer, des algues jusqu’aux espèces exploitables par les pêcheurs, en passant par les petits crustacés et toute une chaîne de prédateurs. La Coquille Saint-Jacques, le Homard et l’Ormeau pourraient également y être semés. Toute cette chaîne trophique peut se mettre en place en moins de 5 ans après l’installation des récifs artificiels.
L’Office Français de la Biodiversité souligne tout de même un point de vigilance concernant l’artificialisation des milieux naturels. L’installation de récifs artificiels est préférée, d’un point de vue écologique, dans la continuité de zones déjà artificialisées (ports, cales, etc.). Cette action devra être étudiée avec des organismes scientifiques et de génie écologique, afin de ne pas entrer en contradiction avec les objectifs de conservation Natura 2000.
V/ Organiser le suivi scientifique et technique
Déterminer la productivité des récifs et des cultures marines, l’effort de pêche à entreprendre pour assurer la productivité et la pérennité de la pêcherie (en lien notamment avec le Comité Des Pêches Maritimes et des Elevages Marins du Morbihan).
Les actions feront également l’objet d’une planification cartographique.
III/ Concertation
3.1 Analyses de Risques Pêche (données issues du comité de suivi HARPEGE3 du 3 février 2023)
Une ARP est en cours sur le site Natura 2000 Iles-Houat-Hoedic, et des mesures de réduction des atteintes aux habitats marins d’intérêt communautaire seront prises avant la fin de l’année 2023. Le lien doit être fait entre les volontés locales d’installation de la Ceinture bleue, et cette analyse réglementaire.
Contexte réglementaire
• Natura 2000 :
Directive Habitats-Faune-Flore (DHFF ; 2006/105/CE révisant la Directive 92/43/CEE) : Les activités de pêche maritime professionnelle doivent être prises en compte dans les Docob des sites Natura 2000.
• Analyse de risque de porter atteinte aux objectifs de conservation des sites Natura 2000 :
L’analyse de risque de porter atteinte aux objectifs de conservation des sites Natura 2000 relève du code de l’environnement (art. L.414-4) : « Les activités de pêche maritime professionnelle [...] font l’objet d’analyses des risques d’atteinte aux objectifs de conservation des sites Natura 2000 [...]. Lorsqu’un tel risque est identifié, l’autorité administrative prend les mesures réglementaires pour assurer que ces activités ne portent pas atteinte aux objectifs de conservation du site [...]. Ces activités sont alors dispensées d’évaluation d’incidences sur les sites Natura 2000. »
…...
L’ARP dans le site Natura 2000 Iles-Houat-Hoedic (FR5300033)
Proposition de mesures :
Lors du comité de suivi du 3 février 2023, les niveaux de risques d’atteinte aux objectifs de conservation ont été présentés, car presque entièrement validés.
Ont également été présentées les propositions de mesures, de la part de l’Office Français de la Biodiversité d’une part, et d’autre part des contre-propositions des représentants des pêcheurs (CRPM et CDPMEM56). Sur le site Houat-Hoëdic, le sentiment général de l’OFB (partagé par les municipalités de Houat et Hoëdic) est une forte insuffisance des mesures proposées par les représentants de la pêche. Les risques sur les habitats sont globalement minimisés, et les mesures OFB presque systématiquement revues à la baisse.
Exemple avec les propositions faites pour le chalut de fond.
Calendrier pour la suite de la concertation :
Les municipalités de Houat et Hoëdic et l’OFB prendront activement part aux groupes de travail prévus courant mars, afin de s’assurer que les mesures prises seront suffisantes.
En cas de désaccords, la Préfecture Maritime tranchera.
……..
3.3 Gouvernance
Dans la mesure où la demande porte sur une gestion municipale de la ceinture bleue, il revient aux maires des îles de présenter le projet, d’en devenir maître d’oeuvre, puis gestionnaires. Le projet nécessite une coordination locale en contact avec les diverses instances administratives et décisionnaires, ainsi qu’un lobbying actif.
Philippe le Fur , maire de l’île de Houat
Jean-Luc Chiffoleau, maire de l’île de Hoêdic
Jimmy Pahun, député de la 2ème circonscription du Morbihan