Savoirs vivants et connaissances vivantes : deux dimensions du vivant
Nous distinguons les savoirs vivants des connaissances vivantes, tout en reconnaissant leur
profonde complémentarité.
• Les savoirs vivants sont intimement liés à l’expérience, à l’action, à la capacité d’agir dans des situations concrètes, souvent singulières, complexes, localisées.
Ils sont incarnés dans des pratiques, dans des gestes, dans des manières de faire ou d’être. Ce sont des savoirs créés ou issus du terrain, souvent transmis par l’expérience, la mémoire collective, l’observation attentive du vivant, reliant et associant différents savoirs de champs et de domaines différents
• Les connaissances vivantes, quant à elles, renvoient davantage à des éléments plus abstraits, théoriques ou systémiques. Elles peuvent venir de la science, de la recherche, ou de formes plus universelles de compréhension du monde. Elles deviennent vivantes lorsqu’elles sont reliées à la vie réelle, mises en pratique, articulées à d’autres savoirs pour répondre à des besoins concrets.
Les maestros et maestras de connaissances et savoirs vivants ont cette capacité singulière de relier ces deux dimensions. Ce sont des créateurs de connaissances nouvelles, parce qu’ils savent tisser ensemble des éléments issus de sources diverses : savoirs empiriques, connaissances scientifiques, pratiques traditionnelles, innovations techniques ou sociales. Leur intelligence est créative, transversale, ancrée dans le réel.
Une compétence de reliance, une attitude d’être
Être maestro ou maestra de connaissances et de savoirs vivants, c’est bien plus que maîtriser un corpus de savoirs. C’est :
• être capable d’appréhender la complexité d’une situation vivante liée à un métier, à un territoire, à un enjeu sociétal,
• agir avec discernement, en combinant différentes ressources de manière adaptée,
• et partager, transmettre ces ressources avec générosité, clarté et sensibilité.
Cette maestria s’exprime aussi comme une compétence sociale et relationnelle : savoir se relier aux autres, reconnaître et valoriser les savoirs qu’ils portent, co-construire des solutions, nourrir l’intelligence collective.
C’est une qualité d’être qui se manifeste dans la posture, l’écoute, l’ouverture, la confiance accordée au vivant et aux autres. Elle est souvent reconnue par les membres d’une communauté ou d’un réseau, non pas à travers des titres officiels, mais par la manière dont la personne inspire, soutient et relie.
Pourquoi ces savoirs et connaissances vivants sont-ils essentiels aujourd’hui ?
Face aux défis multiples et imbriqués de notre époque (écologiques, sociaux, technologiques, culturels), nous avons besoin de ressources nouvelles pour penser et agir autrement. Les savoirs et les connaissances vivants constituent des réponses profondément ancrées dans le réel : adaptables, sensibles, pertinentes.
Ils permettent :
• de réinventer les métiers, les pratiques, les modes de vie,
• de relier des mondes souvent séparés : local et global, empirique et théorique, ancestral et innovant,
• de favoriser la transition vers des sociétés vivables, durables et solidaires.
Reconnaître les Maestros et Maestras : quels critères ?
La reconnaissance d’un maestro ou d’une maestra ne repose pas sur un statut formel, mais sur
des éléments observables et vécus :
• Une reconnaissance communautaire : par une organisation, un collectif, un réseau, qui observe leur impact.
• Une capacité de reliance : entre différentes formes de savoirs et de connaissances.
• Une action dans la complexité : répondre à des situations nonréductibles à des solutions toutes faites.
• Une qualité relationnelle : écoute, coopération, capacité à faire émerger
les savoirs d’autrui.
• Un geste de transmission : rendre accessible, inspirer, faire école sans imposer.
Ce sont des personnes qui incarnent une maestria vivante, faite de pratique, d’intuition, d’apprentissage constant, et d’engagement au service du vivant.
Une vision pour le présent et l’avenir
Un maestro ou une maestra de connaissances et de savoirs vivants, c’est une personne qui tisse
des liens fertiles entre l’intelligence du monde et les besoins concrets de la vie. Elle agit à la croisée des chemins, là où la théorie rencontre la pratique, là où l’innovation dialogue avec la mémoire, là où la complexité du vivant appelle des réponses sensibles et responsables.
Elle ou il n’est pas un expert au sens classique, mais un artisan des savoirs et connaissances reliés, un éclaireur du vivant, un catalyseur de transformations.
Pierre Vuarin
Université Internationale Terre Citoyenne (UITC)