Une amélioration indubitable en Europe, mais...
AB : J’étais responsable des expertises halieutiques au niveau national à l’IFREMER et j’étais membre français du comité d’avis du CIEM, qui valide les évaluations faites par les différents groupes d’experts et formule les recommandations pour la gestion des ressources, mais également sur les écosystèmes, car il y a de plus en plus d’avis sur les écosystèmes marins vulnérables, notamment.
AS : Lors de ton départ d’IFREMER, tu as dit : « Je suis satisfait d’une chose, c’est que l’état des ressources est meilleur quand je quitte mon travail qu’au moment où j’ai commencé ».
AB : J’espère que personne n’a pris cela pour une relation de cause à effet. Peut-être que j’y ai contribué un petit peu, mais c’est vrai qu’il y a 20 ans, l’état des ressources exploitées en France et en Europe n’était pas bon du tout. En 20 ans, cela a été considérablement amélioré. Tout n’est pas encore parfait mais globalement, on était à 10% de populations en bon état plus 8% dégradé mais non surpêché, ce qui donne 18 % de « non surpêché ». L’Europe a fait une analyse sur le nombre de populations, l’analyse qu’on a faite à l’IFREMER, c’est regarder tous les débarquements en France métropolitaine et classifier chaque poisson dans les différentes populations en fonction de leur état. Donc en 2000, il y avait à peu près 20 % des volumes débarqués qui provenaient de populations exploitées durablement, avec une pression de pêche compatible avec le Rendement Maximum Durable (RMD). Aujourd’hui, on est à 56 %, (49 % en bon état et 7 % dégradé mais non surpêché) c’est un progrès non négligeable. En nombre de populations, il y a également une forte augmentation. La Commission Européenne raisonne en nombre et voit les mêmes tendances. Pour les biomasses dans la mer on voit également une très forte augmentation des poissons exploités durablement. Donc une amélioration indubitable, même si la situation n’est pas bonne en Méditerranée, sauf pour le thon rouge. Mais il ne faut pas se le cacher, cela c’est la situation en Europe, ce n’est pas le cas dans la majorité du reste du monde.
Les pêcheurs sont la variable d’ajustement d’une situation qu’ils ne maîtrisent pas
AS : C’est un résultat positif, cela fait du bien, car on a tellement peu de choses positives aujourd’hui pour l’environnement. Mais cette analyse est plutôt en contraste avec ce qu’on entend aujourd’hui sur la dégradation des océans, les menaces de disparition de poissons. Ce qu’on ressent aussi, c’est qu’on arrive à un palier. Il y a eu une amélioration dans les années 2000-20015 et actuellement on est plutôt dans une situation de stagnation. Est-ce que cela est dû à la surpêche ou à d’autres phénomènes, comme l’état du milieu soit à cause de la pollution soit à cause du réchauffement climatique ? J’ai entendu un scientifique spécialiste du plancton, travaillant en Mer du Nord, dire que depuis la fin des années 80, le problème principal pour la Mer du Nord ce n’était plus la surpêche, même si elle peut toujours exister, c’est l’état du plancton qui est modifié par le réchauffement climatique et par la pollution. C’est cela le problème principal. Que penses-tu de cette analyse ?
AB : Je voudrais revenir sur l’hypothèse de départ en disant que c’était plutôt une bonne nouvelle. Ce qui est valable pour l’Atlantique Nord Est, ce n’est pas le cas pour le reste du monde. Quand on globalise, les messages ne sont pas très bons, mais quand on fait des conférences de presse à l’IFREMER, où l’on porte un message positif et nuancé, 90 % des médias ne retiennent pas l’augmentation des populations en bon état, mais seulement les aspects négatifs des populations en mauvais état. C’est plus facile d’annoncer les mauvaises nouvelles que les bonnes. Sur la question environnement versus pêche, je pense qu’il y a les deux. Clairement pour certaines espèces, la question du plancton est primordiale. C’est le cas du cabillaud en Manche et sud de la mer du Nord où effectivement le réchauffement a fait quasiment disparaître un petit copépode qui est la proie favorite des cabillauds. Cela a contribué au déclin, le cabillaud est plutôt une espèce d’eaux froides et le réchauffement ne lui convient pas. Il y a clairement un problème environnemental, climatique. Il y a un problème de qualité des eaux, c’est indubitable. On l’a vu pour la sardine méditerranéenne, on le voit pour la sardine du Golfe de Gascogne. En Méditerranée, c’est clairement la pollution émanant du Rhône qui a fait que le plancton à disposition des sardines est plus petit et donc moins énergétique ; il ne favorise pas la croissance et cela conduit à des poissons plus petits. Donc, il y a à la fois des conditions environnementales (dont la pollution) et puis malgré tout de la surpêche.
