Ce mardi 21 novembre 2023, à l’instar des communautés de pêche du monde entier, les Professionnels de la pêche du Sénégal célèbrent la Journée mondiale de la pêche (JMP) dans un contexte particulier marqué par une crise biologique, économique, sociale sans précédent. Il se caractérise par une rareté des ressources, des conflits entre les types de pêche du segment artisanal et entre la pêche artisanale et industrielle.
Cette situation est exacerbée par une insuffisance de dialogue constructive entre, d’une part, les Autorités nationales et les organisations professionnelles du secteur, et d’autre part, entre les organisations professionnelles elles-mêmes.
A cela s’ajoute la problématique de la participation massive des communautés de pêche au phénomène de l’émigration irrégulière ayant causé d’importantes pertes en vies humaines dont de nombreux pêcheurs, sans compter les pertes de matériels (pirogues, moteurs, etc.), le manque de main d’œuvre dans les unités de pêche, ainsi que l’utilisation de carburant détaxé.
Pour cette année, les organisations professionnelles du secteur de la pêche artisanale et industrielle soucieuses du développement durable de la pêche maritime ont décidé de célébrer la JMP dans l’unité et la cohésion à travers la mise en place de la Coalition Nationale pour une Pêche Durable (CNPD). La vision de cette dernière est « Une Pêche durable gérée de manière transparente et inclusive au bénéfice des populations sénégalaises à l’horizon 2030 »
Afin de trouver des solutions aux maux dont souffre le secteur de la pêche, la Coalition a tenu des concertations nationales sur les problématiques de la pêche du 19 au 20 novembre 2023 qui ont permis de diagnostiquer en profondeur le secteur des pêches et de proposer des solutions réalistes et durables pour améliorer ses performances et limiter la participation des pêcheurs à l’émigration irrégulière.
Lesdites concertations ont permis de noter :
- une baisse des rendements ayant entrainé l’éloignement des zones de pêche et l’augmentation de la durée des marées ;
- la surexploitation des ressources halieutiques ;
- une faible disponibilité de poisson ayant entrainé sa cherté ;
- la dépendance progressive du secteur vis-à-vis des captures dans les autres ZEE
- et des importations ;
- la disparition de certaines espèces jadis importantes dans les débarquements ;
- les difficultés d’accès à la matière première (usines de traitement de poissons frais et congelés, mareyage, sites de transformation) ayant entrainé des pertes d’emplois, la fermeture d’usines, etc. ;
- l’exacerbation des conflits dans le secteur, entre les acteurs eux-mêmes et entre ces derniers et l’administration ;
- l’augmentation des captures et des débarquements de poissons immatures ;
Les principales causes identifiées sont :
- la forte pression sur la ressource et la surcapacité de pêche ;
- les mauvaises pratiques de pêche (utilisation d’engins prohibés, pêche des juvéniles) et non-respect de la réglementation ;
- l’augmentation de la démographie ayant entrainé une forte demande de poisson ;
- le déficit d’application de la réglementation des pêches et la recrudescence de la pêche INN ;
- l’insuffisance de la transparence dans la gouvernance des pêches ;
- l’implantation d’usines de farine et d’huile de poisson contribuant à augmenter la pression sur la ressource et à la pêche des juvéniles ;
- les faiblesses dans la mise en œuvre des outils d’aménagement (repos biologique, immersion récifs, ZPP, ILC, etc.) ;
- l’insuffisance de données et informations statistiques actualisées sur le secteur (état des stocks, données économiques et sociales) ;
- le manque de professionnalisation de certains acteurs clés ;
- la faible implication des professionnels dans la prise de décision ;
- les accords de pêche et la délivrance de licences ne tenant pas compte du potentiel exploitable, etc.
Cette situation a entrainé, entre autres :
- la participation massive des pêcheurs à l’émigration irrégulière ayant entrainé une perte de main d’œuvre ;
- l’exacerbation des conflits dans le secteur ;
- la paupérisation des communautés de pêcheurs et la fermeture d’usines de
- traitement de produits de la pêche ayant des incidences sociales ;
- l’éloignement des zones de pêche ;
- l’augmentation des risques sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle ;
- la dépendance progressive du secteur vis-à-vis des captures dans les Zones Économiques Exclusives (ZEE) des pays limitrophes, et des importations de produits de la pêche.
Tout en saluant les efforts des Autorités dans la gouvernance des pêches et l’appui au secteur, la Coalition National pour une Pêche Durable (CNPD) recommande la mise en oeuvre des actions ci-après :
- Geler l’octroi de toute nouvelle licence de pêche industrielle sur des stocks pleinement exploités et surexploités ;
- Réserver exclusivement l’exploitation et la commercialisation de la sardinelle et de l’ethmalose aux acteurs nationaux pour le ravitaillement du marché national afin de renforcer la sécurité alimentaire nationale et la création d’emplois ;
- Augmenter la représentation des Professionnels de la pêche dans les organes de gestion (CNCPM, CCALP, et autres commissions) ;
- Mettre en œuvre les recommandations des concertations sur les Usines de Farine et d’Huile de Poisson (UFHP), notamment la prise de l’arrêté de gel des autorisations d’implantation de toutes nouvelles unités de farine et d’huile de poisson et l’audit des unités existantes ;
- Prendre des mesures de gestion durables des pêcheries pour éradiquer l’émigration irrégulière ;
- Faire une évaluation indépendante, par la partie sénégalaise, de l’Accord de pêche avec l’Union Européenne (UE) avant toute négociation pour le renouvellement d’un nouvel accord de pêche et partager les résultats avec les parties prenantes ;
- Renforcer la recherche et vulgariser les résultats avec les parties prenantes (Professionnels, Administration des pêches, etc.) ;
- Professionnaliser le secteur de la pêche artisanale et généraliser les cartes de métiers (Mareyeurs, Femmes transformatrices, Pêcheurs artisanaux, etc.) ;
- Mettre en œuvre les standards internationaux et les bonnes pratiques de transparence des pêches.