Les lobbies ont gagné : Lesquels ?
Oui, le temps d’une manche, les lobbies de la pêche industrielle ont gagné.
- Il existe certainement un lobby de la pêche industrielle, mais il y a aussi un lobby d’ONG puissantes, et sans doute plus que les lobbies de la pêche, qui dispose de ses entrées dans les ministères et est quasi hégémonique dans les médias. Bloom disposait en 2022 d’un budget de plus de 2 millions d’Euro.
Les temps leur sont particulièrement favorables,
- On a du mal à le croire avec la fin programmée de la pêche thonière tropicale, la destruction de dizaines de bateaux hauturiers en 2023, l’interdiction de zones de pêches, la crise des armements industriels, les interdictions de pêche pour protéger les dauphins, etc.
on ne va pas se raconter d’histoires, mais ce gouvernement est loin d’être le premier à obéir fidèlement au diktat des lobbies industriels, notamment bretons. La différence aujourd’hui, c’est qu’on est justement en 2023 et que la société tout entière parle de transition, mais la pêche industrielle a réussi à obtenir un passe-droit de l’Élysée lui évitant de remettre en cause ses pratiques destructrices. Deux jours avant le début de la COP28, c’est ce qu’Emmanuel Macron a confirmé à un parterre d’industriels exultant de joie.
- Il faut définir ce qu’est la pêche industrielle, pour Bloom et de nombreuses ONGE, c’est tout bateau de plus de 12 m, ou utilisant un art trainant, sortant plus d’une journée ou au-delà des 12 milles ; pour l’UICN, c’est un bateau capable de pêcher plus de 50 kg par sortie d’une journée, cela concerne donc en fait beaucoup de bateaux considérés traditionnellement comme artisans.
Le Noël des industriels
Le 28 novembre, c’était Noël avant l’heure pour les partisans des pêches destructrices : alors que le soir, le secrétaire d’État à la mer Hervé Berville protégeait les chalutiers géants en mentant en toute impunité sur les plateaux de télévision, le Président de la République en personne s’adressait l’après-midi même à Nantes aux ardents défenseurs du chalut et de l’économie maritime extractive.
Dans un discours-fleuve de plus d’une heure aux « Assises de l’économie de la mer », Emmanuel Macron a tenu aux industriels et aux élus le discours de leurs rêves. En substance, il leur a garanti que rien ne changerait jamais, que la recette du désastre pourrait se poursuivre ad vitam æternam, que les aides au gasoil continueraient à pleuvoir, que le secteur de la pêche industrielle n’aurait jamais à se remettre en question et que la « transition » ne serait ni écologique, ni sociale.
- Ces aides sont garanties jusqu’en juin et ne concernent guère les armements industriels de plusieurs bateaux. Bloom soutient, comme le collectif d’ONGE, qu’il faut au contraire taxer le carburant, on voit mal comment les pêcheurs pourront ainsi financer leur transition. Ils paieront deux fois en sacrifiant des zones de pêche pour les éoliennes et en payant des taxes dont une bonne partie sert à financer des routes.
En somme, le chef de l’État a assuré qu’il n’était nul besoin de remettre en cause le modèle industriel dès lors que celui-ci résumait sa « transition » à la seule décarbonation. Le discours d’Emmanuel Macron était surréaliste. Chez BLOOM, on a dû se pincer pour y croire.
- Ce serait déjà pas mal si on trouvait une solution simple à ce problème, pour l’instant, il n’y en a pas.
Aucune mention de la mauvaise santé des écosystèmes marins,
- Evidemment pour Bloom seule la pêche est responsable de l’état des ressources et de la biodiversité alors que de nombreux scientifiques considèrent qu’aujourd’hui, c’est l’état de l’environnement, dégradé par la pollution et le réchauffement climatique qui est le principal responsable. Curieusement Bloom est désormais présidée par Flavien Kulawik, coprésident de KLB Group fournisseur de services pour des industries considérées comme particulièrement polluantes, off-shore pétrolier, gaz et plastiques.
de l’extinction de masse des espèces vivantes,
- l’état des ressources s’est globalement amélioré depuis 20 ans, en Europe et aux Etats-Unis
de l’impact à proprement parler délirant des pêches industrielles sur la biodiversité (les chaluts sont responsables à 93% de l’ensemble des animaux rejetés morts à la mer par les navires de pêche chaque année en Europe), de la nécessité de restaurer les habitats, de laisser repousser les forêts sous-marines composées de coraux, d’algues corallifères, d’éponges et d’organismes calcaires menacés par l’acidification et le labour des chaluts.