J’ai de plus en plus de mal avec ce mot. Effectivement çà se réfère à l’objectif du RMD, mais c’est surtout le rapport entre la quantité exploitée et la biomasse disponible. Si la quantité disponible diminue plus vite que le niveau de prélèvement, même si on diminue la pression de pêche, on a quand même toujours une surpêche. Ce que je veux dire par là, c’est que ce n’est pas forcément le pêcheur qui est la seule cause. C’est compliqué à expliquer. Malheureusement, les pêcheurs le disent, nous on est la variable d’ajustement d’une situation environnementale qu’on ne maîtrise pas.
Il y a vraiment un problème d’environnement
AS : Quand on regarde les espèces qui sont problématiques, le crabe dormeur, la pêche a quasiment disparu ; on voit que le bulot est en situation difficile : à Granville le tiers de la flotte est actuellement en vente ; sur une soixantaine de bateaux, une vingtaine est en vente. Sur la sole, il y a, semble-t-il un problème, malgré les mesures qui sont prises depuis des années pour réduire l’effort de pêche, la biomasse ne se reconstitue pas. Toute une série d’espèces, on se rend compte qu’elles sont en difficulté par rapport à l’état du milieu, soit à cause de virus, de problèmes de pollution, du réchauffement.
AB : Oui, je ne connais pas bien le tourteau, encore moins le bulot, mais pour la sole, très clairement, depuis pas mal d’années, l’évaluation montre qu’il faut réduire les captures. Les quotas sont fixés en fonction de nos recommandations et malgré tout, le stock continue à diminuer, même si cette année, il s’est plutôt stabilisé. En tout cas, on voit que le renouvellement des populations, les jeunes dans la pêcherie, sont en constante diminution et ça n’est quasiment pas lié à la pêche. Le stock de géniteurs se maintient plus ou moins bien, mais c’est surtout un problème de développement des œufs et des larves. C’est clairement un problème environnemental, sachant que les œufs et les larves se développent dans des milieux très côtiers, dans des estuaires qui sont des lieux où la pollution peut être importante. Donc il y a vraiment un problème d’environnement. Il peut y avoir pour la sole des captures non déclarées, hors taille, mais ce n’est pas le problème principal. Pour moi, la sole, c’est vraiment un problème de succès de la reproduction. La contribution en œufs est toujours à peu près constante, c’est le développement qui est en cause et c’est un problème environnemental.
AS : Un peu comme pour la morue.
AB : Oui, effectivement. C’est peut-être une faiblesse de nos modèles de prévision. On prévoit ce qui va se passer dans 2- 3 ans. Évidemment on prend comme base de départ, la situation moyenne des dernières années. Donc il y a forcément un décalage de 5-6 ans entre nos bases d’hypothèses. Nos prévisions sont forcément pessimistes parce qu’on prend un recrutement moyen. C’est un peu le serpent qui se mord la queue. Mais nos évaluations ne sont pas complètement à remettre en cause, dans la mesure où les captures sont largement en dessous des quotas. Si nos prévisions avaient été plus pessimistes, si les quotas avaient été ajustés, on serait probablement aux mêmes captures. Il y a eu une surestimation.
AS : Est-ce qu’il y a d’autres espèces où les captures sont en dessous des quotas, pour le merlu ou la lotte par exemple ?
