Terre-Mer : quels futurs ?
C’est la thématique fil rouge de cette 15e édition. Comment parler de la mer, sans évoquer les fleuves qui la nourrissent autant qu’ils l’abîment [1] ? Entre terre et mer, s’opèrent continuité et interférence. Les ostréiculteurs constatent tous les jours les effets de la pollution. Les déchets plastiques, les armes explosives, les boues, les pesticides, les engrais, les eaux usées …dévastent les océans. Le gaz carbonique émis acidifie l’eau…Cela s’accompagne de l’accaparement industriel et énergétique de l’espace maritime qui supplée à l’épuisement des ressources terrestres, au nom d’une « croissance bleue ». L’océan, de moins en moins perçu comme un bien commun de l’humanité, est pillé [2] et soumis à des mainmises nationales ou privées [3], dont le Brexit est une illustration.
Les pêcheurs devant l’urgence alimentaire
Il y a urgence à assurer la sécurité alimentaire mondiale, alerte la FAO. Or les pêcheurs dans le monde ont de plus en plus d’obstacles pour remplir leur mission. Ici on parle de sortie de flotte, ailleurs les pêcheurs migrent faute de soutien. Selon le réalisateur Philippe Lespinasse La guerre du poisson est déclarée.
Faut-il choisir entre développer la pêche vivrière maitrisée et créatrice d’emplois ou s’engager dans une industrie aquacole polluante et pilleuse du poisson des pays d’Afrique ou d’Amérique latine ? De nombreux films abordent cette question, la matinée du samedi 25/3 sera un point d’orgue sur la finalité de la pêche.
Cycle Pêcher demain : « Quels défis pour les navires de pêche ? »
Créé lors de l’édition 2022, ce cycle associe acteurs économiques, industriels autour de la projection de films. La rencontre-projection va permettre de débattre des projets techniques innovants répondant aux enjeux liés à la pollution, au réchauffement climatique, à la gestion des ressources, au rapport au vivant, aux conditions de vie et de travail…Cette séance sera consacrée aux navires, à leurs équipements, aux modes de propulsions, au confort des hommes à bord, aux techniques de pêche, à la décarbonation etc… [4]
L’image du pêcheur à travers le cinéma
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Après Voiliers en pêche, le réalisateur Alain Pichon s’est replongé dans les archives de la Cinémathèque de Bretagne. Son objectif ? Retrouver les traces filmées du travail dans Les conserveries en Bretagne Sud, de l’atelier à l’usine, des années 1930 aux années 1960. De toutes ces archives filmiques, il a fait un montage inédit et original, centré sur les gestes au travail, sur les conditions de vie des femmes d’usines. La Cinémathèque de Bretagne animera la projection.
Au Cinéville [6] de Lorient, le Festival invite à voir un film d’animation jeune public, une évocation du roman éponyme de Catherine Poulain « Le grand marin » , un chef d’œuvre du cinéma italien, « Stromboli » particulièrement d’actualité. Ces films tracent des histoires de femmes et de la mer.
Cycle rencontre avec un réalisateur : Emmanuel Audrain
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Le Festival rend hommage au réalisateur qui a repris à son compte les paroles d’un ami pêcheur « La mer est mon métier ». Emmanuel Audrain a pris la mer en 1982, avec un film, tourné à l’île d’Yeu, Boléro pour le thon blanc. Il voit des hommes, des femmes, agrippés à une vie difficile, avec les peines, les souffrances, les petits bonheurs. Il recueille la parole précieuse des aînés, il rend hommage aux Sauveteurs (1987). Il pointe du doigt les règles à respecter dans Alerte sur la ressource (2002) pour assurer le futur de la biodiversité et du métier de pêcheur qui sont liés.
Le Festival avec la jeunesse
Par des actions dans les écoles ou des séances de projections aux lycéens, le Festival apporte sa contribution au développement de la culture cinématographique et à la transmission de la passion du cinéma tout en sensibilisant au monde des marins pêcheurs et de la mer. A travers l’exemple de la pêche, les élèves sont amenés à mieux appréhender le rôle des hommes dans l’exploitation des ressources maritimes, la place de la mer pour l’alimentation des populations, les enjeux géopolitiques autour des océans, l’urgence de la défense de la biodiversité, l’aménagement adapté des littoraux.
