Déclaration pour la Journée mondiale de l’alimentation 16 octobre 2023 Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire

A l’occasion de la Journée Mondiale de l’Alimentation, les Organisations de la Société civile s’inquiètent de l’évolution de la FAO et de son rapprochement avec les multinationales et proposent la création d’un Forum permanent pour la représentation des Organisations de la Société civile (OSC).

Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation, les organisations de petits producteurs alimentaires célèbrent le rôle crucial de l’agriculture paysanne, de l’agriculture familiale, de la pêche artisanale, des systèmes alimentaires des Peuples Autochtones et de toutes les formes de production alimentaire qui ont lieu au niveau communautaire et territorial pour nourrir le monde. Les populations rurales et les populations de l’eau sont des communautés de détenteurs de droits, et leurs organisations se sont engagées dans un dialogue politique avec les institutions mondiales depuis 1996. Ces dialogues ont permis de franchir des étapes importantes pour les droits collectifs des petits producteurs alimentaires : le traité international sur les ressources phylogénétiques avec le concept des droits des agriculteurs ; les directives volontaires sur le régimes fonciers, et les directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale, la déclaration des Nations unies sur les droits des paysans (UNDROP) et la déclaration sur les droits des Peuples Autochtones (UNDRIP) ; les Symposiums internationaux sur l’agroécologie, la décennie des Nations Unies sur l’agriculture familiale et la résolution des Nations Unies sur l’économie sociale et solidaire. Nous avons également veillé à ce que les petits producteurs, les Peuples Autochtones et les mouvements sociaux participent largement et efficacement au Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA), par l’intermédiaire du Mécanisme de la société civile et des Peuples Autochtones (MSCPA) et à divers processus de la FAO, en respectant les principes fondamentaux du respect de notre autonomie et de notre autogouvernance.

Cela a été possible grâce au dialogue fructueux que les mouvements sociaux pour la souveraineté alimentaire, réunis au sein du Comité International de Planification pour la Souveraineté Alimentaire (CIP), ont été capables de construire avec la FAO. Alors que nous considérons - aujourd’hui plus que jamais - l’espace de gouvernance mondiale comme un espace important de dialogue entre les gouvernements, la société civile et le secteur privé, nous voyons cet espace se réduire et ses portes s’ouvrir au capital transnational à travers la mainmise des entreprises sur le système multilatéral des Nations Unies, en particulier la FAO, tandis que nos peuples sont confrontés à la répression et à la criminalisation pour avoir défendu leurs terres et leurs territoires contre l’empiètement des entreprises et la destruction écologique, qui violent leurs droits fondamentaux.

En tant que CIP, nous exprimons notre inquiétude concernant le Forum Mondial de l’Alimentation, car la direction de la FAO met de côté l’espace de gouvernance mondiale pour le dialogue politique, comme le CSA et les organes directeurs de la FAO, et renforce les espaces multipartites pour la collaboration avec le secteur privé. Le Forum Mondial de l’Alimentation a l’intention de relier trois forums : le Forum mondial de la jeunesse, le Forum de la science et de l’innovation de la FAO et le Forum d’investissement de l’initiative Mains dans la main de la FAO afin de combiner l’action de la jeunesse, l’innovation et les investissements pour trouver des solutions. Pourtant, au lieu de mobiliser les ressources et l’attention pour contribuer à la mise en œuvre des politiques adoptées par le Comité des Nations Unies sur la sécurité alimentaire mondiale et la FAO, le Forum Mondial de l’Alimentation sert d’espace pour promouvoir des accords multipartites entre les entreprises et les institutions, offrant le parrainage de programmes spécifiques par les grandes entreprises alimentaires, agricoles et technologiques, avec le soutien de quelques gouvernements, qui font souvent la promotion d’un discours axé sur les secteur privé.

