Le plancton est vital pour l’homme

, par  MOLLO, Pierre, NOURY Anne

Avant propos du livre « Le manuel du plancton ». Anne Noury et Pierre Mollo
Editions Charles Léopold Mayer 2013, 198 p
Ce livre est aussi en accès libre en ligne.
https://www.eclm.fr/livre/le-manuel-du-plancton/
Pierre Mollo interviendra le jeudi 25 novembre pour la Journée Mondiale des pêcheurs à l’UBS Lorient

Pierre Mollo devant une classe

La mer, les océans, les petites mares de bord de côte ont d’abord été mon terrain de jeu, puis l’objet de mon travail, et toujours pour moi sources d’inspiration et de création. A travers une goutte d’eau j’observe des myriades de petites vies marines, j’admire, je m’émerveille, puis je prends conscience que, demain, elles seront les protéines halieutique de l’humanité.
Dès mes premières interrogations comme « Mais Grand-père, que mangent les poissons ? » puis pendant mes 40 années de recherches et d’expérimentations, des femmes et des hommes de mer m’ont accompagné tout au long de ce périple planctonique. Je leur dis ici toute ma reconnaissance pour leur savoir, leurs compétences et surtout leur grande patience à répondre à tous mes questionnements sur " le petit peuple de la mer ".
Ma vie d’enseignant-chercheur m’a démontré que le plancton est vital pour l’homme et qu’il devrait faire l’objet d’une protection à la mesure de son importance. La préservation du plancton doit rapidement devenir une pré-occupation citoyenne si nous voulons que la mer soit féconde pour les générations futures.
Le texte qui suit est l’avant propos de mon dernier ouvrage avec Anne Noury " Le manuel du plancton ". Il exprime bien ma pensée sur la fragilité des Océans.
Couvrant 70 % de sa surface, l’océan, avec son extraordinaire puissance, domine notre planète. Outre son influence directe sur le climat, il est le berceau de la vie. Ses courants, gigantesques ou locaux, gardent les eaux en perpétuel mouvement et gèrent la répartition de la nourriture et donc de la vie marine. En remontant les éléments nutritifs des profondeurs jusqu’à la surface, ils alimentent le phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire sans lequel le monde animal aquatique n’existerait pas.
L’homme vit en étroite interaction avec l’océan qui lui apporte une partie de sa subsistance ainsi que les deux tiers de l’oxygène de l’atmosphère, produits par le phytoplancton. La population mondiale a sa part de responsabilité sur la santé de cet écosystème immense et fragile, les activités humaines représentent la principale menace pour les habitants de l’océan. A l’image du jeu de dominos où la chute d’une pièce peut entraîner toutes les autres, lorsque l’homme déséquilibre un pion, provoquant l’érosion de la biodiversité marine, les conséquences atteignent en cascade le jeu entier, jusqu’au joueur. L’influence de l’homme sur l’océan est égale à celle de l’océan sur sa vie et son devenir. La solution étant le respect de l’équilibre à commencer par celui du plancton.
Pierre Mollo

De la biodiversité découle la diversité des métiers de la pêche et de la conchyliculture

La qualité des huîtres dépend de celle du plancton
La présence successive et croisée du phytoplancton dans un milieu nous donne l’occasion de mettre l’accent sur les saveurs et le goût particulier des huîtres. Le suivi régulier par les professionnels de l’évolution et du développement du phytoplancton dans les milieux est la garantie aux consommateurs d’une << Excellence>>dans la qualité des produits ostréicoles.
Voilà de bonnes raisons pour nous impliquer à suivre régulièrement la qualité du plancton. La diversité des micro-algues est un indicateur de qualité des eaux, la présence de certaines favorise la production ostréicole et est un atout incontournable pour la hisser à la hauteur de sa réputation.
Malgré cette note encourageante, il faut être vigilant. Au regard de ces observations, il apparait évident qu’un abaissement de la qualité des eaux entraînera un déséquilibre des écosystèmes phytoplanctoniques préjudiciable à la qualité des produits de la conchyliculture.

