Près du lac Tanganyika, après 6 mois d’inondations, la vie reprend mais reste précaire

, par  KAPALAY KABEMBA Jean-Pierre

Ces 6 derniers mois de l’année 2024 ont été sombres pour la plupart des habitants de la Région des Grands Lacs et ceux de la République Démocratique du Congo en particulier.

En effet, la Région des Grands Lacs a connu l’une de ses pires inondations depuis 1961. Les dégâts ont été immenses ; tous les secteurs de la vie ont été touchés. Les séquelles de cette terrible calamité naturelle restent encore visibles dans les corps et les esprits des habitants. L’arrivée de la saison sèche dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo et presque toute la région des grands lacs a semblé régler le problème : l’eau se retire petit à petit vers les lits du Lac Tanganyika, rivières etc…. La vie aquatique reprend timidement, la pêche également vient de redémarrer à plus de 50%, les poissons sont de nouveau visibles sur les étals de certains marchés de la ville etc…

Mais néanmoins, le travail à faire reste énorme, le Slow Food Tanganyika, le COPETANG, membre du WFFP et l’Académie Paysanne de Pêche croient qu’avec l’avènement du nouveau Gouverneur de la province du Tanganyika CRISTIAN MUTEBA, le secteur de la pêche, comme il l’a souligné dans son discours programme, aura une place de choix comme tous les secteurs de l’Environnement. Les pêcheurs peuvent à nouveau espérer des jours meilleurs avec ce nouveau leadership à la tête de la province du Tanganyika.

Constats sur le terrain

Bien que l’activité de la pêche ait redémarré, elle est encore précaire. Jusqu’à ce jour, on observe une pénurie criante de poissons sur les marchés locaux ; les grands sites de pêche sur le littoral du lac Tanganyika tels que : MPALA, KANSAMBONDO, MULEMBWE, KAMKOLOBONDO, BILILA, KABIMBA, KONGOLO, KABALO, KALEMIE CENTRE ne sont pas en mesure d’offrir aux consommateurs la quantité des poissons voulue pour satisfaire leur demande de cette denrée fortement consommée dans la contrée.

Ce déséquilibre de l’offre et de la demande crée un manque à gagner pour les finances des pêcheurs et ne fait que les enfoncer dans la pauvreté et en même temps provoque un déséquilibre alimentaire chez les consommateurs par manque d’aliments riches en protéines d’origine animale.

Depuis la fin des inondations, on constate des phénomènes similaires dans toute la région des grands lacs ; en République Démocratique du Congo et à Kalemie en particulier cette pénurie de poissons peut être causée par :
1. Le phénomène du changement climatique
2. Le vent très violent qui souffle jusqu’à ces jours sur le lac Tanganyika pendant environ 6 mois. Ce vent ne permet pas aux pêcheurs de monter vers les eaux profondes par crainte d’être noyés.
3. La surpêche (la surexploitation du Lac Tanganyika) ;
4. La destruction de l’habitat de certaines espèces de poissons et de leurs aliments par la montée des eaux du Lac Tanganyika ces derniers mois ;
5. Les effets des migrations des poissons ;
6. L’explosion démographique dans la zone pendant plusieurs années alors que les poissons constituaient un aliment de base pour la majorité des familles moyennes. Aujourd’hui, il est plus consommé par les familles des nantis.
7. Absence des chambres froides capables de conserver le surplus des poissons capturés pendant la période de grande capture puis les revendre pendant la période de soudure
8. La destruction des plusieurs sites et villages de pêcheurs ; cette situation a jeté dans l’errance plusieurs familles des pêcheurs réduisant du coup leurs activités à plus de 55%.

Solutions envisagées

La situation de la pêche ne cesse de se dégrader jour après jour, comme les conditions socio-économiques des pêcheurs. Face à cette inaction ou l’action limitée de l’autorité pour la promotion de la pêche dans le Lac Tanganyika et le bien-être des pêcheurs, ils sont appelés à prendre leur destinée en main car leur avenir en dépend. Tout attendre du Gouvernement ou des bienfaiteurs serait aux yeux de Slow Food une erreur. Avec risque que ces derniers restent pendant longtemps dans un cycle infernal de pauvreté.
Les trois partenaires que sont le COPETANG (Membre à part entière de WFFP), l’Académie Paysanne de Pêche et le Slow Food estiment que les pêcheurs doivent absolument tirer des leçons de inondations passées, se projeter dans l’avenir et mettre en place des nouvelles stratégies pour améliorer leur vécu.

Cela passe naturellement par :
1. Les pêcheurs sont appelés à mener une étude du marché local et à travers le pays et toute la sous-région de grand lacs ;
2. Améliorer la qualité des produits par les nouvelles techniques de transformation des produits halieutiques pour être compétitifs dans les marchés internationaux ;
3. Instaurer un système de communication sur l’évolution de prix des poissons dans les marchés intérieurs de la République Démocratique du Congo et de toute la sous-région. Ce système a l’avantage d’avoir les informations sur le prix des produits de pêche et permettre aux pêcheurs de décider des endroits où écouler leurs marchandises afin d’augmenter leurs revenus ;
4. Encourager une pêche contractuelle ;
5. Créer impérativement des activités alternatives pour les pêcheurs afin de diminuer la forte pression exercée sur le Lac Tanganyika ;
6. Création de coopératives de crédit au profit des pêcheurs et développer la chaine de valeur.

La liste des solutions proposées par nous n’est pas exhaustive, d’autres alternatives peuvent être envisagées afin de contribuer au bien-être des pêcheurs, à la préservation de la biodiversité aquatique considérée comme la base de ressources des pêcheurs en attendant ce qui peut être soutenu par le gouvernement et les acteurs d’appui.

La terre ferme ne cesse de vieillir avec ses montagnes. Elle se dégrade jour après jour et peut-être que, dans 50 ans, elle produira plus d’épines que de céréales. En ce moment-là, tous les habitants de la terre vont se rabattre sur les eaux des Lacs, des rivières et des océans d’où la nécessité de bien protéger ces patrimoines.

KAPALAY Jean-Pierre.

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