Le CIP est la plus grande alliance mondiale de petits producteurs de denrées alimentaires, y compris les paysans/nes, les pêcheurs artisanaux, les éleveurs et les bergers, les nomades, les Peuples Autochtones, les habitants des forêts, les sans-terres, les producteurs urbains et les travailleurs ruraux. Le CIP représente plus de 6 000 organisations nationales et 300 millions de petits producteurs de denrées alimentaires. Grâce à cette plateforme, il entend défendre les intérêts de ceux qui assurent 70% de la production alimentaire mondiale et qui, dans le même temps, continuent de souffrir de l’insécurité alimentaire, de la malnutrition et de la non-reconnaissance de leur rôle fondamental dans l’alimentation de la planète. Ces groupes sont représentés par des mouvements sociaux spécifiques, des Peuples Autochtones et des organisations de la société civile (OSC), tant au niveau régional que mondial. Avec les mouvements de consommateurs, les ONG de soutien et d’autres organisations de base, ils visent à faire progresser l’agenda de la souveraineté alimentaire aux niveaux mondial et régional.

« Les lignes directrices devant assurer une représentation équilibrée de la société civile lors des réunions et processus de la FAO » et la « Stratégie de la FAO en matière de partenariats avec la société civile » constituent la base de la coopération entre la FAO et les organisations de la société civile depuis 2013. Par conséquent, nous exhortons les États membres de la FAO à renforcer les espaces de gouvernance mondiale et à permettre aux représentants des OSC de participer et d’entrer dans un dialogue politique pour de meilleures solutions. Chaque initiative de la FAO devrait développer ces politiques - en renforçant le pouvoir du multilatéralisme - tout en respectant les principes d’auto-organisation, d’autonomie des OSC et de représentation collective par le biais des régions et des groupes d’intérêt. Cette approche facilitera une meilleure communication entre les petits producteurs alimentaires, les Peuples Autochtones, les États membres de la FAO et les organisations gouvernementales internationales.

À cet égard, nous aimerions rappeler que lors du dialogue informel sur l’engagement des OSC-FAO, qui s’est tenu les 6 et 7 juin au siège de la FAO, nous avons présenté une feuille de route pour la réalisation d’un forum mondial des organisations de la société civile et des Peuples Autochtones, qui pourrait représenter une occasion de faciliter les contributions des organisations de la société civile dans un espace de dialogue sur les politiques.

Nous aimerions poursuivre la discussion avec d’autres OSC, le Bureau de partenariat de la FAO et les États membres de la FAO pour parvenir à la création d’un Forum mondial des organisations de la société civile et des Peuples Autochtones sur la base des principes énoncés ci-dessus. En guise de proposition, nous partageons quelques éléments possibles pour la création d’un Forum mondial des OSC et des peuples autochtones de la FAO.

• Nous proposons de regrouper les consultations régionales des OSC qui ont lieu avant les conférences régionales de la FAO en une consultation mondiale. Cette consultation mondiale aurait lieu deux fois par an, avant la Conférence de la FAO, et servirait à l’informer. Cette consultation consolidée servirait de forum mondial officiel des OSC et des Peuples Autochtones de la FAO.
• Ce processus de consultation doit respecter les principes des directives de 2013 et de la stratégie de la FAO pour les partenariats avec les organisations de la société civile, par exemple la représentation des groupes d’intérêt, le temps consacré à la consultation et l’équilibre linguistique.
• Ce mécanisme devrait être permanent. Il serait également doté d’un secrétariat autonome et les États membres de la FAO fourniraient des ressources pour assurer la durabilité de cette initiative.

Nous restons déterminés à participer activement aux processus de gouvernance mondiale - y compris les comités techniques, les conférences régionales et autres réunions techniques - lorsque les règles d’engagement respectent la stratégie de la FAO pour le partenariat avec les organisations de la société civile. Nous restons à la disposition de la FAO pour une collaboration plus poussée en termes de consultation en vue de la création du Forum mondial des OSC et des Peuples Autochtones de la FAO

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