La seconde vidéo rend compte de l’intervention de Katia Frangoudès, sociologue au laboratoire AMURE de l’UBO à Brest. Elle a rendu compte des résultats d’une recherche sur les blocages de plusieurs projets conchylicoles et d’algoculture en Bretagne. Le but était d’en comprendre les raisons car, a priori, ces projets ne constituaient pas des menaces pour l’environnement, mais des associations riveraines avaient protesté, engagé des recours juridiques et bloqué les projets. En conclusion de cette recherche, elle considère que ces blocages sont liés à l’absence de lieu permanent et pérenne de débat permettant aux divers acteurs de prendre en compte l’intérêt collectif et de se comprendre. Elle constate que le Parc marin d’Iroise peut représenter un modèle pour fonder une gestion démocratique des espaces marins. Élus, scientifiques, associations diverses, marins pêcheurs, confrontent leurs points de vue dans le respect des droits des professionnels de la mer, à l’écoute de leurs savoirs. A l’opposé les concertations ponctuelles, où s’exprime une soi-disant « société civile » constituée d’associations et de lobbys hors-sol, ne constituent en rien des lieux de décision démocratique.
Ce point de vue vient conforter les défenseurs du modèle du Parc Marin, dont nous sommes, à un moment où des scientifiques bien cours, de grands lobbys environnementalistes et des représentants de la Commission Européenne le remettent en cause parce qu’il n’interdit pas la pêche.
Ci-joint le texte proposé par Katia Frangoudès à l’occasion de cette JMP
La Planification de l’Espace Maritime (PEM) en France est l’instrument qui répond à la Politique Maritime Intégrée (PMI), qui vise la mise en cohérence des différentes politiques relatives à la mer à l’échelle de l’UE (Commission Européenne, 2012b). La PMI et par conséquent la PEM, prennent en considération les objectifs fixés par la Directive Cadre Stratégie du Milieu Marin (DCSMM) sur l’utilisation durable de la biodiversité et du milieu marin (2008/56/CE). La stratégie européenne de la croissance bleue de son côté, découle de ces politiques et instruments et justifie le fait qu’il faut mobiliser les potentiels inexploités des océans et des mers, considérés comme des moteurs de l’économie et de l’innovation pour stimuler la croissance à long terme dans le but de créer des emplois à l’échelle de l’Union Européenne (UE).
La croissance bleue européenne vise le développement des installations d’énergie renouvelable, l’exploration et l’exploitation du pétrole et du gaz, l’extraction des matières premières, le patrimoine maritime sous- marin, les installations aquacoles, la navigation maritime, les activités de pêche, le tourisme et enfin la conservation des écosystèmes et de la biodiversité. Ces activités se divisent en deux catégories, les fixes et les mobiles. Cette distinction est importante dans le cadre de la PEM car, dans les pays où elle est déjà mise en œuvre, on constate que les activités fixes ont été plus facilement intégrées par rapport aux activités mobiles telles que la pêche.
La PEM est perçue par les décideurs européens et nationaux comme l’outil qui va garantir un meilleur partage de l’espace maritime entre les usages anciens et nouveaux et permettre une meilleure cohabitation entre eux. L’installation de nouvelles activités exigent la mise en place d’une approche intégrée de planification et de gestion, (DIRECTIVE 2014/89/UE).
Les Etats Membres, lors de la mise en œuvre de la PEM, doivent prendre en considération les aspects économiques, sociaux et environnementaux pour soutenir le développement durable et la croissance dans le secteur maritime, tout en appliquant une approche fondée sur les écosystèmes dans le but de promouvoir la coexistence des activités et des usagers pertinents. (art.5, directive 2014/89/UE).
Participation
Dans la directive nous trouvons un autre principe important pour les législateurs européens, celui de la gouvernance et, par conséquent, de la participation. En effet, en 2002 lors de la publication de du livre blanc sur la gouvernance, l’Union veut rendre ses décisions plus légitimes grâce à la participation et la consultation des citoyens européens. La participation devient synonyme de la légitimation des nouvelles décisions européennes puis nationales. Rendre la participation/consultation obligatoire à tous les niveaux géographiques et à toutes les politiques se décrété facilement, mais sa mise en œuvre reste difficile puisque les décideurs doivent transmettre une partie de leur pouvoir décisionnel aux citoyens, intérêts spécifiques ou société civile (vu en général comme la voix des ONG).