AB : Si c’est des quotas français, il y a beaucoup de captures en dessous des quotas, mais il y a des échanges avec les Espagnols, par exemple, et au niveau international, les TAC sont consommés. Pour le merlu, les Espagnols en pêchent tellement qu’ils consomment le TAC. Mais il y a d’autres espèces où les captures sont largement au-dessus des recommandations : maquereaux, merlan bleu, parce qu’il n’y a pas d’accord et s’il y a des accords, ils ne sont pas suivis. Mais là on n’est plus dans l’Union Européenne seulement.
AS : On est dans la grande pêche industrielle où il y a des intérêts puissants. C’est un bilan contrasté de la situation, mais ce qu’on entend aujourd’hui, dans les médias, c’est autre chose. On a les campagnes de Bloom avec l’appui d’un certain nombre de scientifiques. Ils viennent de publier un document disant qu’aujourd’hui, la durabilité n’était pas adaptée et que les océans allaient continuer à se dégrader si on ne remettait pas en question les modalités et les pratiques de pêche. C’est le discours médiatique dominant qui met en avant la surpêche, la pêche industrielle destructrice, etc., qui met en cause les engins comme les dragues, les chaluts, même les filets qui ne sont pas sélectifs, les palangres non plus…
AB : Il ne reste plus grand-chose, même pas la ligne.
AS : Il reste la canne, on est sur une vision extrêmement réductrice de la pêche
Small is beautiful, ce n’est pas toujours vrai
AB : Tout n’est pas à rejeter dans le discours tenu par ce courant scientifique, parce que le RMD, c’est une notion qui a été développée sur une approche monospécifique. L’écosystème marin, ce n’est pas une seule espèce. De plus en plus, dans nos évaluations, on essaie de prendre en compte ces interactions, en intégrant la prédation en plus de la mortalité par pêche. Avec une estimation des prédateurs on arrive à avoir une estimation grossière de la pression qu’exercent les prédateurs sur les grands types de proies. Et on intègre cela dans nos modèles… Donc on n’est plus seulement dans l’analyse monospécifique. Cela peut être beaucoup amélioré. Après, la question pêche industrielle / pêche artisanale, j’avoue que çà me dépasse complètement qu’on puisse avoir des discours là-dessus parce que pour moi, ce n’est pas tellement la taille du bateau, c’est ce qu’on capture qui est important. Quand Bloom dit : « C’est scandaleux, ls pêchent chaque jour 200 T de merlan bleu », et alors ? Ils ont le droit de les pêcher, le quota français de merlan bleu, il est respecté. Ce n’est pas le cas pour les autres pays. Il n’y a pas de problème à ce niveau-là, et personne d’autre ne commercialise ce poisson en France. Pour moi, la campagne de Bloom sur la Compagnie des Pêches de St Malo, c’est complètement caricatural.
Alors, on peut se poser des questions sur le maquereau. Le partage du quota entre la pêche industrielle et la pêche artisanale est à réviser. Là il y a vraiment une compétition entre les deux secteurs dans la mesure où la pêche artisanale capture et commercialise le maquereau. Pour le reste, pour nous halieutes, ce qui nous intéresse, c’est la quantité de captures, qu’elles soient faites par un gros bateau ou 50 petits. Du point de vue économique ou social on peut discuter, mais ce n’est pas mon sujet ; mais il est évident socialement qu’il y a plus d’emplois avec 50 petits bateaux qu’avec un gros bateau. Au niveau économique, l’efficacité énergétique d’un gros bateau est sans doute meilleure quand on rapporte le kilo de poisson au kilo de gasoil. Globalement, « Small is beautiful », ce n’est pas toujours vrai. C’est attractif pour le grand public, mais dire qu’il faut une cohabitation entre la pêche des gros bateaux et la pêche des petits bateaux, ce n’est pas du tout porteur et pourtant, c’est la seule solution. On parle beaucoup de souveraineté alimentaire, ce n’est pas avec des petits bateaux pêchant à la ligne qu’on va nourrir la population.
AS : Surtout si on n’a que de petits bateaux restreints à la bande côtière qui est déjà la plus surexploitée et polluée.
AB : Absolument. La solution la plus simpliste c’est d’arrêter de manger du poisson, d’ailleurs, c’est le discours d’un certain nombre de personnes.
