Sénégal : Karim Sall, pour l’amour de la mangrove

, par  SARR, Lucie

Le quotidien "La Croix" nous autorise à reproduire cet article à l’occasion de La Journée Mondiale des Pêcheurs, du jeudi 21 novembre 2024 à Lorient. En effet Karim Sall y assistera et y interviendra. Il est aussi l’un des invités du Festival Alimenterre en ce mois de novembre 2024.

Né à Joal en 1966, Abdou Karim Sall est un pêcheur et militant écologiste sénégalais. Il s’est donné pour objectif de restaurer la nature dans les îles du Saloum et d’inciter les jeunes à résister à la tentation des migrations clandestines.

Dans la ville de Joal, sur la côte sénégalaise, de nombreuses fresques murales décrivent les actions nécessaires à la préservation de la nature et de la biodiversité. Elles sont l’œuvre de l’association pour la gestion intégrée des ressources naturelles de l’environnement (Agire), dirigée par Abdou Karim Sall.

L’homme de 58 ans, président de la Plateforme des acteurs de la pêche artisanale du Sénégal (Papas), militant écologiste et activiste dans la sensibilisation contre les migrations clandestines, vit ses journées à 100km/h, malgré la lourdeur de sa jambe handicapée par une blessure au football mal soignée. « J’avais 12 ans, je m’étais déboité la hanche en jouant au football, raconte-t-il. Cela a été mal soigné, car nous n’avions pas les moyens. Je me suis retrouvé avec une jambe qui a grandi, et l’autre non. »

Karim ne nourrit aucun complexe face à ce handicap. Élevé par sa grand-mère transformatrice de poisson, il devient pêcheur après un échec scolaire. À ce titre, il est confronté à la crise de la pêche qui frappe le pays depuis les années 1970. Président de la Plateforme des acteurs de la pêche artisanale du Sénégal, il dénonce les dérives de la pêche industrielle et milite pour préserver la nature sur la Petite Côte au Sénégal.

« J’ai commencé à m’intéresser à protection de l’environnement quand, il y 30 ans, Haïdar El Ali, influent militant écologistes sénégalais m’a pris sous son aile, explique-t-il. Il m’a formé et en 2004 il m’a confié un projet de reboisement de 2000 hectares de mangrove. » Mais Karim est surtout très curieux et veut engranger le plus de connaissances possibles. « J’ai voyagé, je suis parti en Bretagne, en Espagne et ailleurs encore. J’observe ce qui s’y fait et j’essaie de voir comment cela peut être adapté chez nous », commente-t-il.

Aider les communautés locales

Depuis une vingtaine d’années, ce pêcheur sénégalais a mené à leur terme une quinzaine de projets de reboisement de mangrove dans les îles du Saloum avec, au total, plus de 5000 hectares de mangrove - notamment les palétuviers Rhizophora et Avicennia - plantées sur la zone du eltda du Saloum.

Pour formaliser son engagement en faveur de la nature, Abdou Karim Sall fonde en 2019 l’association pour la gestion intégrée des ressources naturelles de l’environnement (Agire). Dans cette structure, il recrute une douzaine de jeunes dont Salimata Ba, trésorière de l’association qui en explique le bien-fondé. « Nous voulons faire prendre conscience à la population locale de la nécessité de la conservation de la mangrove et plus généralement de la biodiversité », s’enthousiasme-t-elle.

Pour cela, diverses activités sont mises en œuvre, notamment le captage de naissains d’huitres. Il se fait grâce à des guirlandes confectionnées à l’aide de coquilles d’huîtres vides et du bois d’eucalyptus qui résiste à l’eau de mer. L’association élève également des huîtres à l’aide de pochons réalisés localement de façon artisanale et ensemence des arches ! une variété de mollusques prisée au Sénégal et dont la collecte constitue l’activité principale des femmes sur les îles du Saloum.

« Dans les vasières proches de la population, l’espèce s’est raréfiée, confie Karim. Nous allons en pirogue dans les zones inaccessibles aux femmes qui en collectent, nous ensemençons les arches et nous assurons le suivi. Au bout de six à dix mois, nous rouvrons cette vasière et faisons un communiqué pour informer tous les villages. »
Tous les combats sont liés

Pour combattre la disparition des ressources halieutiques, l’association a également mis en place des récifs artificiels qui permettent d’assurer la protection et le suivi des tortues de mer et des lamantins. Elle réalise par ailleurs une pêche expérimentale pour surveiller l’état du stock de poisson dans les eaux de Joal et répertorier le nombre d’espèces.

Comme pêcheur, Karim observe avec consternation le phénomène des migrations clandestines. « Je fais beaucoup de sensibilisation pour inciter les jeunes à rester au Sénégal. Mais c’est difficile, soupire-t-il. Mon propre fils est parti à mon insu alors qu’il avait un bon emploi et ne manquait de rien. »
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Pour le quinquagénaire, tous les combats qu’il mène sont liés. « Comme pêcheur, l’on est touché au premier chef par l’importance de la biodiversité, insiste-t-il. Cette biodiversité - si elle est préservée - peut permettre l’autosuffisance alimentaire au Sénégal et freiner les migrations clandestines. »

Voir en ligne : ttps ://international.la-croix.com/f...

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