Cher pétrole De 2005 à 2023

, par  LE SANN Alain

Cet éditorial du bulletin Pêche & Développement a été écrit début 2005, il y a près de 20 ans.
Il n’y a guère de ligne à changer. Il faut y ajouter quelques éléments sur le fait qu’une des menaces nouvelles concerne la taxation des carburants. Le 8 octobre, dans une émission sur France 5, Claire Nouvian de Bloom, s’insurgeait contre le fait que les pêcheurs ne payaient aucune taxe et devraient selon elle payer le carburant comme l’automobiliste. C’est ce que réclament les ONGE avec leur manifeste Bleu...Par ailleurs, l’essor de l’éolien en mer constitue une contribution importante des pêcheurs à la décarbonation de l’énergie, leur demander de payer des taxes, c’est donc leur demander de payer 2 fois. On peut aussi faire remarquer qu’une partie des taxes sur les carburants se justifie par l’aménagement et l’entretien du réseau routier. Les pêcheurs paieraient donc pour des routes qu’ils n’utilisent pas pour leur travail.
Les biocarburants peuvent être partiellement une solution, mais ils ne peuvent être généralisés. Des espoirs sont aussi fondés sur l’hydrogène vert en lien avec l’éolien mais pour l’instant les résultats sont limités et à des prix inabordables. Le projet Pilothy, par exemple ne permet qu’un remplacement du gasoil pour 15 %. Des essais sur l’introduction de voiles pilotées automatiquement ont été menés et ont permis de gagner autant ou plus (projet d’Avel Vor Technologie – Le grand largue). Toutes les pistes restent à conforter.

Du Nord au Sud, la flambée des cours du pétrole a entraîné des mouvements de protestation de toutes les organisations de pêcheurs. Pour les artisans, les retombées sur les revenus sont directes puisque les gains des matelots dépendent largement des frais. Dans de nombreux endroits, les pêcheurs ont arrêté leur activité, au moins pendant les périodes de faibles captures car souvent elles ne permettent pas de couvrir les frais de carburant. Dans ces conditions, il est légitime pour les pêcheurs de demander des aides pour leur permettre de poursuivre leur activité. Mais il est illusoire de compter sur des aides permanentes d’autant que les perspectives de raréfaction du pétrole ne peuvent qu’entraîner une hausse encore plus forte à moyen terme. Il faut donc trouver des solutions durables à cette crise et aider les pêcheurs à les mettre en œuvre. Pour certains, la voie des biocarburants peut être intéressante, surtout dans les pays aux ressources pétrolières limitées. Pour tous il faut rechercher le maximum d’économie par tous les moyens, dans certains cas, si les alternatives existent, il faudra sans doute envisager à terme des mutations techniques ; le chalutage est gourmand en énergie et il faudra au moins arrêter la course à la surpuissance. Comme l’énergie concerne tous les pêcheurs, sauf les derniers bateaux non motorisés, il faut aussi trouver les moyens d’intégrer dans les prix la hausse du coût du carburant, cependant les pêcheurs ne sont pas toujours maîtres du jeu. Enfin, la meilleure réponse reste l’amélioration du rendement de l’activité par une restauration des ressources qui pourrait permettre, à effort de pêche équivalent, une croissance des captures. La hausse du carburant renforce donc la nécessité d’une meilleure gestion des ressources. Faute d’un tel engagement, la pression sera encore plus forte sur les ressources les plus accessibles, il faut maintenir une pêche hauturière là où elle existe et la développer quand les artisans en sont absents. Si elle sait maîtriser les coûts du carburant, la pêche artisanale est mieux placée que la pêche industrielle et peut conforter son avenir.

Alain Le Sann

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