- Le chalut et les dragues modifient certes le milieu mais l’impact dépend des milieux et de l’intensité de la pêche, seule une partie limitée des zones chalutées est profondément dégradée et demande restauration ; quant aux rejets, ils sont variables suivant les pêcheries et il existe des moyens pour les réduire. Une partie de ces rejets survivent (40 % pour les soles, id pour les petites langoustines). Ils viennent aussi alimenter des oiseaux et de nombreux animaux vivants sur les fonds. Par ailleurs les filets sont mis en cause et même interdits (filets dérivants) pour protéger les dauphins, tandis que les palangres sont accusées également de captures accessoires ( tortues, requins, oiseaux, etc). Pour Bloom seule la ligne trouverait donc grâce avec le casier mais en oubliant l’importance des appâts souvent source de forts gaspillages (jusqu’à un kilo par poisson pêché) et souvent la forte consommation de carburant de ces pêches en rapport aux quantités pêchées.
Aucune mention, cela va sans dire, de la resuspension du carbone stocké dans les sédiments marins par le passage constant des bulldozers sous-marins que sont les chalutiers ni de l’absolue, incontournable, urgentissime nécessité de maintenir les fonctions de régulateur climatique de l’océan.
- Les fameux bulldozers sous-marins de Bloom concernent 4 % des fonds océaniques et c’est oublier que les fonds sont bien plus profondément remués par les tempêtes et les courants. Ceci dit il faut réduire l’impact des engins trainés sur les fonds et c’est possible et nécessaire, comme on peut envisager de changer d’engin, mais la diversité mérite d’être préservée, car chaque type d’engin a des avantages et des inconvénients retrouver plus de saisonnalité et des bateaux plus polyvalents, adaptés à des pêches multi spécifiques. Les modèles adaptés à des pêcheries monospécifiques ne sont pas adaptés à des ressources d’une grande variété et variabilité.
Ce que l’Élysée défend : l’importation du poisson par avion
De justice sociale aussi, nulle mention. Même si en pulvérisant les écosystèmes marins, les pêches industrielles conduisent inévitablement à la ruine sociale et économique.
- Ah bien sûr, il faut des termes forts, mais ces écosystèmes soi-disant pulvérisés restent souvent capables de produire de la nourriture quand ils ne subissent pas trop de pollutions ou de chocs de réchauffement. Concentrer les pêches uniquement sur la bande côtière surexploitée et la plus polluée n’est pas une garantie de sécurité.
Il faut avoir à l’esprit l’histoire récente pour prendre la mesure du modèle que le pouvoir défend : après avoir anéanti (encore !) les populations de poissons proches des côtes, les chalutiers industriels sont allés plus au large. Ayant fait péricliter les poissons au large, ils sont allés les chercher dans les eaux distantes d’Afrique. Simultanément, ils ont aussi « enfoncé » leurs filets jusqu’à 2000 mètres de profondeur (il faut en rajouter... pour choquer les esprits). Ils ont massacré des écosystèmes de coraux d’eau froide aussi vieux que les pyramides d’Égypte et des animaux profonds à la longévité extrême qui avaient jusque-là toujours été épargnés par les filets géants des chalutiers. Ils ont pillé les ressources des pêches vivrières du continent africain et mis en péril des pans indispensables de la sécurité alimentaire du Sud.
- Ce fut malheureusement vrai pour une bonne part, et cela peut l’être encore parfois, en particulier pour les ressources africaines détournées vers la farine de poisson, mais la menace vient aujourd’hui bien davantage des pêcheries lointaines de la Chine et d’autres pays asiatiques. l’Europe pèse 5 % des volumes pêchés dans le monde et la France 14 % de ces 5 %...
Les pêches industrielles reposent sur une surexploitation séquentielle : la logique financière qui préside à leur modèle impose d’aller chercher toujours plus loin, plus profond, de nouvelles espèces à commercialiser, peu importe le chaos social, peu importe la destruction de masse du vivant et la déforestation sous-marine à grande échelle.
- Bloom ne se préoccupe guère du chaos que ses propositions vont entrainer. Elle oublie aussi que désormais la logique financière porte bien davantage sur d’autres activités comme l’éolien, le tourisme, la compensation carbone ou la biodiversité, les extractions de sables et de minerais, etc.
La pêche industrielle est irresponsable, vorace et immorale. Osons le mot.
- Après cela la messe est dite, elle doit donc disparaître ...
Voyez ce que le port de Lorient s’apprête à faire pour comprendre que le drame ne prendra fin qu’avec la disparition de la pêche industrielle.
- Au vu de la définition, il ne restera pas grand-chose (2000 T ?). Et la porte sera grande ouverte à la plaisance, qui n’a bien sûr aucun impact négatif. Il restera quelques ligneurs tolérés, s’ils ne font pas souffrir le poisson, pour alimenter les restaurants de luxe. Bloom, avec d’autres, répète qu’il ne faut pas manger plus de 8 kg de poisson par personne, il faut aller le dire aux Sénégalais… Évidemment la consommation est différenciée suivant les territoires et habitudes. Par ailleurs si la consommation de poissons carnivores (saumons, bars, dorades, crevettes, etc) est discutable, il faut savoir que la majorité des poissons d’élevage sont produits en Asie (Chine) et sont herbivores.