AS : En fait la proposition faite par ces groupes-là vise à obtenir le Rendement économique maximal ; moins on va pêcher, plus les prix seront élevés, la rente sera importante, mais la contrepartie, c’est qu’on aura peu de pêche. Il y a un modèle qui fonctionne comme cela et ce n’est pas un hasard, si les Australiens sont cosignataires de ce texte-là. L’Australie est un véritable continent où on ne pêche quasiment pas, de l’ordre de 150 000 à 200 000 T.
AB : Avec des licences qui sont très chères.
AS : Les pêcheurs peuvent s’en sortir mais on restreint en permanence l’activité en créant des zones protégées. Cela nous amène au débat actuel sur les engins traînants considérés comme extrêmement destructeurs, les chaluts, les dragues etc. Qu’en penses-tu ?
AB : Je crois qu’on n’a pas bien quantifié l’impact de ces engins. Il y a quelques mesures, notamment de la surface balayée ; mais ce qu’on ignore encore, c’est la capacité de résilience de ces milieux. Si on arrête de pêcher au chalut, est-ce que c’est définitivement mort ? Auquel cas ce n’est pas durable, ou est-ce que c’est suffisamment résilient pour que dans 5-10 ans on retrouve un écosystème vivant ? Ça dépend de la nature des fonds. Pour moi, il n’y a pas de doctrine générale. Il faut regarder nature des fonds par nature des fonds ; passer un chalut ou une drague dans un champ de corail, çà fait des dégâts et cela mettra quelques centaines d’années à se reconstituer. Passer une drague ou un chalut dans des sédiments sablo-vaseux, ça remue le sédiment, mais est-ce aussi grave que cela ?
L’impact des tempêtes sur la grande vasière, c’est plus important que la pêche pour la remise en suspension des sédiments
AS : Ce que me disent des pêcheurs, de toutes façons les fonds sont remués en permanence.
AB : Oui, il y a eu toute une étude dans le Golfe de Gascogne sur l’impact des tempêtes sur la grande vasière. Elles ont un impact même à 100 m de profondeur et c’est plus important que la pêche pour la remise en suspension des sédiments.
AS : Est-ce forcément négatif ?
AB : Ça peut ne pas être négatif.
AS : Des études ont montré qu’après les grosses tempêtes, il y avait une arrivée de poissons qui venaient se nourrir. Des pêcheurs le disent, nous ont sort après les tempêtes parce que le poisson vient se nourrir. C’est assez compliqué.
Il y a aussi une étude faite dans le Golfe de Maine, au N-E des Etats-Unis sur les zones travaillées par les dragues à pétoncles. Des zones sont interdites à la drague depuis trente ans et d’autres ouvertes à la pêche avec des périodes de jachères. Le constat, c’est qu’il n’y avait aucune différence en termes de biodiversité parce qu’en fait ces fonds sont remués naturellement par les courants, les marées, les tempêtes.
AB : C’est vrai jusqu’à une certaine profondeur. Quand on passe un chalut à 200 m dans le Golfe de Gascogne, la situation est différente, même s’il existe des courants, l’impact des tempêtes est moindre. L’étude dont tu parles est intéressante. Nous on avait proposé cela il y a longtemps, mais on avait été renvoyés dans nos buts, gentiment. On aurait fermé une partie de la grande vasière au chalutage pour voir les effets de plus près. Les pêcheurs bigoudens nous disent : si on ne laboure pas la vasière, il n’y aura pas de langoustines.
AS : Cela a été fait, il y a eu un box merlu à la fin des années 60. Les pêcheurs disent, quand on est revenu dans cette zone, il n’y avait rien de pêchable. On peut recommencer l’expérience. J’imagine qu’avec les AMP on va être obligés de passer par des mesures comme celles-là.
AB : S’il y a une interdiction des engins traînants dans toutes les AMP, ce n’est pas nécessaire, mais si cela arrive on pourra voir l’impact de l’interdiction. J’ai été très surpris de la proposition de la Commission Européenne, comme celle de la proposition du secrétaire d’État qui n’a pas été adroit sur le sujet. Pour moi l’interdiction de tout engin traînant dans les AMP, cela n’a pas de sens, surtout dans des AMP dédiées à la protection des oiseaux par exemple. Quel est l’impact d’un chalut de fond sur des fous de Basan ?