• Prix des collégiens : dans le cadre d’un Atelier d’Education à l’image avec l’association J’ai vu un documentaire. Le collège Joseph Kerbellec de Quéven a choisi La guerre du poisson – bataille dans les eaux européennes de P. Lespinasse.
• Projections et échanges dans les collèges du Pays de Lorient : en présence d’un membre du Festival, du réalisateur ou d’un professionnel de la mer.
• Animation classe Segpa du collège Jean Lurçat : projection de film, rencontre avec un réalisateur ou des professionnels pour découvre un métier lié à la mer.
• Concours photos « Terre-Mer : quels futurs ? » organisé pour les étudiants de l’Université Bretagne Sud.
• Création de l’affiche par les étudiants de l’E.E.S.A.B. de Lorient. La lauréate 2023 est Marie Mikolajcsak, étudiante en 3e année option Design.
• Atelier Doublage et Bruitage pour les plus jeunes avec l’association « Feuilles en herbe », à la Maison de quartier de Kervénanec.
• Organisation de projets artistiques en lien avec les expositions : ateliers d’écoute, ateliers d’arts plastiques, ateliers poésie et musique
• Grande nouveauté, l’Escale Itechmer : le festival propose avec le salon Itechmer, le Crédit maritime et la Fondation Grand Ouest, la Fondation Orcom, un Forum pour les jeunes en formation des lycées maritimes de Bretagne : Le métier de pêcheur, quel avenir ? La plupart des lycées maritimes ont répondu présents, de nombreux représentants de société seront à leur écoute.
Valoriser un cinéma de qualité ancré dans l’actualité
Le cinéma a été touché à la fois par les effets de la Covid et le développement de plateformes commerciales qui ont fait déserter les salles. Le Festival joue son rôle de diffuseur de films en innovant sans cesse.
Il jette ses filets à la Médiathèque de Lorient [8] pour une séance dédiée à l’Iran avec deux films. Des réfugiés iraniens témoigneront de leur situation. La reprise du film [9] lauréat de l’an passé Ostrov, l’île perdue de S.Rodina et L.Stoop, présents, évoquera la situation d’une famille de pêcheurs en Russie sous Poutine.
Pour toucher des spectateurs lointains et au-delà même des frontières, les Echos du Festival feront escale sur la plateforme KuB à partir du 3 avril. Une sélection d’œuvres sera accessible gratuitement. www.kub.tv.
Le Festival fête ses 15 ans au-delà du cinéma !
Cet anniversaire sera en particulier célébré par l’exposition « G. Le Bayon – A. Jegou : le peintre, le poète, la mer », organisée, avec la Ville de Larmor-Plage, en hommage à un de ses fondateurs, Alain Jegou, poète, écrivain, et marin pêcheur, décédé il y a 10 ans [10]. Elle se déroulera du 29 mars au 16 avril à l’Espace culturel « Les Courreaux » et à la Médiathèque de Larmor-Plage. D’autres expositions- animations sont à découvrir à Riantec, Ploemeur, Lanester.
En guise de conclusion
Aujourd’hui le monde des pêcheurs est en pleine tourmente comme l’expriment les films Le salaire de la mer, Les silencieux, Le bateau de mon père…A cause du Brexit, les pouvoirs publics incitent les armateurs à envoyer à la casse les navires à Lorient ou dans le Pays bigouden ! Oui il faut protéger les dauphins et préserver la ressource mais n’est-ce pas d’abord en adaptant les navires et en prenant en compte les effets des changements liés au climat ? On constate que derrière cette casse se profilent les ambitions de groupes financiers et industriels de l’aquaculture, les importateurs de poissons d’élevage. Détruire le tissu économique du littoral breton ne risque-t-il pas de changer le rapport à la mer et de mettre en cause la souveraineté alimentaire ? Il est urgent et essentiel de créer une pêche du futur capable de nourrir les populations et de préserver la biodiversité comme le suggèrent les films Sentinelles de la méditerranée : agir pour la biodiversité, La pêche dans tous ses états : pêcheur professionnel un métier de passion….
Vive le cinéma qui permet d’entrevoir différents futurs !
N’hésitez pas à venir, à regarder, à diffuser sans modération l’information, à faire des suggestions.
Jacques Chérel avec toute l’équipe du Festival de films Pêcheurs du monde