Les raisons avancées sont de toutes sortes selon qu’on se place dans un camp ou dans un autre. Dans l’entre temps, la destruction de l’écosystème du lac poursuit son bonhomme de chemin.
• Pour le groupe des pêcheurs, les premiers concernés et même les premiers bénéficiaires de cette mesure salvatrice, celle-ci est venue sans aucune concertation préalable avec la base (les pêcheurs). Selon certains pêcheurs contactés dans notre enquête, il aurait fallu poser les jalons pour une préparation psychologique et morale des pêcheurs avant d’envisager n’importe quelle initiative belle soit-elle ;
• Pour l’autorité provinciale, le Docteur KAUT MUTOMB Chef de Division de la pêche lui ne voit pas les choses de cette façon-là, se basant sur certains faits réels, les alertes de certaines ONGs qui défendent la biodiversité et la pêche ainsi que certaines études et ateliers organisés à Kalemie sur la gestion rationnelle des ressources halieutiques du lac Tanganyika etc., il a estimé que l’heure était grave et qu’il aurait fallu ici et maintenant passer à l’action pour sauver ce qui peut l’être encore. Comme nous dit un proverbe français : « pour obtenir l’omelette il faut casser les œufs ».
• Pour la CONAPAC, la grande plate-forme nationale qui regroupe tous les tous les petits producteurs agricoles, pêcheurs et éleveurs de la R.D.Congo et le Slow Food qui mène le combat de premier plan pour la défense du lac Tanganyika et tous les lacs de la région du grand lacs, l’heure n’est plus à la tergiversation, mais plutôt à l’unité, à placer nos esprits au-dessus de toutes les considérations dans le seul but de faire de la pêche un des piliers moteur pour dynamiser l’économie locale de la province, garantir la sécurité alimentaire de la génération présente et celle du futur. Le lac Tanganyika, comme les autres lacs de la République Démocratique et de la région du Grand Lacs est confronté non seulement aux problèmes naturels mais aussi ceux liés à l’activité humaine : changement climatique, la baisse de la capture, l’utilisation des matériels prohibés, la pollution des eaux par les déchets ménagers et plastiques, la disparition des espèces emblématiques, l’absence des textes dans certains des règlement la pêche etc… pour le Lac Tanganyika la situation devient de plus en plus préoccupante car, il y a quelques années, une meurette des fretins (STOLOTHRISA TANGANICAE) de 4 kg se négociait entre 10 à 15$ (environ 30.000Fc) tandis qu’aujourd’hui elle se négocie à 55$ (environ 135.000), idem pour le LATES STRAPPERSIL (MIKEBUKA) une meurette de 3 kg appelée Bandro qui est passée de 10$ à 25$ voire 30$. Ces deux espèces de poisson sont emblématiques pour le lac Tanganyika. Même les habitants de la ville ne sont plus à mesure de s’offrir quotidiennement un plat journalier comme ce fut le cas dans le passé avec ces poissons au goût très délicieux.
Ces indicateurs prouvent à suffisance que le lac Tanganyika aujourd’hui un OASIS de paix risque de basculer vers un OASIS de conflit lorsque les paysans pêcheurs congolais n’auront plus les poissons dans leurs filets, ils seront tentés de traverser les limites des eaux pour pêcher dans les eaux du Burundi, de Tanzanie, et de la Zambie etc… se faire arrêter par les unités marines de ce pays avec les conséquences que cela peut produire sur le plan diplomatique avec notre pays. « Mieux vaut prévenir que guérir dit-on ».
Les causes de l’échec de la fermeture du lac Tanganyika
D’après les informations recueillies par SLOW FOOD TANGANYIKA et la CONAPAC, les causes de l’échec de cette fermeture seraient les suivantes :
• L’incivisme de certains pêcheurs de la ville de Kalemie qui vraisemblablement ne comprennent pas les menaces que pèsent sur la pêche et la gestion des ressources halieutiques du lac Tanganyika.
• Le moment était peut-être mal choisi, car la RD Congo est dans une année électorale. Les décideurs politiques en quête de l’électorat évitent de blesser les consciences des pêcheurs qui constituent un électorat important dans la province.
• La province traversait une période très secouée sur le plan politique.
• Il semblerait que les autres Etats avec lesquels la R.D.Congo partage le lac Tanganyika en commun, n’ont pas appliqué la mesure, cela a fragilisé la décision côté congolais.
Solutions envisageables
Pour le slow Food Tanganyika les solutions durables peuvent être les suivantes :
• Aider le Slow Food Tanganyika avec ses alliés (CONAPAC, ACADEMIE PAYSANNE DE PECHE) dans leur lutte pour instaurer une gestion rationnelle des ressources du Lac Tanganyika et ceux des grands lacs. Mais aussi l’aider à mettre en place une banque de collecte de données statistiques de production.
• Créer un observatoire sous régional des Grands Lacs sous l’égide de Slow Food Tanganyika et le Slow Food international qui aura le rôle de coordonner avec les pays qui ont le lac Tanganyika en commun, certaines décisions d’intérêt général pour leur efficacité.
• Créer un FESTIVAL sous régional des FILMS des pêcheurs des Grands Lacs, un outil de sensibilisation, d’éducation et d’échange entre pêcheurs de Grands Lacs.
• Amener les pêcheurs, les consommateurs, les autorités, la société civile, etc… à comprendre que seule la politique de consommer les surplus des ressources du lac et laisser la base aux générations futures reste la meilleure.
• Appliquer la politique du bâton en R.D. du Congo car, celle de la carotte a montré ses limites.
• Organiser les événements en rapport avec la pêche au moins chaque année dans un pays des grands lacs qui sera prêt à l’organiser l’évènement.
Le Slow Food Tanganyika, tend les mains à toutes les bonnes volontés pour se joindre à lui afin de réussir ce pari et nous le croyons fermement dans 2, 3 ou 5 ans nous avons la prétention de créer une structure durable dans le grand lac qui prendra à bras le corps la destinée de la pêche.
Jean Pierre KAPALAY
Coordonnateur Slow Food Tanganyika