La terre nourrit la mer
Gérer les ressources vivantes de la bande côtière, c’est aussi prendre en compte les ressources halieutiques hauturières.
La terre nourrit la mer notamment par la rivière qui est un véritable trait d’union. Les êtres vivants des océans ont besoin des nourriceries des marais littoraux et des estuaires pour se développer, comme la terre a besoin des forêts pour nourrir son sol. De la même façon, dans la vase des estuaires, les microorganismes du sol vont digérer les matières végétales en décomposition, à leur tour ces microorganismes, par leurs déjections, vont alimenter les bactéries qui se transformeront ensuite en sels nutritifs indispensables au bon développement des plantes et des algues.
Le transfert des nutriments de ces espaces continentaux jusque dans la mer concourt à faire des zones humides littorales des sites privilégiés, des interfaces entre terre et mer. Du mélange subtil des eaux riches en éléments minéraux et des eaux océaniques naîtra une production diversifiée de phytoplancton qui, à son tour, alimentera toute la chaîne trophique du plancton.
La grande diversité végétale et animale marine dépend de la préservation de ces équilibres naturels.
Du vivier de la mer nous vivrons si, demain, nous savons protéger le vivant de la terre.

Le rôle des upwellings
Les profondeurs océaniques apportent leurs contributions aux productions importantes d’espèces marines. Depuis la nuit des temps, le peuplement des océans, par la vie et la mort successives, n’a eu de cesse d’accumuler dans les profondeurs abyssales des sels minéraux dus à la décomposition de la matière organique. La mécanique océanique « UPWELLING » remonte des profondeurs des eaux froides les nutriments nécessaires à la prolifération, dans les eaux de surface, des algues microscopiques. L’oxygène produit par ce phytoplancton favorisera le développement du zooplancton (herbivore de ces microorganismes) qui deviendra à son tour la proie essentielle des poissons fourrages (sprats, anchois, sardines…) qui eux-mêmes feront le bonheur des grands prédateurs.

La rencontre des eaux estuariennes et des eaux des profondeurs
Ainsi, à la rencontre des eaux estuariennes et des profondeurs abyssales se développe toute la biodiversité halieutique de nos mers. La brièveté de la vie du plancton en fait un excellent indicateur de la qualité des milieux aquatiques. Il est la synthèse à l’aval des actions de l’amont, il est le résultat du comportement des actions humaines (physique, chimique, biologique ; les barrages ; les pesticides ; les déjections…). Les modifications et les perturbations du plancton participent à la raréfaction de certaines espèces et peuvent déséquilibrer les réseaux trophiques et la pyramide de la vie marine.

Protéger les espaces littoraux
La spécificité du littoral breton est dû à sa géographie, véritable laboratoire à ciel ouvert, le panache des eaux estuariennes s’en allant bien au delà des espaces côtiers, vers le large. Ainsi, le large, voire le grand large, bénéficie des apports de nutriments transportés par les courants continentaux. Les professionnels de la pêche hauturière doivent donc se sentir concernés et être attentifs à la qualité des eaux côtières : leur métier en dépend. Les choix d’aménagement du littoral ont également des résonances sur l’écologie des mers et leurs conséquences peuvent devenir irréversibles pour les ressources marines. L’aquaculture (mise à part la conchyliculture) n’est pas la baguette magique contre la diminution des stocks de poissons.
Elle n’est qu’une des étapes qui a permis d’acquérir les savoir-faire en matière de reproduction et d’obtention de juvéniles d’espèces marines. Elle pourrait devenir demain une activité au service du repeuplement des mers. La mer, comme la terre, sera alors capable d’assurer la production des protéines nécessaires à l’humanité à venir. Satisfaire l’alimentation de 8 à 9 milliards d’êtres humains nécessite une gestion globale des espaces littoraux, indispensable pour assurer la pérennité des productions halieutiques. « Une telle action devra être concertée entre les pêcheurs, les pouvoirs publics et les organismes de recherche et être planifiée de façon à éviter les essais décousus, ponctuels, isolés, en rivalité les uns et les autres »  [1]. Une aquaculture de soutien à la ressource, par des actions de repeuplement, peut devenir un véritable outil pédagogique indispensable aux professionnels de la mer. D’abord, réensemencer pour comprendre « comment çà marche ». Ensuite, faire en sorte que les marins se réapproprient ces actions de repeuplement pour que les directives qui leurs sont imposées (telles que la réduction de l’effort de pêche, l’instauration de quotas, le repos biologique, la taille des espèces) prennent un sens et deviennent réalité. Car de la compréhension des mécanismes du vivant dépendra le respect des ressources halieutiques.

Pierre Mollo
Anne Noury

Voir en ligne : Le manuel du plancton

[1« La ceinture bleue bretonne » - Groupement des pêcheurs houatais -1972. À retrouver dans “Pêcheurs bretons en quête d’avenir” éd Skol Vreizh, 2016

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