Lorient premier port industriel de France
- Bof, avec bientôt moins de 15000 T, il ne reste pas grand chose de sa grandeur
premier responsable de la ruine des pêcheurs artisans français et du siphonnage des eaux de l’Atlantique Nord-Est
- Ah bon, les Espagnols et autres n’ont aucune responsabilité alors que leur pêche industrielle est autrement puissante que celle qui subsiste en France et souvent sous pavillon franco-espagnol
est en train d’investir au Sultanat d’Oman dans la construction d’un port immense pour piller les eaux encore intactes de la mer d’Arabie et importer à terme du poisson par … avion.
- Pour information, la pêche omanaise débarque 800 000 tonnes et en face les navires chinoises retirent au moins 420 000 tonnes de calamars.
- On peut effectivement s’interroger sur ce projet car ce n’est pas la première fois que des acteurs du port de Lorient sont tentés par ce genre d’aventure, on a connu la Guinée par ex dans les années 1990, mais les importations existent déjà de nombreux pays lointains et ont remplacé les tonnages démesurés de la période folle des années 1960-1980. Les échanges de poissons font partie des réalités depuis la nuit des temps, il faut les réguler, limiter leurs divers impacts négatifs possibles mais ils répondent à la réalité de l’inégale répartition des ressources et des consommations. Les Omanais ne vont pas consommer les ressources importantes que leur assure l’upwelling dans leurs eaux.
Voilà le modèle ahurissant que soutient notre gouvernement.
Il arrive que les lobbies gagnent la bataille, mais ils doivent perdre la guerre
Le 10 décembre 2013, il y a exactement dix ans, lors d’un vote cataclysmique à Bruxelles, le Parlement européen se prononçait en faveur de la destruction des océans profonds. (Évidemment !) Toutes les magouilles avaient été déployées contre la mobilisation citoyenne et scientifique orchestrée par BLOOM en vue d’interdire le chalutage en eaux profondes. L’ordre de vote avait été changé à la dernière minute, certains députés s’étaient sincèrement trompés, d’autres avaient fait semblant de se tromper pour être fidèles aux lobbies...
- Concernant les scientifiques, ceux qui suivaient réellement cette pêcherie, (ils se comptaient sur les doigts d’une main), validaient la poursuite de l’activité, mais pour Bloom, il n’y a pas de débat possible. Évidemment, les lobbies environnementalistes qui disposent de fonds importants et de moyens humains considérables à Bruxelles ne cherchent pas à influencer les parlementaires européens et n’ont pas leurs entrées à la Commission !
Après quatre ans de campagne contre l’aberration du chalutage en eaux profondes, nous perdions le vote à neuf voix près. C’était un coup terrible.
- Dans les faits, la Scapêche d’Intermarché visée par Bloom suivra les conseils de Claire Nouvian, qui s’en félicitait, et renoncera en partie à la pêche sur le talus, investissant dans des bateaux côtiers, un caseyeur et un palangrier ; ce palangrier a été détruit en 2023, c’était un gouffre financier, le caseyeur abandonné ; mais pour Bloom, y’ a qu’à…
On aurait pu s’avouer vaincus. C’était très mal engagé, les lobbies avaient rallié à leur cause les États membres et le Parlement européen, l’horizon était bouché. Mais ce n’était pas juste. Ce n’était pas acceptable. Si nous jetions l’éponge, alors qui allait défendre les écosystèmes profonds ? Qui allait dénoncer ce modèle de ravages et de ruines de la pêche industrielle ? Qui se battrait pour l’intégrité physique et biologique de l’océan face au changement climatique et à la disparition des espèces ?
- Il y a des gens autres que Bloom qui se battent aussi pour défendre les océans et remettent d’abord en cause la dégradation du plancton dont Bloom ne parle jamais. Et pour notre part nous avons, bien avant Bloom, dénoncé certaines orientations de la pêche française et notamment son expansion en Afrique de l’Ouest.
La raison disait « c’est impossible à gagner ». Le cœur disait « plutôt mourir que d’abandonner ».
- Ouh la la…
Nous avons poursuivi le combat. Avec vous à nos côtés. Vous avez mis une telle pression à Intermarché, dont les flottes étaient les acteurs dominants de la pêche profonde, que nous avons fini par gagner. Il a fallu trois ans de plus, mais en juillet 2016, le chalutage en eaux profondes était interdit dans toutes les eaux de l’Union européenne.
- Quelques mois plus tard, les zones abandonnées ont été ouvertes à la prospection pétrolière
Voilà ce que nous devons recommencer. Gagner coûte que coûte.
C’est notre persévérance à toute épreuve et votre mobilisation indéfectible à nos côtés qui peuvent et qui DOIVENT façonner le monde pour nous protéger des dégâts irréparables causés par une poignée d’individus et de corporations sans foi ni loi.
- Quand on porte atteinte à la raison, le dialogue est difficile, mais c’est aujourd’hui la triste réalité quand on parle de pêche, la discussion est inextricable. Mais l’ONG Bloom ne se rend même pas compte qu’elle tire sur des ambulances.
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Merci pour tout. L’équipe de Bloom, le 23 décembre 2023
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- Collectif Pêche et Développement, 16 janvier 2024