AS : Ce qui est certain, c’est qu’on a besoin de faire un travail scientifique d’évaluation des impacts.
AB : Absolument
AS : On pourrait prendre des mesures temporaires pour voir les effets, mais il ne doit pas y avoir de mesures définitives sans études poussées.
Dans La loi sur la restauration de la nature, il n’y a aucune définition de ce qu’est un habitat dégradé.
AB : Je suis d’accord. Ce n’est pas simple d’estimer la résilience des différents types d’écosystèmes. Quand on voit la loi sur la restauration de la nature, il n’y a aucune définition de ce qu’est un habitat dégradé. Il faut un seuil mais le seuil n’est pas défini et puis pourquoi 30 % d’AMP ?
AS : 30 % c’est à la mode, c’est 30 X 30 (30 % en 2030), après ce sera 40 x 40 et ils ont prévu 50 x 50.
AB : Pour la restauration de la nature, il y a eu un amendement pour que le % ou l’échéance ne soit pas la même selon que ce soit des fonds sablo-vaseux ou des substrats plus sensibles.
AS : La question que pose la restauration de la nature, c’est qu’on ne restaure pas la nature comme une cathédrale. Qu’est-ce qu’on prend comme base de référence ? J’ai étudié un bouquin sensationnel sur l’évolution environnementale de la Firth of Forth, l’estuaire d’Edimbourg. C’est extraordinaire parce qu’on voit comment le milieu a évolué en fonction de son utilisation. Le saumon a disparu avec les barrages, le sprat a disparu, le hareng qui venait se reproduire laissait des épaisseurs de laitance sur les fonds. On passait des dragues pour en récupérer et fertiliser les sols. Tout cela a modifié le milieu. Après il y a eu l’industrialisation. Il y a l’île de Basan où se reproduisent les fous. Les gens se nourrissaient des jeunes fous, bien gras avant leur envol. Il n’y avait aucun phoque, aujourd’hui ils sont plus de 40 000. L’île de Basan est couverte de fous au moment de la reproduction car ils ne sont plus chassés ; Le milieu est complètement transformé, bouleversé. Ça me surprend qu’on utilise ce langage-là, mais il l’est dans le but d’évacuer l’homme du milieu.
AB : C’est la vision de la « virginité ». On parle aussi des stocks de poisson ; on estime la biomasse initiale, mais on l’estime comment ? On le fait à partir de modèles, on regarde quelle est la situation environnementale aujourd’hui, on essaie de calculer ce que cela donnerait s’il n’y avait pas de pêche. Mais qui peut dire quelles étaient les conditions environnementales à l’origine ?
AS : Ce qui est frappant aussi quand on regarde l’histoire, c’est qu’il n’y a pas de stabilité. Il y a des moments où des espèces sont abondantes, puis elles disparaissent. Même la morue au Canada, il y a eu des décennies où elle avait quasiment disparu. Donc qu’est-ce qu’on prend comme base ? Sauf à évacuer l’homme du terrain, on n’a pas de restauration d’un milieu transformé.
AB : L’action de l’homme est négative, mais pas irrémédiable. Pour moi, c’est cela la durabilité, la résilience c’est cela. On arrête l’action et le milieu se reconstitue, même si ce n’est pas comme avant. C’est compliqué. C’est beaucoup plus simple de dire : on revient à la virginité.
AS : Mais on va être confrontés à la question de l’alimentation. Quand on voit aujourd’hui la fragilité des activités agricoles, avec les sécheresses, les aléas climatiques… Tout cela rend l’agriculture de plus en plus aléatoire et donc on aura besoin de l’ensemble des ressources. Il faut que ces ressources soient préservées mais pour qu’on puisse aussi les utiliser pour le bien des gens.
AB : Notre génération a été encore un peu bercée dans l’après-guerre et le besoin de répondre à la demande alimentaire. Mais aujourd’hui, c’est la biodiversité qui est la priorité.
AS : C’est la réalité d’un monde déconnecté de la nature, qui fantasme parce qu’il n’est pas confronté en permanence à cette nature.
Le 1er octobre 2024