De grâce, respectons les dauphins et écoutons les pêcheurs !

, par  EPALZA, Mikel

Le mois de février 2025, par décision gouvernementale, 350 navires de pêche du golfe de Gascogne (au sud du 48e parallèle), resteront à quai, comme en 2024.

Le mois de février 2025, par décision gouvernementale, 350 navires de pêche du golfe de Gascogne (au sud du 48e parallèle), dont un bon nombre de navires du quartier maritime de Bayonne, resteront de nouveau amarrés au port. 350 entreprises flottantes pénalisées ! Raison invoquée : protéger les cétacés. Arrêt de tous les navires (sauf palangriers, caseyeurs et chaluts de fond). Cette interdiction qui a lieu au mois le plus bénéfique pour la pêche entraîne un manque à gagner important pour la filière pêche.

La perte en criée de Ciboure pour 2024 a été de 1 366 tonnes (- 81 %) et 2,27 M € (- 76 %), par rapport à 2023. 290 navires ont été indemnisés ; mais pas les criées, coopératives, mareyeurs, acteurs divers… Perte sèche.

Ce sont des bateaux de pêche de plusieurs pays européens qui naviguent dans notre golfe ; pourquoi la France est-elle la seule à agir de la sorte ? Pourquoi ne pas faire une Opération-Vérité sur la mortalité des cétacés et leur échouage sur nos côtes ?

Seulement 0,9 % des échouages de cétacés a lieu sur la côte basque, 80 % au nord de l’estuaire de la Gironde. Il n’y a aucun souci pour les marsouins ou autres cétacés, mais seulement pour l’espèce dénommée « dauphin commun » (75 % des échouages).

Quelle est la réalité des chiffres concernant la mortalité et l’échouage des dauphins ? Quelle est la part de mortalité due à leur cycle naturel, leur alimentation, leurs maladies ? Quelle est la part venant de la modification de la biodiversité de toute la chaîne alimentaire marine qui va du plancton aux cétacés ? Quelle est la part de la pollution marine, de la tropicalisation de nos eaux ? Quelle est la part de responsabilité des pêcheurs, quels sont les métiers concernés ? Comment y remédier ?

Le CIEM, Conseil International pour l’Exploitation de la Mer, organisme d’observation de la ressource marine en Atlantique Nord-Est, estime que, sur le plateau continental maritime européen, il y a eu en 2020, 6 000 captures accidentelles de dauphins communs pour une population de 634 000 individus. Cela fait une mortalité accidentelle de moins de 1 % de dauphins, causée par des filets de pêche. Paradoxalement, en 2024, durant le mois de fermeture de la pêche dans notre golfe, le nombre d’échouages de dauphins morts a été supérieur à celui observé en 2021 et 2022, années sans fermeture !

Après avoir fait ce constat, l’on peut se poser cette question : pourquoi s’en prend-on si drastiquement aux communautés de pêcheurs ? Certes, ils ont leur part de responsabilité, mais pourquoi le Conseil d’État et le gouvernement français n’ont écouté que les trois ONG dont WWF, sans prendre le temps d’écouter ceux qui connaissent la mer ? Que disent les instances maritimes officielles ? La société PELAGIS qui, depuis un demi-siècle, observe les mammifères marins et les cétacés et coordonne le réseau des cétacés échoués ? L’IFREMER (Institut de recherche scientifique des ressources halieutiques) experte en matière maritime ? Et que disent les autres organismes de recherche ?

Pourquoi reste-t-on sourd aux paroles des organisations des pêcheurs qui ont mis en place des « pingers », systèmes pour éloigner les cétacés des filets ? Il faut savoir que la pêche professionnelle est très contrôlée, et que l’état de la ressource est aussi sous surveillance. Voici les données de la criée de Ciboure : 62 % des espèces de poissons débarqués sont en bon état ou en reconstitution, 15 % non estimé, 14 % surpêche et dégradé, 2 % effondré (...).

Noël en mer, ce serait que l’on respecte les dauphins, amis des hommes, et que l’on écoute les pêcheurs, bergers de l’océan ; que soit établi, entre tous les acteurs maritimes, un protocole vertueux consistant à connaître et à protéger les dauphins, et à mieux connaître les pêcheurs et à les accompagner pour qu’ils vivent dignement de leur noble métier.

C’est ce qui a été demandé en novembre 2024 par ICSF (Collectif International de Soutien aux Travailleurs de la pêche), lors de la Conférence des Nations-Unies sur la Biodiversité, à Cali, Colombie : « Une approche de la biodiversité des eaux continentales, côtières et marines, par l’ensemble de la société ne peut être réalisée qu’en incluant les acteurs de la pêche artisanale et en garantissant leur participation effective. Elle peut être réalisée en accordant une attention particulière à l’inclusion des acteurs du secteur de la pêche, en particulier les pêcheurs, dans les processus de prise de décision, de mise en œuvre et de suivi. » Cette demande concernant la participation des pêcheurs aux décisions qui concernent leur vie est partagée par tous les membres de la Mission de la Mer.

Mikel Epalza, Mission de la Mer, aumônier des marins 

Source : DENAK ARGIAN - HIVER 2024 (bulletin inter paroissial de la côte basque

Navigation