Groupe de travail sur la pêche continentale
La mise en place à l’issue de l’assemblée générale du WFFP à Brasilia d’un groupe international de travail sur la pêche continentale, une première en Afrique, et bien d’autres actions sont autant d’indicateurs qui montrent que le monde de pêche est en train de se défaire, de se faire et de se refaire afin de devenir un partenaire incontournable dans le monde et d’offrir aux consommateurs une nourriture juste, bonne et propre, mais aussi contribuer à l’essor économique des pêcheurs et à la sécurité alimentaire des populations. La présence de Margaret Nakato du World Forum of Fish Harvesters (WFF) à la Journée Mondiale des pêcheurs à Lorient, qui a témoigné de son engagement dans la défense des femmes dans la pêche en Ouganda, a également permis de mettre l’accent sur l’importance des pêches continentales pour la sécurité alimentaire en Afrique alors qu’il y a lieu de se poser la question de savoir si la Terre sera en mesure de nourrir 10 milliards d’hommes d’ici 2050.
Il y a urgence à mobiliser tous les pêcheurs à travers le monde pour développer ici et maintenant des stratégies concertées pour défendre ce qu’ils ont en commun c’est-à-dire les eaux des fleuves, des rivières, des lacs et océans.
Le Lac Tanganyika, une oasis menacée

Depuis plusieurs années, le Lac Tanganyika a été connu comme une OASIS de paix par tous les pêcheurs de la R.D.Congo, de la Tanzanie, du Burundi et de la Zambie. Les pêcheurs exercent paisiblement leurs activités contrairement à leurs amis d’autres lacs du pays et de la sous-région où le braquage, l’emprisonnement des pêcheurs par la marine soit ougandaise, soit angolaise, soit rwandaise, soit centrafricaine, sont monnaie courante.
Mais cette situation a été remise en question car il y a quelques jours de nombreux pêcheurs du Territoire de Moba, une contrée située à environ 350 km de la Ville Kalemie, se sont vu ravir par des hommes armés non identifiés leurs matériels de pêche au village de Kyumbi : 4 hors-bords, plusieurs filets et bien d’autres matériels importants de pêche. Les services de sécurité sont à pied d’œuvre pour mettre la main sur ces hors la loi.
Car si ce climat peu rassurant persiste sur les eaux du Lac Tanganyika, les pêcheurs ne pourront plus monter vers les eaux du large en quête des poissons, craignant pour leur vie.
Cela risque de plonger la zone dans une pénurie de cet aliment de base alors qu’il faut déjà faire face à l’insuffisance des poissons sur les marchés locaux. Cette pénurie est causée par plusieurs facteurs notamment : la surpopulation, les effets du changement climatique, les inondations à répétition ces 4 dernières années, la pêche illicite, la surpêche, etc.
Par ailleurs, la guerre dans le Nord-Kivu et une partie du Sud-Kivu va surement avoir des conséquences négatives sur les activités de pêche et créer une rareté des poissons sur les marchés locaux de ces deux provinces. Les quelques pêcheurs que nous avons réussi à joindre pendant leur fuite à la suite de l’avancée des troupes du M23 et de l’armée rwandaise nous ont confirmé que la perte des matériels pillés par les rebelles est énorme, et il faudra beaucoup des moyens pour reconstituer les équipes de pêche.
Un appel est lancé vers le WFFP, le Slow Food, la FAO, la CONAPAC, le COPETANG afin de mener un plaidoyer auprès des partenaires techniques et financiers en faveur de ces pêcheurs sinistrés pour la relance de leurs activités et la reconstitution des écosystèmes aquatiques.
Lac Tanganyika, une recherche qui s’impose
Il est temps que les scientifiques des quatre pays qui ont en commun le Lac Tanganyika à savoir la R.D.Congo, la Tanzanie, le Burundi et la Zambie envisagent la possibilité de mener des recherches sur le lac Tanganyika et ceux de la sous-région des Grands Lacs, afin de s’assurer des réelles potentialités halieutiques de ces lacs et proposer un modèle de gestion concertés aux États avant qu’il ne soit trop tard. Les signaux sont au rouge.
La province du Tanganyika a la chance d’avoir une grande université publique (UNIVERSITÉ DE KALEMIE) dotée d’une faculté d’agronomie et environnement qui peut, avec d’autres scientifiques, mener des recherches approfondies sur nos lacs et tirer des conclusions.
Le WFFP RDC, le Slow Food Tanganyika, le COPETANG, la CONAPAC et les autres ONGs vont ensemble mener un plaidoyer auprès des autorités de l’université de Kalemie pour obtenir un accord à ce propos.
L’heure est grave, chaque groupe de travailleurs de la mer et de la terre doit se battre pour protéger ce qui lui revient. Les pêcheurs doivent plus que jamais, se mettre ensemble pour défendre leurs droits ; car plus ils seront unis, plus ils seront nombreux, plus ils deviendront fort et plus leur plaidoyer sera entendu.
KAPALAY KABEMBA Jean Pierre. Kalemie (R.D du Congo). Février 2025