Appel à la Commission européenne : Une stratégie inclusive pour les océans est nécessaire pour garantir des communautés de pêche durables

A l’attention de Mr Virginijus Sinkevičius
Commissaire désigné pour l’Environnement et les Océans
Commission européenne

Cc : Jutta Urpilainen, Commissaire désignée pour les Partenariats internationaux

Nous, organisations et personnes soussignées, sommes profondément préoccupées par les priorités récemment publiées par la DG Mare de la Commission européenne concernant les océans intitulée « A Blue Economy Initiative to Combat Climate change » car elles n’incluent pas la nécessité d’établir une pêche et des communautés de pêche durables.

Même si la pêche est de loin le plus grand fournisseur d’emplois, de revenus, de moyens de subsistance et d’alimentation parmi toutes les industries océaniques, elle est absente de la stratégie de la Commission européenne visant à assurer la croissance de l’économie bleue . En conséquence, la Commission européenne se concentre exclusivement sur le développement d’autres secteurs, en particulier la production d’énergie, l’aquaculture, le transport maritime, la biotechnologie marine, l’exploitation minière et le tourisme. Ces secteurs occupent l’espace maritime, et ont également un impact direct sur la biodiversité et sur la durabilité de la pêche.

Un problème fondamental dans l’approche de la Commission est l’utilisation d’indicateurs économiques bruts : la croissance de l’économie bleue se mesure presque exclusivement par le biais de la valeur ajoutée brute. La Commission européenne est consciente des failles dangereuses qui découlent de cette approche et de la nécessité d’élaborer des indicateurs plus inclusifs du progrès social et environnemental. En effet, dans le cas de la pêche, son rôle et son importance ne peuvent être pleinement compris que lorsqu’on examine non seulement la valeur ajoutée économique, mais aussi les contributions vitales de la pêche durable à la sécurité alimentaire, aux moyens de subsistance, la cohésion sociale, au patrimoine culturel et à l’identité. Il existe également d’importantes synergies entre la pêche et d’autres secteurs, tels que le tourisme côtier. La pêche fait également de plus en plus partie des initiatives d’économie circulaire (traitement des sous-produits de la pêche en nouveaux produits, recyclage des engins de pêche, etc). Les pratiques de pêche traditionnelles et l’incorporation des savoirs traditionnels dans le travail des scientifiques contribuent à une pêche durable. En l’absence de politiques protégeant la pêche et les communautés qui en dépendent, l’approche de la Commission européenne augmentera la concurrence pour les ressources dans les zones côtières, et la pêche durable et les communautés de pêche seront probablement du côté des perdants.

Parmi les priorités proposées par DG Mare, l’initiative sur les produits de la mer et de l’aquaculture implique que l’appui à l’aquaculture et l’exclusion de la pêche permettront de décarboner ce secteur alimentaire. Cet argument est très discutable. Premièrement, la politique de pêche devrait être au cœur de l’action climatique : la fin de la surpêche, avec le développement de pêcheries à faible impact, améliorera la résilience des océans au changement climatique. Deuxièmement, la promotion d’industries océaniques qui font concurrence à la pêche, telles que l’exploitation minière en eau profonde et l’aquaculture intensive, contribueront davantage à la crise climatique et à la destruction de l’environnement côtier.

Cette vision d’une croissance bleue non inclusive, qui marginalise la pêche, est d’autant plus préoccupante qu’elle est promue dans le dialogue que la Commission européenne entretient avec les pays tiers. L’Union européenne soutient actuellement l’Union africaine pour développer sa stratégie de croissance bleue. En Afrique, la pêche, et la pêche artisanale en particulier, sont essentielles à la durabilité sociale, économique et écologique des communautés côtières. Les acteurs africains de la pêche artisanale, consultés par le biais des plates-formes d’acteurs non étatiques de la pêche initiées par l’Union africaine, ont souligné que la pêche durable et le bien-être des communautés côtières doivent être prioritaires dans la Stratégie de croissance bleue de l’Afrique, afin de les protéger des menaces environnementales qui pèsent sur les écosystèmes côtiers et de promouvoir un développement inclusif.

Compte tenu de ce qui précède, la Commission européenne doit reconnaître, respecter et défendre le rôle vital de la pêche durable et des communautés côtières dans l’économie bleue en Europe et dans les pays partenaires. Les Directives volontaires de la FAO de 2014 sur la sécurisation de la pêche à petite échelle durable dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté reconnaissent l’importance de ces communautés et fournissent un cadre solide pour une approche qui soit fondée sur les droits humains.

Pour ce faire, nous exhortons M. Virginijus Sinkevičius, Commissaire européen chargé de l’Environnement et des Océans, à réviser la stratégie de croissance bleue de la Commission européenne et les priorités de travail de son administration, afin de développer une stratégie inclusive pour les océans, qui assure une pêche durable et des communautés de pêcheurs prospères en Europe et dans les pays en développement partenaires.

Signataires

  • Linnea ENGSTRÖM, Ex Vice-présidente de la Commission Pêche du Parlement européen
  • Gaoussou GUEYE, President CAOPA
  • Frédéric LEMANACH, Bloom
  • Francisco MARI, Responsible for food security, agriculture and maritime policy,
  • Bread for the World (BFW)
  • Douglas RULEY, Chief Counsel, ClientEarth
  • Béatrice GOREZ, Coordinator, Coalition for Fair Fisheries Arrangements (CFFA-CAPE)
  • Alain LE SANN, President, Collectif Pêche et Développement
  • Kurt Svennevig CHRISTENSEN, Chairman, Danish Living Seas
  • Keith ANDRÉ, President, Federation of Artisanal Fishers of the Indian Ocean (FPAOI)
  • François Piccione, France Nature Environnement
  • Maarten BAVINCK, Chair, International Collective in Support of Fishworkers (ICSF)
  • Katarzyna WYSOCKA, President, Low Impact Fishers of Europe (LIFE)
  • Javier LÓPEZ, Policy and Advocacy Manager, Oceana Europe
  • Ahmed SENHOURY, Director, Partenariat régional pour la conservation de la zone côtière et marine (PRCM)
  • Christian ADAMS, Chair, South African Small-Scale Fisheries Collective (SSASSFC)
  • Karin LEXÉN, Secretary General, Swedish Society for Nature Conservation (SSNC)
  • Hilda ADAMS, Founder, Weskusmandjie (South Africa)

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