L’inclusion de la participation ou la démocratie participative dans les directives ou les lois (code Rural et de la Pêche ou de l’Environnement) est simple, mais l’expérience montre que sa mise en œuvre reste difficile pour plusieurs raisons : le manque d’expérience de nos démocraties libérales ou la peur des décideurs de perdre leur pouvoir. En même temps, ils sont tous conscients que la démocratie participative est indispensable pour réformer nos démocraties et leur donner une nouvelle image, ainsi que pour renforcer nos institutions existantes.
Une bonne gouvernance devient donc synonyme de participation étant donné qu’elle légitime les décisions et qu’elles sont mieux acceptés par les citoyens. C’est pour cela que le principe de la participation du public et des groupes d’intérêt ou de la société civile a été introduit par l’UE en 2002 dans son livre blanc sur la gouvernance.
Pour la mise en œuvre de la directive de la PEM, les Etats Membres sont appelés à mettre en place les modalités de participation du public, en informant toutes les parties intéressées, en consultant les parties prenantes et autorités pertinentes ainsi que le public concerné, à une phase précoce de l’élaboration des plans issus de la PEM conformément aux dispositions pertinentes de la législation de l’Union. Les Etats Membres s’assurent également que les parties prenantes et autorités pertinentes ainsi que le public concerné aient accès aux plans d’aménagement dès leur finalisation.
Quel type de participation et concertation devons-nous mettre en place pour mieux prendre en compte les demandes citoyennes ?
L’expérience de ces dernières années nous a démontré que la concertation entre acteurs, citoyens, habitants, promoteurs de nouvelles activités et administrations est difficile, surtout quand il s’agit de la création des nouvelles installations en mer. Les expériences provenant des différentes régions, département ou municipalités, au moment de la création de parcs naturels marins, de parcs éoliens en mer ou encore d’unités aquacoles, montrent que la réaction des usagers de la mer ou des habitant.e.s du littoral peuvent différer selon la façon dont la concertation a été menée. Toutefois, force est de constater que souvent ces nouvelles installations qui mettent en cause les pratiques existantes, les paysages ou les écosystèmes marins ont du mal à être acceptées.
C’est pour cela que nous souhaitons présenter ici quelques scenarios ou idées ressortant de ces expériences, étant donné qu’une recette unique ne semble pas être adaptée pour répondre à toutes les situations locales. En théorie, la concertation offre la possibilité aux parties prenantes de s’exprimer sur les projets d’aménagement, dans le but d’enclencher le processus de construction d’un intérêt général propre à chacun des territoires. Mais souvent, les usagers, les habitants et la société civile locale ont du mal à comprendre ce que les initiateurs des projets et l’administration présentent comme un intérêt général et ont du mal à se rallier à ce concept.
La temporalité de l’espace de concertation est souvent formée pour discuter du projet et est ensuite dissous. Les personnes participant à ce débat ne se connaissent pas entre elles, ce qui peut créer un certain manque de confiance qui prédomine tout au long du processus de négociation. L’inquiétude liée au fait que certains acteurs, de par à leur pouvoir, puissent imposer leurs décisions, génère une méfiance vis-à-vis des projets. À cela s’ajoute un manque de confiance vis-à-vis de l’administration ou des collectivités territoriales, du fait qu’elles aient rarement pris en considération le bien être des habitant.es, comme il a été le cas notamment pour le développement de certaines activités telles que l’agriculture industrielle, ayant pour résultat une accumulation des algues vertes sur le littoral.
Pour établir cette confiance et pérenniser les instances de concertation et de consultation, il apparaît selon nous indispensable de créer des lieux permanents ouverts à l’ensemble des groupes d’acteurs où les gens auront l’opportunité de se connaître et d’apprendre à communiquer. Un exemple de ce type d’instances sont les conseils de gestion des parcs naturels marins, qui regroupent les différents usagers de la mer, les collectivités territoriales, les ONG environnementales ou encore les scientifiques, et malgré le fait qu’ils ne prennent pas de décisions, ils facilitent la connaissance des acteurs et de leurs intérêts.
Un deuxième exemple est l’IFCA, créé en 2011, qui est chargé de préserver les écosystèmes marins vis-à-vis de la pêche. Ces instances régulent l’activité de pêche et mettent en œuvre des réglementations uniquement lorsqu’il y a des enjeux de conservation. La réglementation doit être la dernière option pour la gestion et la concertation doit être privilégiée pour gérer de manière durable les ressources halieutiques dans les districts et protéger les écosystèmes marins de l’impact de la pêche. Ils doivent gérer de manière effective les habitats marins, en incluant la pêche réactive, la collecte d’appâts et la collecte d’algues, qui n’étaient pas régulées dans le passé par les comités de pêches. Ces institutions regroupent aussi les services de gestion des pêches par régions.